Dès le premier dimanche de l’Avent, l’ouverture des marchés de Noël donne le coup d’envoi des fêtes de fin d’année. Ils investissent les places des villes et des villages et contribuent à la féérie de Noël. Originaires d’Allemagne, ces marchés se sont peu à peu développés dans toute l’Europe.
Les premiers marchés de Noël sont apparus au 13ᵉ siècle sous le nom de marché de la Saint-Nicolas. Ils se nomment ainsi en hommage à l'Evêque Saint-Nicolas de Myre, renommé pour sa charité et sa foi combative. Patron des écoliers, la légende dit qu'il aurait ressuscité trois enfants. Dès 1294, un arrêté municipal de la ville de Vienne en Autriche mentionne l’organisation d’un marché de la Saint-Nicolas. Il s’agit de la plus ancienne trace écrite d’un évènement de ce genre.
Au fil des ans, d'autres arrêtés municipaux mentionnent des marchés similaires dans l'ensemble du Saint Empire germanique. Proche culturellement et géographiquement, Strasbourg embrasse également la même tradition sur le parvis de la cathédrale.
Plus d'un siècle plus tard, en 1434, le prince Frédéric II de Saxe autorise l’organisation d’un marché de Noël à Dresde en Allemagne le lundi précédent Noël. Connu sous le nom de "Dresdner Striezelmarkt", c’est le plus ancien marché de Noël d’Allemagne qui se tient sur l’Altmarkt de la ville.
À l'époque, les populations étaient essentiellement rurales et vivaient en groupe dispersé, jamais trop loin d'une église qui organisait des marchés à chaque fête religieuse. Le marché de Noël était le plus important.
Le Striezel*¹ (voir plus en fin d'article), brioche tressée garnie de fruits secs, le Christstollen*², "rouleau de Noël" ou encore le célèbre pain d’épice de Pulsnitz*³ vendus à l'époque, participent déjà à la renommée de ces marchés.
À LIRE : CARTE. Où sont les marchés de Noël près de chez vous
Marché de Noël de l'enfant Jésus
La réforme du protestantisme change la donne. Comme cette branche du catholicisme n’est pas favorable aux cultes des Saints, les marchés de la Saint-Nicolas sont annulés vers 1570. À partir de cette date, les enfants doivent recevoir leurs cadeaux de l’enfant Jésus et non plus de Saint-Nicolas.
Pour contenter les forains qui ont tout à perdre d’une telle décision, un compromis est trouvé. Un marché une semaine avant le 25 décembre centré sur la fête de la nativité est permis. Il est baptisé Christkindelsmärik, ou « marché de l'enfant Jésus ». C’est la naissance du marché de Noël moderne, dérivé de l'ancestral marché de la Saint-Nicolas.
Des marchés de Noël qui se multiplient
Au début du 19e siècle, la révolution industrielle bouleverse les marchés de Noël. L'élévation du niveau de vie et l'émergence de la classe ouvrière permettent aux marchés de Noël de se développer. Selon le National Géographic, à Berlin, le nombre de stands est passé de 303 en 1805 à environ 600 en 1840.
La police allemande se plaint des foules turbulentes fréquentant les marchés. De même, les riches propriétaires de somptueux magasins militent pour les chasser hors des centres-villes et ainsi éviter la concurrence. De Berlin à Nuremberg, les marchés s'installent alors en périphérie. Ils y restent pendant des décennies.
Les marchés de Noël refaçonnés par les Nazis
Dans les années 1930, les marchés de Noël reviennent dans les centres-villes grâce à l'appui du parti Nazi (Parti national-socialiste des travailleurs allemands). Son rôle joué dans l'histoire de ces marchés est passé sous silence. Noël est un instrument politique que certains politiciens utilisent pour influencer les traditions. Ainsi, l'imagerie nazie s'impose dans les crèches de Noël, se répandant en propagande dans les calendriers de l'Avent. Adolf Hitler fait de Noël une fête nationaliste vantant l'héritage allemand. Les Nazis standardisent la décoration des stands des marchés de Noël. Seuls des produits nationaux ont le droit d'être vendus. Ils espèrent stimuler l'économie et élever l'esprit des citoyens allemands. C'est réussi, en 1936, Berlin accueille deux millions de visiteurs. Mais la Seconde guerre mondiale sonne le glas des marchés de Noël. En 1941, la plupart des villes n'en organisent pas.
La guerre finie, les marchés de Noël ne cessent de croître grâce au boom économique des années 1960-1970 et à la montée du consumérisme lié à Noël.
