Coronavirus : « Je bois certainement des verres que je n'aurais pas bu en temps normal »

Enfermement, angoisse de mort, de maladie ou besoin de convivialité derrière les écrans avec les « apéros-skype », les médecins addictologues et associations de soutien craignent une forte augmentation de la consommation d'alcool par temps de confinement.

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"Avec le confinement, tous les éléments sont réunis pour une surconsommation d'alcool. Le sport, les rencontres entre amis n'existent plus. Le mouvement naturel peut être de se tourner vers d'autres plaisirs" alarme Catherine Mouden, cheffe du service d'addictologie à l'hôpital Morvan de Brest.
L'oisiveté, le stress, l'ennui, la solitude et l'angoisse ne sont pas un bon cocktail quand il s'agit de réduire sa consommation de bière ou de vin.

D'autant qu'avec l'enfermement, "on risque de vouloir s'assommer avec l'alcool pour faire passer le temps plus vite." Baudelaire en 1869 dans Le Spleen de Paris le disait bien : "Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve." Mais si le vin est une dangereuse échappatoire au poids du temps, l'auteur esquissait aussi la possibilité de "s'enivrer de poésie ou de vertu".
 

Le double fardeau des personnes dépendantes


Pour les personnes dépendantes suivies par un service hospitalier d'addictologie ou des associations néphalistes comme les Alcooliques Anonymes (AA), le confinement est encore plus difficile à vivre. "En temps normal, nous avons un suivi en hôpital de jour, nous effectuons des visites à domicile avec des activités thérapeutiques. Le confinement a mis fin à cela de manière brutale" explique l'addictologue.

Les cinq groupes brestois des Alcooliques Anonymes ne peuvent évidemment plus poursuivre leurs réunions hebdomadaires en présentiel. Mais l'association a mis en place des réunions en vidéo-conférence pour garder le lien. "On essaie de garder le contact entre nous. On s'envoie des messages de soutien tous les jours" raconte Henri, bénévole au groupe « Renouveau » des AA de Brest.

Si au centre d'addictologie de Brest, les entretiens par téléphone avec les médecins ont remplacé les visites à domicile, certaines personnes n'ont pas réussi à vaincre leurs angoisses et ont repris leur consommation d'alcool. "Cela dépend beaucoup de la personnalité et des problèmes de chacun, de la précarité des liens sociaux" explique Catherine Mouden.
 
 

L'apéro en visio, la nouvelle mode du confinement


Garder des liens sociaux et amicaux malgré la distance et par écrans interposés représente, selon l'addictologue, un risque de banalisation de la consommation d'alcool. "Les apéros sont ludiques, c'est un moment de retrouvailles sociales. Le problème, c'est la fréquence et surtout la normalisation de la consommation d'alcool qui est liée" note Catherine Mouden de l'hôpital Morvan.

Juliette, étudiante brestoise de 23 ans le reconnaît : "Je bois certainement des verres que je n'aurais pas bu en temps normal. Mais je surveille ma consommation et de toute façon, en temps normal je bois déjà très peu."

Même constat du côté de Maïwenn (29 ans) : "La première semaine j'ai bu plus que d'habitude et puis samedi je me suis dit que c'était mon dernier verre avant 10 jours au moins. Une sorte de dry 10 days". Référence à la campagne "Dry January" lancée en janvier pour appeler les Français à ne pas consommer d'alcool durant tout le mois de janvier.

 

Les cavistes dans la liste des magasins autorisés pendant le confinement


Et même si le gouvernement a jugé bon de considérer les cavistes comme des magasins alimentaires, et donc de les inclure dans la liste des commerces autorisés ("commerce de détail de boisson en magasin spécialisé") les ventes ne semblent pas avoir bondi.

Stéphane Hodent-Jezéquel, gérant de la franchise Nicolas Iroise à Brest l'affirme : "les chiffres des ventes sont à la baisse. Les clients achètent un peu plus, mais on a beaucoup moins de clients."

Les rapports de la grande distribution vont dans le même sens. Les panélistes spécialisés du secteur comme l'Iri observent que les alcools sont la catégorie de produits qui ont le moins bénéficié de l'épidémie, même s'ils enregistrent une petite augmentation (+2% sur la 1ère semaine de confinement entre le 16 et le 22 mars).

Pour autant, les chiffres des ventes ne reflètent pas forcément ceux de la consommation puisque des stocks et caves personnelles peuvent avoir été constitués avant le confinement.
Et comme le confinement n'aura qu'un temps, Henri des AA de Brest anticipe déjà le retour à la vie normale : "Il ne faudrait pas que les gens, tellement contents de retrouver leur liberté, retombent dedans ou soient ivres tous les soirs avec les copains."


 
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