Présidente depuis septembre dernier du groupe Prisma Media, Claire Léost vient de publier en parallèle de cette carrière bien chargée un deuxième roman "Le passage de l'été" (JC Lattès) récompensé par le Prix Breizh 2021. Un roman d'apprentissage qui se déroule dans les Monts d'Arrée, au Huelgoat.
C'est dans l'école de filles du village du Huelgoat (29) que Claire Léost a souhaité accueillir la Bibliothèque Vagabonde. Une école du début du siècle passé, devenue aujourd'hui sous l'impulsion de la galeriste Françoise Lyvinec un espace d'art contemporain, très actif l'été. En ce mois de novembre, la cour recouverte des feuilles dorées des tilleuls nous replonge dans ces années où de nombreuses petites filles y courraient le temps d'une récréation.
Et c'est d'ailleurs cet univers qui a inspiré son tout dernier roman "Le passage de l'été" (JC Lattès). Le Huelgoat n'est jamais cité puisque l'histoire se déroule dans le village du Bois d'en Haut, mais c'est bien son décor de forêt et de rochers qu'on retrouve au fil des pages.
Pourquoi le Huelgoat?
Je ne suis pas originaire d'ici mais plutôt de Quimper et de Brest mais j'ai eu un coup de foudre pour cet endroit qui pour moi symbolise la Bretagne dans tout ce qu'elle a de complexe. C'est à la fois un village entouré par la forêt et cerné par les rochers, donc il y a une dimension mystérieuse presque mystique ici et c'est aussi le lieu où se trouve cette fameuse école des filles qui est une école communale pour filles qui a accueilli des générations et des générations de petites filles pauvres de la région et qui a été un lieu d'émancipation pour ces jeunes filles.
C’est un roman d’apprentissage qui s’ouvre avec un double enterrement…assez mystérieux et l’on va comprendre au fil des pages ce qui s’est déroulé… autour de 3 héroïnes que l’on suit entre 1945 et aujourd’hui, trois destins de femmes… qui sont elles ?
Hélène est lycéenne ici au village du Bois d'en Haut, elle passe son Bac français. Elle est promise à un destin tout tracé puisqu'elle doit épouser son meilleur ami Yannick qui est aussi du village et devenir institutrice comme sa mère.
On suit sa prof de français Marguerite qui elle arrive de Paris, qui est une femme très chic, très élégante, enseignante à la Sorbonne. On se demande un peu ce qu'elle est venue faire dans ce village, et un peu dans cette galère. On va le comprendre tout au long du livre.
Enfin on suit le destin d'une petite fille qui s'appelle Odette, 50 ans plus tôt dans les années 40, au moment de la guerre. Elle est elève dans cette école des filles et elle va être obligée de fuir le village à cause de la guerre et de la misère.
C’est une histoire d’émancipation, notamment grâce à l’école, comme cette école de filles dans laquelle nous nous trouvons. Quel a été selon vous le rôle de cette institution en Bretagne ?
C'est un sujet qui m'a toujours fasciné, c'est le miracle scolaire en Bretagne. Puisque c'est une région qui est partie au début du XXème siècle d'une misère noire, avec une population qui parlait à peine le français et moins d'un siècle plus tard, on a une région qui est très dynamique sur le plan scolaire avec une Académie de Rennes qui a les meilleurs résultats au bac en France. C'est vraiment lié à l'école, à la concurrence entre écoles privées et écoles publiques, à l'accent qui a été porté sur l'enseignement. Et aussi parce que c'est une terre où finalement il n'y avait rien d'autre et que le seul moyen de s'en sortir et notamment quand on était une fille, c'était l'école.
Au cœur de cette histoire, il y a aussi cette question du lieu d’où l’on vient, d’où l’on part… Hélène, pendant cet été où elle quitte son enfance découvre une nouvelle aspiration, celle de partir de son village… Mais son amoureux Yannick ne la comprend pas. Partir est-ce trahir ?
C'est un vrai sujet: Est-ce que partir c'est trahir? Est-ce qu'on a le droit de revenir quand on est parti? C'est un peu le problème des migrants en général, on devient un peu apatride, on n'est plus vraiment du pays d'où l'on vient et on est plus du pays où on arrive.
La génération de vos parents a quitté la Bretagne… Que représente la Bretagne aujourd’hui pour vous, outre ces étés d’enfance ?
