Les plans sociaux qui ont décimé Alcatel puis Nokia, à Lannion, lors des vingt dernières années, ont fait couler beaucoup d'encre. Mais la réalité est beaucoup plus souriante. De nombreuses PME s'implantent sur le site de la technopole de Lannion et créent de l'emploi dans des secteurs d'avenir comme la cosmétique ou la biotechnologie.
"La Tech recrute!" Les panneaux s'affichent à l'entrée de la technopole, adossée à la ville. Pourtant, dans la capitale du Trégor, les habitants eux-mêmes ne semblent pas savoir que Lannion est une place forte de la haute-technologie à la française.
"La presse se déplace surtout quand il y a des plans sociaux, note Estelle Keraval, la directrice de la technopole Anticipa, chez Alcatel dans les années 90, chez Highwave qui avait éclaté avec la bulle internet dans les années 2000, puis plus récemment chez Nokia. Alors on travaille à ce que les Lannionais eux-mêmes connaissent mieux notre site".
La technopole Anticipa dans la course internationale à l'initiative
Aujourd'hui la technopole abrite quelques 5380 emplois sur le site de Lannion, 7000 si l'on y ajoute le site de Guingamp, répartis dans 400 entreprises.
La technopole a gagné 1000 emplois sur les dix dernières années, 215 sur la dernière année.
Depuis 1985 et la création de la technopole en pleine crise de l'électronique, le site a su s'adapter. Aujourd'hui, elle se concentre sur cinq filières d'excellence, à la pointe de la technologie : numérique, photonique, industrie, biotech-cosmétique et alimentation-nutrition. Des filières qui trouvent des applicatifs dans des domaines aussi variés que la Défense, la santé, la mobilité.
Même le bon vieux Nokia, un nom qui évoque plus les années 1990, et qui a connu plusieurs plans sociaux, a redonné un coup de fouet à son image et à son activité. L'entreprise a créé son pôle cybersécurité et a embauché 80 personnes aux compétences très spécifiques.
"On a voulu leur proposer de rester sur le territoire, appuie Estelle Keraval. Et cela passait notamment par faire venir de nouveaux acteurs dans ce secteur. C'est comme ça que Qualcomm, un géant américain des télécoms, est arrivé avec un gros service R&D. Ils ont embauché notamment des ex-ingénieurs de Nokia pour travailler sur la 5G".
Les PME et start-up assurent la relève
Ce passage d'anciens de Nokia vers Qualcomm mais aussi B-Com représente tout un symbole.
Lannion, choisie par le général de Gaulle en 1960 pour accueillir le Centre national d'études des télécommunications (Cnet), a longtemps vécu grâce aux grands groupes.
Alcatel puis Nokia, l'ex-France Telecom et désormais Orange. Mais l'époque n'est plus aux grands groupes qui font vivre un territoire. Eric Bothorel, député LREM de la circonscription, suit de près l'activité sur le site. "Le danger, c'est que quand un groupe tousse, tout le monde s'enrhume", explique-t-il.
Aujourd'hui, tous les dirigeants sur le site semblent d'accord : il faut diversifier, ne pas garder tous ses œufs dans le même panier. Car l'activité est fluctuante, un jour porteuse d'espoirs les plus fous, un autre jour déjà dépassée.
Désormais, les start-up et PME dépassent en termes d'employés Nokia et Orange. A force de plans sociaux dans ces deux groupes, les courbes se sont croisées. C'était en 2015.
Ce sont les nouvelles entreprises positionnées sur des secteurs porteurs qui font vivre ce territoire peuplé de cadres sup. En 2021, 2 510 emplois dépendent de grands groupes contre 3 330 de petites entreprises.
Parmi ces petites entreprises, Lumibird, ex-Keopsys.
Lumibird, spécialiste du laser, 230 employés à Lannion
Lumibird est un spécialiste des technologies laser. Une technologie d'avenir, selon Gérard Le Cam, son directeur des ventes. "Le laser nous a permis de diversifier notre activité dans le médical (l'ophtalmologie représente 50% du chiffre d'affaires de Lumibird), l'environnement, l'industrie et la défense. Et récemment, nous avons développé une gamme de lasers qui est utilisée dans le secteur de l'automobile pour la conduite autonome".
Un autre exemple de l'utilisation du laser, c'est l'industrie du bâtiment. La charpente et les niveaux de Notre-Dame de Paris avaient été complètement modélisés en 3D avant l'incendie de la cathédrale.
Gérard le Cam, vice-président de Lumibird
En sept ans, Lumibird a multiplié son chiffre d'affaires par neuf, grâce à la croissance dans le secteur mais aussi et surtout à bon nombre d'acquisitions, notamment celle de Quantel.
L'entreprise se félicite de la visibilité qui lui donne la technopole Anticipa de Lannion.
"Ici, dans le Trégor, c'et le cœur du réacteur, précise Gérard Le Cam. On a installé notre siège social. 230 de nos 800 employés sont à Lannion, des ingénieurs, des techniciens, des opérateurs".
Lumibird est même en train de construire un nouveau bâtiment, qui portera la surface de 3000 à 6000 mètres carrés, et qui sera livré début 2023. Entre 50 et 100 nouvelles personnes vont être embauchées. Notamment des emplois hautement qualifiés.