La cour administrative d'appel de Nantes a examiné mardi le recours de l'Etat contre l'annulation de l'arrêté du préfet des Côtes d'Armor qui avait entériné, le 18 février 2016, la fusion des communes de Binic et d'Etables-sur-Mer. La décision a été mise en délibérée et sera rendue en janvier.
Les juges nantais de la Cour administrative d'appel, se sont penchés sur le recours de l'Etat contre l'annulation de l'arrêté du préfet des Côtes d'Armor qui avait entériné, le 18 février 2016, la fusion des communes de Binic et d'Étables-sur-Mer.
Une fusion annulée pour vice de procédure en juin 2017
Pour rappeler les épisodes précédents, début 2016, les deux communes de Binic et Etables-sur-mer, fusionnent. Un mariage entériné par un arrêté préfectoral le 18 février 2016. Cette fusion est remise en cause par les habitants, à travers deux associations "SOS Mariage forcé" et "Terroir de Bretagne". Et le 15 juin 2017, l'arrêté préfectoral est annulé par le Tribunal administratif de Rennes pour vice de procédure, les représentants du personnel des deux communes n'ayant pas été valablement consultés avant la fusion. Le divorce doit donc être prononcé le 31 octobre 2017.
La commune nouvelle à nouveau autorisée en octobre
Mais, entre juin et fin octobre, les communes prennent les mesures nécessaires pour régulariser le vice de procédure. Ainsi, avant même que le divorce n'intervienne, le préfet décide le 27 octobre 2017, d'autoriser la poursuite de la commune nouvelle. Le tribunal rennais valide en février 2018, cet arrêté de "régularisation" du préfet des Côtes d'Armor.
"Une certaine précipitation"
Ce Mardi, en appel, le rapporteur public a confirmé que la fusion entre Binic et Etables s'était faite dans une certaine "précipitation", alors qu'il n'est pourtant "pas rare que ce type de fusions génère des oppositions". Le magistrat, dont les avis sont la plupart du temps suivis par les juges, a par ailleurs préconisé de confirmer en tous points les deux jugements contestés du tribunal administratif de Rennes.
La question de la consultation des représentants du personnel des deux communes
Le rapporteur public a relevé que l'Etat maintenait "non sans audace" que la consultation préalable des représentants du personnel ne s'imposait pas à ce stade dans ce cas de figure, mais son argumentation n'est "pas sérieuse". "Cela a eu pour effet de priver les agents d'une garantie : une fusion peut supprimer des postes en doublon" a-t-il souligné.
Concernant la régularisation du premier arrêté, le rapporteur public a rappelé que la jurisprudence autorisait l'administration à s'affranchir de "formalités impossibles", comme en l'espèce la réunion a posteriori des instances représentatives du personnel des communes de Binic et d'Etables-sur-Mer : disparues, elles ne peuvent plus être réunies. "Le pragmatisme du juge a toutefois ses limites... En l'occurrence, le préfet a été à l'origine de cette fusion, et ne s'est pas soucié du respect des dispositions législatives", a commenté le magistrat. Néanmoins, il a constaté que les représentants du personnel de la commune nouvelle, après les élections professionnelles, avaient voté la poursuite de la fusion.
"Ni chiffres, ni audit" sur le coût de l'annulation pour les opposants
"On joue les vierges effarouchées en nous disant que les conséquences financières de cette annulation seraient très importantes, de l'ordre de plusieurs millions d'euros, mais on ne nous produit ni de chiffres, ni d'audit", a répliqué Me Marc Rouxel, l'avocat de SOS Mariage Forcé, venu à Nantes avec plusieurs adhérents : le conseiller municipal Gilbert Bertrand, mais aussi Brigitte Le Chevert, Paul et Catherine Chauvin, Jean-Claude Sylvestre et Hélène Lutz. "A l'époque, on nous disait qu'il fallait aller vite parce qu'il y avait des dotations budgétaires à récupérer, mais il n'y avait en réalité aucune urgence", a plaidé l'avocat angevin. "On constate même aujourd'hui, dans différentes communes nouvelles, que les économies d'échelle attendues ne se sont jamais produites et qu'elles sont en cours de défusion."
Arrêt rendu début janvier
L'avocate de la commune nouvelle de Binic-Etables-sur-Mer, pour sa part, a "rejoint la position audacieuse" de l'Etat sur l'absence de nécessité de consulter les instances représentatives du personnel communal. "Après, on a régularisé avec les moyens du bord : on n'avait aucune autre solution qui s'offrait à nous", a-t-elle insisté. Le ministère de l'Intérieur, de son côté, n'était ni présent ni représenté par un avocat à l'audience.
La cour administrative d'appel de Nantes, qui a mis sa décision en délibéré, rendra son arrêt au début du mois de janvier.