L’ancien garde des Sceaux et député du Finistère Jean-Jacques Urvoas relance l’idée d’une fusion entre la Région et les départements bretons. Il propose que l’idée soit soumise à un référendum. Les élus pourraient se saisir de ce dossier à l’occasion d’une loi discutée en septembre.
Désormais retiré de la vie politique, redevenu aujourd’hui universitaire, Jean-Jacques Urvoas ne quitte pas en revanche le débat public.
Ce grand connaisseur du droit constitutionnel a relancé l’idée d’une assemblée unique de Bretagne mi-juin via une contribution relayée par le think tank de gauche "l’hétairie ".
Une idée portée depuis longtemps par l’ancien député PS du Finistère. En 2014, président de la Commission des lois, il lui avait même consacrée un livre.
Fusion et clarification
En clair, c’est la fusion du Conseil Régional et des 4 Conseils départementaux bretons qu’il appelle de ses vœux pour créer ensuite une entité unique : "Elle exercera les compétences aujourd’hui dévolues à chacun d’entre elles, complétées, le cas échéant, par celles que pourraient lui octroyer de futures lois au nom du droit à la différenciation. Il y aura une assemblée délibérante composée de 200 élus choisis au suffrage universel combinant scrutin proportionnel et majoritaire. Cette même assemblée élira un conseil exécutif avec à sa tête un président" précise l’ancien garde des Sceaux.
Pour parvenir à cette nouvelle étape de la décentralisation, Jean-Jacques Urvoas milite pour que les citoyens soient pleinement associés.
Pour lui la consultation des électeurs bretons (ce que permet aujourd’hui la Constitution) est incontournable. La question du référendum serait simple : « Etes vous pour ou contre une fusion de la Région et des départements pour créer une assemblée de Bretagne ? »
Assemblée unique, avis multiples
Question à laquelle en tous cas les élus bretons répondent très diversement.
Pour l'élue régionaliste Mona Bras, ce débat sera justement l’occasion de clarifier les positions : "Verrons nous un jeu de rapport de forces entre centralisatisateurs / départementalistes et décentralisateurs / régionalistes ? "s’interroge-t-elle. Une chose est sûre, la ligne de fracture s’affranchit désormais des étiquettes politiques.
Parmi les chauds partisans de cette assemblée unique, on compte le président de région Loïg Chesnais-Girard (PS) . "Trouvons des solutions pour rendre un meilleur service aux Bretonnes et aux Bretons (...) Soyons force de proposition (...) et le moment venu soyons prêts pour proposer au gouvernement de nouvelles façons d’agir en Bretagne" plaide-t-il.
Avis partagé par un des co-leader de l’opposition régionale, le centriste Bernard Marboeuf ou bien encore par le premier secrétaire départemental du PS 22 Vincent Le Meaux qui estime en revanche que "tous les échelons locaux doivent être associés à cette révolution institutionnelle."
En revanche, le Rassemblement National s’oppose farouchement au projet. "Ce sera une étape vers le démantèlement de l’Etat Nation. Moi je suis très attaché au maintien du département qui est un territoire à dimension humaine." avoue Gilles Pennelle, conseiller régional RN.
Même septicisme affiché du côté des présidents des conseils départementaux. En Ile-et-Vilaine, Jean-Luc Chenut doute de l’efficacité et de la proximité que pourrait apporter cette nouvelle assemblée.
Il préfère renforcer les coopérations entre collectivités. Dans les Côtes-d’Armor, Alain Cadec ne "voit pas l’utilité de changer".
Du côté du mouvement Les Républicains, on préfère temporiser. Le conseiller régional Stéphane de Sallier Dupin pose des conditions : "Assemblée unique de Bretagne ? Oui ! Si elle nous permet de corriger des déséquilibres territoriaux, si elle permet une vraie relance de la natalité, si elle permet de mener une vraie transition agricole. Il n’y a pas de bonne institution politique sans bonne politique".
Le député des Côtes d’Armor, Marc Le Fur préfère, lui, défendre d’abord l’idée du conseiller territorial imaginé par une loi sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. "Elle permet d’associer de façon pragmatique et de plus en plus étroitement l’action de la Région et celle des départements jusqu’à ce qu’ils puissent effectivement fusionner" explique t-il .
Une fenêtre de tir
Si Jean-Jacques Urvoas relance ce débat aujourd’hui c’est que le calendrier est favorable. Depuis cinq ans, la création des métropoles, le débat sur la réunification de la Bretagne, ou bien encore le redécoupage des régions ont occulté la question.
Hors, en septembre prochain, la loi Proximité et territoire sera débattue au Parlement. Pour les élus bretons ce sera l’occasion de "mettre sur la table" le projet.
"Après la séquence du Grand débat et la promesse d’une nouvelle étape de la décentralisation, il y a un alignement des planètes" explique le politologue Romain Pasquier dans l’entretien qu’il a accordé à France 3 Bretagne ce mercredi.
Dans une tribune publié le 20 juin dernier, le maire de Paimpol (22) Jean-Yves de Chaisemartin, également vice-président du conseil départermental des Côtes d’Armor, propose même de profiter des élections municipales de mars prochain pour organiser le référendum.
Tribune de Jean-Yves de Chaisemartin pour l'assemblée de Bretagne
Reste une grande inconnue sur l’issue du scrutin. Validé par les Corses en 2014 , le concept de collectivité unique a été gelé en Alsace faute du quorum atteint lors d’une consultation en 2013.
Alors, les Bretons auront-ils bientôt l'occasion d'exprimer le droit à la différenciation ?