Mais à la fin des années 1980, la tradition du marché de Noël de Strasbourg s’essouffle. Le syndicat hôtelier affiche des taux de remplissage jugés trop faibles pour la saison, de l’ordre de 36%. De plus, décembre et janvier sont les mois de l’année où la région reçoit le moins de visiteurs. Face à ce constat, les instances régionales décident de promouvoir l’Alsace pendant la période de Noël. Ils s'invitent alors dans des salons touristiques pour se faire connaître. Grâce à leur ténacité et aux médias, le revirement de situation est spectaculaire.
Expansion dans les années 2000
Alors que jusqu'aux années 1990, le phénomène des marchés de Noël restait limité aux pays allemands et à l'Alsace, en moins de deux décennies, il s’est étendu à la France entière. En 1992, Strasbourg s’autoproclame "Capitale de Noël", titre tout à fait naturel, car elle organise le plus ancien marché de Noël depuis 1570 en France. Puis les villes alsaciennes réinventent le concept : de 8 marchés de Noël en Alsace en 1990, leur nombre passe à plus de 300. Puis la folie des marchés de Noël gagne la France entière.
Dans les années 2000, chaque grande ville se doit d’organiser son marché de l’avent. Paris finit par rivaliser avec l'indétrônable marché de Strasbourg. Tant et si bien que la palme du marché de Noël le plus fréquenté de l'Hexagone revient à celui des Champs-Élysées avec 15 millions de visiteurs accueillis durant sept semaines. Le marché est devenu le premier événement parisien annuel.
La France est numéro 2 en Europe pour le nombre de marchés de Noël, loin devant le Royaume-Uni, l’Autriche, la Suisse ou les Pays-Bas.
Depuis 1990, les marchés de Noël sont l'occasion d'illuminer les villes et villages, de proposer des spectacles de rue ou de pyrotechnie, d’installer des patinoires éphémères, des grandes roues… On y achète désormais des articles du monde entier : babouches, bonnets péruviens, Bouddhas et pléthore d'objets futiles et merveilleux. On y consomme également les plats typiques de nos régions et les spécialités culinaires des pays étrangers où les marchés de Noël existent.
La palme du plus beau marché de Noël du monde revient à la ville de Rovaniemi, capitale de la Laponie, et surtout ville natale officielle du père Noël.
Les marchés de Noël allemands, un héritage culturel et immatériel
Nombreux sont ceux qui souhaitent voir les marchés allemands inscrits au Patrimoine culturel immatériel de l'UNESCO. Au cours de leur histoire séculaire, les marchés de Noël se sont adaptés aux pratiques politiques et sociales, leur évolution reflètent ce que nous sommes. Leur héritage culturel et immatériel se constitue de traditions qui évoluent et se façonnent à chaque nouvelle génération. Pour les spécialistes, l'analyse de leur histoire constitue un travail préparatoire en vue d'une potentielle inscription au Patrimoine immatériel de l'UNESCO.
À LIRE : CARTE. Où sont les marchés de Noël près de chez vous
Connaître l'histoire des marchés de Noël, c'est bien, mais en profitez, c'est encore mieux ! À vous maintenant de vous réunir autour de ces petits chalets conviviaux à la douce odeur de friandises et de vin chaud, de remplir votre hotte de Noël de jouets en bois, d'objets artisanaux et…d'humanité. Réjouissez-vous aux sons des jingle bells ou des balalaïkas aux quatre coins de l'Europe. La flamme des marchés de Noël n'est pas prête de s'éteindre.
BONUS
1* - Le Striezel est une brioche tressée garnie de raisins secs ou de fruits secs et parsemée de gros grain de sucre sur le dessus. Ces brioches étaient très répandues dans ces marchés d’où le nom de « Striezelmarkt ».
2* - Les fameux Christstollen connus sous le nom de "rouleau de Noël" sont confectionnées comme un pain, à pâte à la levure lourde, souvent farcie de massepain (pâte d'amande), avec des fruits secs et des confits (sultanines, orangeat, citronat) et diverses épices.
3* - Les célèbres pains d’épice de Pulsnitz sont considérés comme une forme d'art en Allemagne. Une recette européenne précoce se compose d'amandes moulues, de chapelure rassise, d'eau de rose, de sucre et, naturellement, de gingembre. La pâte résultante était pressée dans des moules en bois. Ces œuvres d'art sculptées servaient de storyboard racontant la nouvelle du jour. Les dessins représentaient des nouveaux rois, empereurs et reines, ou symboles religieux. Le biscuit fini pouvait être décoré avec de la peinture d'or comestible (pour ceux qui pouvaient se le permettre) ou du glaçage blanc plat pour faire ressortir les détails en relief.
Emblématique, le pain d'épice est aujourd'hui présent sur tous les marchés de Noël, décliné en forme d'étoile, de petit bonhomme et en pain prêt à être découpé en tranches.