80 bovins maltraités retirés à leur éleveur. "Quand les animaux ne vont pas bien, c'est que l'éleveur ne va pas bien"

Vendredi 20 février, dans une exploitation près de Guingamp dans les Côtes d'Armor, plus de 80 vaches laitières affamées ont été saisies suite à l'intervention des services vétérinaires du département avec le soutien de l'association OABA. Ces situation dramatiques se multiplient.

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L'opération de sauvetage aura pris plusieurs heures d'un travail acharné. 10 heures pendant lesquelles une quinzaine de bénévoles de l'association de protection des animaux de ferme, de l'élevage à l'abattoir, l'OABA, ont dû procéder à l'enlèvement de plus de 80 bovins dans une exploitation agricole entre Guingamp et Morlaix. 


Des animaux amaigris, sans soins


La procédure de saisie des animaux était réalisée sur décision du procureur de la République, suite à un procès-verbal des services vétérinaires de la DDPP (Direction départementale de la protection des populations) des Côtes d'Armor. Lors d'un contrôle réalisé quelques jours auparavant, les services vétérinaires avaient conclu à la nécessité imminente de saisir les animaux maltraités de cette ferme.

Sur place, un cadavre de cheval et cinq autres de vaches, cachés pour certains sous des bâches, avaient été découverts. Les bovins étaient "visiblement malnutris, à l'agonie, sans foin à manger et dans une ferme sale et laissée à l'abandon" explique Frédéric Freund, directeur général de l'OABA (Œuvre d'Assistance aux Bêtes d'Abattoirs), l'association reconnue d'utilité publique depuis 1965, sollicitée pour mettre à l'abri les animaux dans l'attente d'une décision judiciaire.


L'éleveur, "n'ayant pas fait les bons choix au bon moment pour son troupeau et n'ayant pas écouté les bons conseils, était dépassé par la situation et certainement dans le déni" selon Frédéric Freund. "Perdu psychologiquement", le propriétaire voulait d'ailleurs s'opposer à la procédure de retrait. Le jour même, il a été emmené par les pompiers, en présence des gendarmes, puis hospitalisé. "Un schéma que l'on retrouve trop souvent : les animaux ne vont pas bien, car l'éleveur ne va pas bien" résume le directeur de l'association.
 


Des situations qui se multiplient


Pour Frédéric Freund, la situation devient préoccupante. Alors que ces dernières années, l'OABA recueillait bon an, mal an, un peu plus d'un millier d'animaux de ferme, l'année 2020 s'est terminée par 1784 bêtes retirées pour 35 affaires. "Et 2021 s'annonce bien pire, puisque l'on en est à plus de 700 bêtes et 7 affaires alors que le mois de février n'est pas encore terminé" s'émeut le directeur de l'association. 

L'OABA a alerté le ministère de l'Agriculture sur l'urgence de la situation mais en vain. La fondation Brigitte Bardot, l’autre association qui réalise ces retraits d’animaux de ferme, a demandé, elle, le 19 février, une aide exceptionnelle au ministre. 


Lorsque l’association OABA prend en charge des animaux retirés à leur propriétaire, elle ne le fait que sur décision de justice afin de les placer dans de bonnes conditions de vie, mettant souvent fin à un calvaire qui dure depuis longtemps. Un retrait temporaire, dans l'attente d'une décision de justice, car seul un tribunal peut décider de confisquer définitivement ses animaux à un éleveur.

Lors de ces opérations, l'OABA prend en charge le transport, les soins vétérinaires et l’hébergement des animaux, placés dans une quarantaine de fermes partenaires réparties sur tout l'Hexagone. Les bêtes saisies vendredi ont été transportées dans l'une des trois fermes partenaires de Bretagne. 


Le cercle vicieux de la souffrance humaine et animale 


L'augmentation de ces interventions s'explique par "les difficultés économique du monde agricole qui engendrent une détresse humaine qui se traduit parfois par une souffrance animale". La Bretagne fait partie des trois régions les plus touchées, avec la Bourgogne et l’Auvergne-Rhône-Alpes, les principales régions d'élevage.

"On a une crise agricole qui dure et perdure et certaines exploitations qui ont tenu le coup il y a deux ans, ont encore tenu le coup l'année dernière et là, cette année, après trois ans de sécheresse en plus, avec une tonne de paille à 140 €, soit 3 à 4 fois plus cher que d'habitude, et des prix de vente des animaux qui sont parfois en dessous du prix de revient ... hé bien, ces exploitations ne tiennent plus. Leur trésorerie est exsangue." Les éleveurs ne peuvent alors plus acheter de paille, de granulés et de foin et "c'est alors la cata" explique Frédéric Freund.

Pour le directeur de l'OABA, "95% des éleveurs sont dans le déni et ne se rendent pas forcément compte de la situation et du fait que leurs animaux ne sont pas suffisamment nourris." Avec ces temps difficiles, selon lui, les propriétaires s'habituent à voir leurs bêtes amaigries et pour eux "cela devient la norme. Ils ne voient plus le foin pourri ou l'eau croupie. Ils sont sur une autre planète. Ils ne réalisent pas non plus l'évolution des attentes de la société. ".
 

"Une acuité grandissante" du grand public pour le bien-être animal


Car, pour ce spécialiste, l'évolution des mentalités joue aussi sur l'augmentation des signalements d'alertes, "il y a 20 ans, on passait dans un champ avec des bêtes maigres dans la 'merde', il n'y avait une personne qui allait s'en émouvoir. Aujourd'hui, le maire du village va recevoir des appels, la gendarmerie va recevoir des appels, les services vétérinaires vont recevoir des appels et les associations de protection animale vont recevoir des appels. Il y a aujourd'hui une acuité grandissante du grand public pour le bien-être animal et certains éleveurs sont restés à la traîne et ne se sont pas mis à jour."

 

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