Aux stands des semenciers, les professionnels s'impatientent de voir évoluer les autorisations pour produire du cannibis thérapeutique. A l'approche d'une première expérimentation pour 3000 patients en France, la filière du chanvre souligne le retard de la France, qui va devoir en importer.
Pour produire du cannabis thérapeutique "made in France", "on a tout ce qu'il faut, il faut juste avoir les autorisations pour démarrer": au sein du "village" des semenciers, certains acteurs profitent du salon pour une opération séduction.
Confiture au chanvre, dégustation de graines vantant leur apport protéiné, lait relaxant au CBD (cannabidiol, la molécule non psychotrope du cannabis): loin des volutes de fumée, les projecteurs sont braqués sur les utilisations très variées de la plante.
Mais hormis ces applications "bien-être", c'est surtout l'usage médical qui intéresse.
Expérimentation pour cinq types de maladies
Les premiers traitements sous forme d'huile de cannabis ou fleurs séchées doivent être distribués dès septembre 2020 à 3 000 patients souffrant de cinq types de maladies
ou d'affections graves : certaines formes d'épilepsies, de douleurs neuropathiques, d'effets secondaires de chimiothérapie, de soins palliatifs ou de scléroses en plaques. Mais la production sera, dans un premier temps au moins, étrangère: de quoi frustrer le monde agricole.
"Il faut absolument qu'on soit en capacité au niveau français de mettre en place cette nouvelle filière" thérapeutique, martèle le député LREM de la Creuse Jean-Baptiste Moreau, en visite sous sa nouvelle casquette de rapporteur général de la mission parlementaire sur les usages du cannabis, lancée fin janvier. La concurrence internationale a plusieurs longueurs d'avance. Des groupes américains, canadiens, britaniques et hollandais ont des vues sur le marché hexagonal.
Interdiction de faire pousser des plants contenant du THC
A l'heure actuelle, la loi française empêche toute production médicale. Car il est interdit de cultiver des plants de cannabis contenant plus de 0,2% de THC (tétrahydrocannabinol), la molécule psychotrope du cannabis, et d'en récolter les fleurs.
Une interdiction dont InVivo, l'un des premiers groupes coopératifs agricoles français, espère s'extraire: il a déposé une demande d'autorisation à l'Agence du médicament (ANSM) depuis deux semaines, pour bénéficier d'une exception à titre expérimental. Le groupe est prêt à investir 10 millions d'euros et compte développer une variété spécifique pour chaque pathologie ouverte à la prescription.
Retard français
Le groupe souhaite "prendre le relais des importations dans deux ans", lorsque l'expérimentation du cannabis thérapeutique prendra fin, puis conquérir le marché mondial grâce au développement génétique de variétés à usage médical, une innovation qui garantit le caractère identique des plantes.
Et le groupe n'est pas le seul sur les rangs: le département de la Creuse veut également devenir un "pôle d'excellence", capable de fournir du cannabis thérapeutique.
L'évolution du cadre légal au point mort
Mais au sein de la filière, la modification indispensable du cadre légal fait figure d'arlésienne. En Maine-et-Loire, le semencier Hemp It compte déjà dans son catalogue des graines permettant de faire pousser des plants de cannabis illégaux, car contenant plus de 0,2% de THC. Depuis deux ans, il réclame d'expérimenter, "sans aucun retour" des autorités, soupire son dirigeant.
Après avoir fait voter l'expérimentation du cannabis thérapeutique en tant que député, "Olivier Véran est aujourd'hui ministre de la Santé, donc normalement cela
devrait aider", espère Nathalie Fichaux, directrice d'InterChanvre, l'interprofession qui rassemble les 1 500 producteurs de chanvre.