Ils sont Britanniques, installés en Bretagne depuis de longues années pour certains et vont voter aux élections européennes grâce à leur double nationalité. Ils témoignent de ce que représente ce vote pour eux, qui n'ont toujours pas "avalé" le Brexit.
"Quand je leur dis que je vais voter aux élections européennes, mes amis au Royaume-Uni sont jaloux." Retraité britannique, John Greenlees a obtenu il y a un mois la nationalité française et compte bien rappeler, en votant, qu' "il existe des Anglais qui aiment l'Europe".
La "tragédie du Brexit"
Installé depuis dix ans à Maël-Carhaix, dans les Côtes-d'Armor, John Greenlees a vécu "comme une tragédie" le référendum du Brexit, qui a signé la sortie de l'Union européene (UE) du Royaume-Uni en janvier 2021.
Depuis, seuls les Britanniques possédant également la nationalité d'un pays membre de l'UE ont le droit de participer aux élections européennes qui se déroulent du 6 au 9 juin. C'est le cas de John Greenlees. Avec sa nationalité française flambant neuve, il va "pouvoir voter à nouveau". "Ça fait des années que j'attends ça !"
Voter aux élections européennes, c'est en quelque sorte une revanche. Je suis redevenu européen !
John Greenlees,Britannique installé en Bretagne et ayant obtenu la nationalité française
"Le Brexit nous a privés du droit de faire partie de cette communauté européenne et nous l'avons tous mal vécu", soupire l'ex-informaticien de 66 ans. "Voter aux élections européennes, c'est en quelque sorte une revanche. Je suis redevenu européen!"
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"Réfugiés du vote"
À Gouarec, pittoresque village au cœur des terres bretonnes, un drapeau a été "fièrement" hissé sous le hall du marché : bleu, étoilé, c'est celui de l'Union européenne.
"Même si nous sommes Anglais, nous restons Européens dans notre cœur", affirme Marilyn Le Moign, 76 ans, à la tête de l'AIKB, une association qui regroupe 650 familles britanniques à Gouarec et ses alentours.
La conseillère municipale franco-britannique votera, elle aussi, en juin. "C'est important, surtout en ce moment alors que l'Europe est fragilisée" par l'invasion de l'Ukraine par la Russie et les conséquences du Brexit, confie Marilyn Le Moign.
Ici, dans le centre de la Bretagne, la plupart des Britanniques sont pro-Europe
Marilyn Le Moign,présidente de l'AIKB (Association Intégration Kreiz Breizh)
Après le Brexit, le nombre des membres de l'association AIKB a augmenté de 20% : des Britanniques volontaires à "l'exil". Parmi eux, Sarah Page. La sexagénaire a déménagé en France "dès l'annonce des résultats" du référendum car vivre au Royaume-Uni lui était désormais "insupportable".
Peu après son arrivée dans le Morbihan, elle est devenue la vice-présidente de l'association "European Britons" (Les Britanniques européens) qui milite en faveur du droit de vote aux élections européennes pour les étrangers installés en France.
"Nous sommes des réfugiés du vote", martèle-t-elle. "Je n'ai pas la possibilité de m'exprimer en juin sur la politique européenne alors que je vis en Europe. C'est révoltant !"
"Regrets"
Selon l'INSEE, la France est le deuxième pays d'accueil des Britanniques, après l'Espagne. En 2016, 148 300 Britanniques étaient recensés en France, dont 22 800 possédant également la nationalité française.
Souvent retraités, ils privilégient pour leur installation la Bretagne et le centre-ouest de la France, selon la même source. La préfecture de Bretagne dénombrait 11 547 Britanniques dans la région en 2020, avant l'entrée en vigueur du Brexit.
Franco-britannique, Maggie Gibbon, habitante de Plouguernével, assure n'avoir "jamais raté une élection européenne."
L'Europe est précieuse et le Brexit a été un grand gâchis.
Maggie Gibbon,Britannique habitant Plouguernével dans les Côtes-d'Armor
Comme Sarah Page, elle peine à côtoyer ceux qui ont voté pour le Brexit. "D'ailleurs, ils n'assument pas leur vote car ils sont bien obligés de voir ce que notre pays a perdu en quittant l'UE."
Installée depuis les années 1990 à Cesson-Sévigné, près de Rennes, Doris fait partie de ceux qui regrettent "amèrement" d'avoir choisi le Brexit. Elle préfère d'ailleurs "ne plus en parler".
"J'évite le sujet avec mes proches et je ne le dis pas à tous. Oui, il m'arrive de mentir", avoue la Franco-britannique qui refuse de donner son nom de famille.
Pourtant, aux prochaines élections européennes, elle sera présente devant l'urne. Objectif: "changer l'Europe de l'intérieur", dit l'ancienne comédienne de 53 ans.
"Mes amis disent que je suis en quelque sorte un cheval de Troie", ajoute-t-elle en riant.
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