La Bretagne, c'est la terre de mes ancêtres, c'est là où sont enterrés mes grands-parents, mon père. C'est là où sont mes racines et pour moi, c'est très importants les racines, l'ancrage. Et en même temps, j'ai un rapport d'amour-haine, un rapport un peu douloureux puisque ici je ne me sens pas complètement chez moi et quand je suis loin, j'ai envie d'être ici. Comme beaucoup de bretons, je suis un peu apatride et un peu entre deux terres.
Le livre fétiche de Claire Léost
Claire Léost a choisi "Le musée de l'innocence" de l'écrivain turc Ohran Pamuk.(NRF Gallimard)
"C'est le roman de l'amour total puisqu'on suit les démabulations d'un jeune homme qui s'appelle Kemal qui doit épouser une jeune fille de la bonne société stambouliote qui s'appelle Sibel. Et il va rencontrer une cousine éloignée dont il va tomber éperdument amoureux. Cela va faire dévier complèetement sa trajectoire de jeune homme promis à un avenir tout tracé. Et on le suit pendant 700 pages complètement hypnotisantes. C'est aussi un livre dans lequel on découvre Istanbul, ses ruelles et son monde interlope."
Le tiroir des jeunes lecteurs
Une sélection de livres jeunesse sur le thème de l'identité:
J'aurais voulu, Olivier Tallec (Pastel- L'école des Loisirs)
Ce petit écureuil né sous les couleurs du morlaisien Olivier Tallec se dit que personne ne rêve d’être un écureuil et qu’il ne veut plus en être un. Il préférerait être un castor, un cerf, un hérisson… à moins que finalement ecureuil ce ne soit pas si mal…Très bel album dans la collection Pastel de l’école des Loisirs.
Marin Morhange et la robe orange, Christine Baldacchino et Isabelle Malenfant (Editions Goater)
Marin adore porter une sublime robe orange. Une robe qui bruisse, se plisse avec des chaussures qui font clique clique sur le sol… sauf qu’un garçon ça ne doit pas porter des robes lui explique les copains de l’école…qui le rejette…jusqu’à ce que l’imagination de Marin bouleverse leurs certitudes. Un très beau livre sur la différence de Christine Baldacchino et Isabelle Malenfant, publié aux éditions rennaises Goater, avec une version aussi en breton.
Tata a de la barbe sous les bras, Anne Gaëlle Morizur et Florence Dollé (Editions Goater)
Et enfin, toujours chez Goater, ce petit album féministe plein d’humour de la brestoise Anne-Gaelle Morizur et de la rennaise Florence Dollé. « Tata a de la barbe sous les bras »… Cette tante est trop forte, elle joue au foot, conduit les tracteurs…mais elle a du poil sous les bras… et pas moi s’inquiète son neveu !
Le Tiroir du libraire
Ayla Saura de la librairie « la Nuit des temps » à Rennes qui partage avec nous son coup de cœur. L’équipe vient de recevoir « le prix spécial des libraires de l’année » par Livre Hebdo.
"C'est un roman qui traite de la maternité, on va suivre deux femmes qui vont tomber enceinte en même temps et qui vont faire deux choix complèetement différents qui vont les suivre tout au long de leur vie. C'est un roman puissant qui dévaste, qui nous prend aux tripes et qui nous marque au fer rouge pendant longtemps."
4ème de couverture
Le brétilien Philippe Gérin nous présente son second roman "La mélancolie des baleines" publié après le succès du "Voyage de Cosme K" (Gaïa)
Le Tiroir des rendez-vous avec "Livre et Lecture en Bretagne"
- Mondes merveilleux, histoire de fées ou de lutin, de légendes et de magie… Avec une 19 ème édition intitulée « Fantastique », le salon du livre jeunesse du pays de Lorient vous entraine dans le monde de l’imaginaire dès ce 26 novembre et jusqu’au 1 décembre.
- Un univers un peu similaire à l’honneur avec Les Enchanteurs, le festival du livre médiéval et de l’imaginaire qui se déroule également ce week end à Chateaugiron en Ille et Vilaine. La magie et la sorcellerie prendront le pouvoir !
- Week end décidément bien rempli puisque Pont Labbé propose aussi un rendez vous littéraire gratuit, Le salon bigouden du livre avec 70 auteurs invités et un concours de nouvelles.
- Enfin, notez que la journée dédicace du Salon du livre jeunesse de Ploufragan se tiendra le 11 décembre. L’occasion de rencontrer une vingtaine d’auteurs qui auront sillonné les écoles des environs de St Brieuc les jours précédents.