Depuis le début du confinement, les initiatives d'écriture fleurissent. Pour mettre des mots sur cette période inédite, garder le lien avec les proches, conserver une trace, parfois tout simplement pour donner du sens à sa journée. Ecrire fait du bien. Certains le disent même avec des sons.

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A l'heure des textos, des tweets de 50 mots, et des publications rapides, bonne nouvelle, l'écriture attire toujours ! Des anecdotes compilées jour après jour aux récits plus intimes, beaucoup de personnes confinées ressentent le besoin de mettre des mots sur cette période si particulière. Non seulement elles ont plus de temps, mais la matière est là.

A Brest, l'atelier d'écriture de l'association ATD Quart Monde s'est organisé pour continuer à travailler à distance. Depuis deux mois, les échanges se font par courriels. A plusieurs mains, les participants réalisent un journal des confinés.

"Je sais tu manques d’air, de liberté,
tu rêves de riants lendemains
Il te faut vivre dignement dans l’Incertain..."


Extrait de phrases écrites au cours de l'atelier lirecrire d'ATD Quart Monde Brest.
 

Le confinement, thème central du journal

 

Le besoin de s'exprimer apparait plus nécessaire encore que d'habitude. 14 personnes participent au journal des confinés, c'est deux fois plus qu'au début.

"Il y a besoin de raconter les vies vécues, les colères, les choses comme elles viennent. Les difficultés et les inquiétudes ressortent », explique Patrick la Prairie, ancien journaliste, qui anime chaque semaine ces rendez-vous.

"Besoin aussi de relayer les nombreuses interrogations sur l'après. Certains parents se sentent en échec par rapport à la continuité pédagogique. Les difficultés, les inquiétudes, ressortent."

Un temps pour moi


Sandrine Ledins participe à ces ateliers depuis trois ans. Mère de trois enfants, elle a des journées bien remplies, d'autant qu'elle suit en ce moment une formation à distance. Mais le soir, c'est son moment à elle.

"Je trouve toujours une heure ou deux quand tout le monde est couché pour écrire un peu. Je dis ce que j'ai sur le cœur, ça soulage."

D'ici quelques jours, elle recevra le thème de la semaine prochaine. L'atelier, même à distance, est une façon pour elle de ne pas être seule dans le confinement et de garder le contact avec le groupe. 

Un moyen aussi de partager ses questionnements, nombreux. "Surtout pour les enfants : comment on va faire après, pour rattraper le retard ? Je connais des personnes qui n'ont pas de ressources. C'est le cas de mon fils aîné. Ça me pèse sur le cœur. Et je me dis il ne doit pas être le seul dans ce cas-là. On écrit à partir d'expériences de vie, on parle pour eux. Pour que leur message soit entendu."
 



Texte de Sandrine Ledins, extrait du journal des confinés :


Semaine 3 : Ras le bol d’être confinée ... mais on prend son mal en patience, le temps est long. Il faut en permanence trouver des jeux ou des activités pour le petit.
 

A part ça, ça va on est tous en bonne santé c’est le plus important. Mon grand va aller travailler dans les serres mercredi je suis contente pour lui.


Les lecteurs, aussi, sont dix fois plus nombreux que d'habitude, jusqu'à 500 visites par jour. Une fierté pour Sandrine et ses camarades d'écriture.

L'écriture n'est pas une pratique naturelle pour tous, mais quand l'envie est là, les échanges se font parfois au téléphone, en écriture collaborative : l'animateur les questionne puis leur renvoie leur réponse par mail pour qu'ils les valident, dans le respect de leurs expressions, et dans la dignité.

En atelier, le fait de coucher des mots sur le papier amène parfois des larmes et provoque un soulagement.
A distance, c'est différent. Malgré tout, écrire pour le journal des confinés en ligne, c'est participer à une œuvre collective, "c'est une forme de reconnaissance pour les personnes qui se sentent en exclusion" témoigne Patrick la Prairie.
 

Besoin de s'évader : tout sauf le confinement


En cette période confinée, les mots aident aussi à s'évaderL’association Ker Kars propose des ateliers en ligne, mais ici on écrit sur tout, sauf sur le confinement.
  


"Pour moi, l'important dans l'écriture, c'est cette sensation fabuleuse de l'intime et du partage", estime Catherine Marc, animatrice d'ateliers d'écriture dans le Sud Finistère et fondatrice de l'association.

Son groupe rassemble essentiellement des femmes, dont une partie à la retraite. Certaines souffrent de ne pas voir leurs petits-enfants. L’envie d'écrire à leur attention est stimulante.

Chaque semaine, elles attendent avec impatience les « consignes » de l'animatrice.

Vous venez de vous réveiller, vous allez dans la cuisine. C'est alors que vous imaginez quelque chose qui n'était pas là la veille. Imaginez une histoire à partir de cette situation.

Voilà un extrait du type de consignes que Catherine Marc envoie chaque semaine aux 24 participants. Autant de réponses que de plumes différentes.

Ici, pas question de parler du confinement.

C'est une période que j'aimerais pouvoir effacer de ma tête, donc écrire sur le confinement, non.


Si la période peut inspirer, ce n'est pas le cas d'Anne-Marie Lathoud-Lyon, bien au contraire. 
"Au début, les premiers ateliers, je ne les ai pas faits, ça coinçait, j'avais le problème de la page blanche", raconte-t-elle. "Ça s'est débloqué, je recommence à écrire mais je ne retrouve pas le plaisir d'écrire, car il n'y a pas l'échange en visu avec les autres".
 

Un moyen d'évasion


"On répond aux consignes. Cela nous sort de notre quotidien et du confinement, c'est ce qu'on va chercher", explique Nicole Regnault, elle aussi membre de l'atelier. Le week-end dernier : poésie sur le thème du jardin et de la danse.

Binettes, pelles, crocs, arrosoirs attendront
Le lendemain pour ôter encore quelques débris
Le jardinier et sa femme s’installent sur la terrasse,
écoutant avec bonheur le chant des oiseaux,
Le rouge-gorge, le pic vert et la pie qui jacasse,
Mettent de la musique et improvisent un tango

Poésie de Françoise Macy.

Les textes sont publics sur le site de l'association mais Catherine Marc souhaite favoriser l'interaction avec les lecteurs. D'où l'idée de partager les écrits du groupe avec des personnes confinées, notamment des résidents en maisons de retraite.

"Ecrire pour soi, ça fait du bien pour ne pas être dans l'enfermement ", témoigne Nicole, "mais écrire pour les ehpad quelque chose de gai, c'est un moteur supplémentaire, un petit caillou. Si ça peut aider, c'est formidable."

 


Un temps propice à l'écriture et pourquoi pas à l'écoute ?

En l'absence de voitures et d'avions, notre environnement sonore a changé ces deux derniers mois, et notre perception, sans doute, aussi, pour peu qu'on prête attention à son entourage.

Thierry Compain, réalisateur et ingénieur du son est un jeune retraité de France 3 Bretagne. Habitué au matériel de pointe, aujourd'hui c'est muni d'un simple micro au bout d'une perche qu'il enregistre les sons qui l’entourent, dans son quartier résidentiel, au sud de Rennes.

Depuis le 21 avril, il publie chaque jour une minute d'instants de vie.
 

Ce journal sonore de confiné n'était pas prémédité.


Tout a commencé un soir d'orage


"Un soir, le 18 avril, j'ai entendu l'orage arriver. Le son était magnifique. Il y avait une quiétude dans l'air... par rapport à la tension du moment. Cet orage grondait comme une menace. D'un seul coup il a plu, ce fut comme une délivrance, je l'ai enregistré pour le plaisir. Ma femme m'a dit : tu devrais le partager".


C'est ainsi que le journal sonore a commencé. Thierry s'est pris au jeu. De garder l'oreille aux aguets. De jouer harmonieusement avec les sons comme il le fait depuis 46 ans. Avec peut-être encore plus d'acuité sur ce qui l'entoure. Il a beaucoup écouté son jardin, puis s'est intéressé à la rue. Il a entendu le petit voisin qui pleurait un jour, puis des pères qui apprenaient à faire du vélo à leurs enfants.

Au début, dans une période où le monde était à feu et à sang, l'artiste n'avait pas imaginé partager ses sons "de rien du tout" comme il dit. Mais finalement, "écouter la vie autour, révéler qu'il y a de l'humanité autour de nous" l'a fait changer d'avis. "ça me plait beaucoup", témoigne-t-il.

 
Les internautes, aussi, apprécient ces fenêtres sonores apaisantes. « Il y a une sérénité, une poésie qui nous emporte», racontent certains commentaires.

Même confiné, le documentariste ne se refait pas. A travers ces paysages sonores quotidiens, c'est aussi une trace de ce moment si particulier que Thierry Compain nous offre.
 

Garder une trace à travers des mots, des sons et des images aussi


Arthur Rougeot, 16 ans, vit à Rennes. Lui a choisi de garder une trace de sa ville confinée. Dans le rayon d' 1 km autorisé autour de chez lui, le jeune passionné de vidéo a tourné avec sa petite caméra une heure par jour, dans sa ville, Rennes, quasi déserte.
 
 

"Je m'ennuyais un peu, c'était pour avoir un souvenir du confinement ". Des images qu'il accompagne avec la musique de la série "The left others", où des gens disparaissent. "ça collait avec le thème", explique-t-il.
Sa façon à lui de se souvenir.

Rire avec les mots

Enfin, parce que les mots peuvent aussi provoquer de bons fous rires, je ne résiste pas à l'envie de publier ce journal confiné d'un auteur à priori inconnu.

Oui, les mots peuvent faire du bien !
 


 
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