Ce 15 juin, journée mondiale de lutte contre la maltraitance des personnes âgées, est l'occasion de faire le point sur l'année particulière passée avec le Centre Départemental d’Ecoute de Prévention des Maltraitances des Personnes Agées. Avec un constat : des signalements en constante hausse.
Connaissez-vous le 3977 ?
Pas sûr. Car peu de personnes connaissent ce numéro d'appel et la raison pour laquelle vous seriez amené à le composer est encore délicate à aborder.
Le 3977 est le numéro national dédié à lutter contre les maltraitances envers les personnes âgées et les adultes en situation de handicap. Mis en place en 2008, ce numéro est accessible du lundi au vendredi de 9 h à 19 h et le samedi et dimanche de 9 h à 13 h et de 14 h à 19 h. Au bout du fil, des écoutants spécialisés de la Fédération 3977, qui recueillent les signalements de particuliers comme de professionnels, sur des situations de maltraitance ou de risque de maltraitance.
Le dispositif national est complété par un réseau de proximité offrant un suivi individualisé aux appelants qui sont alors en contact avec des spécialistes qui cherchent des solutions pour résoudre des situations très diverses.
Une situation sanitaire révélatrice de situations de maltraitance
En cette journée mondiale de lutte contre la maltraitance des personnes âgées, la fédération 3977 relève tout d'abord que les chiffres de signalements ont augmenté en 2020, + 6 % au niveau national par rapport à 2019. Ainsi, 5401 dossiers ont été ouverts, relevant de "situations préoccupantes ou d'accompagnement".
Une hausse flagrante relevée de manière encore plus forte par le centre Alma 22 dans les Côtes d'Armor, l'un des 54 centres départementaux qui traitent les signalements qui arrivent au 3977. En 2020, le nombre de contacts téléphoniques a ainsi augmenté de 38 % avec 466 appels, soit 128 de plus qu'en 2019. Le nombre de dossiers ouverts a progressé de 26 % avec 65 dossiers en 2020.
Mais pour Anne-Marie Berthaut, présidente d'Alma 22, ces chiffres ne sont pas obligatoirement synonymes d'actes de maltraitance en augmentation. Selon elle, la crise sanitaire aurait surtout été un effet révélateur et accélérateur de faits de maltraitance tant à domicile qu'en établissement d'hébergement, avec "plus de maltraitance psychologique dans laquelle la sphère familiale qui est mis plus en exergue dans ce type de maltraitance". "Il y a eu une injonction contradictoire entre des valeurs, celles du tout sanitaire et de protections de tous qui ont été confrontées à deux situations de valeurs qui sont celle de la liberté de se déplacer et la liberté de recevoir sa famille et ses amis dans les établissements spécialisés" ajoute la spécialiste.
De manière générale, les statistiques, interrogations, et commentaires montrent une évolution de la conscience dans le cadre des situations de maltraitances des personnes en situation de vulnérabilité, que ce soit pour les personnes âgées ou en situation de handicap. Une prise de conscience au même titre que celle qui se développe autour des violences conjugales.
Ce mardi, parmi les appels reçus à la permanence d'Alma 22, celui d'une femme. Elle raconte l'histoire de sa grand-mère, laquelle s'est plaint à plusieurs reprises de douleurs au genou, douleurs minimisées par les membres de son Ehpad, jusqu'à ce qu'une autre infirmière décide de l'envoyer aux urgences. A l'hôpital, les soignants lui trouveront une fêlure, sans doute provoquée par une chute.
Une maltraitance venant des proches avant tout
Le constat réalisé par Anne-Marie Berthaut depuis des années est sans appel : le plus souvent, ce sont des histoires familiales qui amènent à la maltraitance. "Globalement, la maltraitance se situe à domicile, globalement elle est psychologique et globalement, ce sont des membres de la famille qui sont maltraitants" explique-t-elle.
La maltraitance est un fléau dont on parle plus, qui est sous estimé au regard de l'ampleur qu'il revêt.
À l'issue des appels réceptionnés par les sept écoutants d'Alma 22, certaines situations sont soumises à une commission de conseillers référents. Ces derniers décident alors des suites à donner, que ce soit de la simple médiation familiale confiée dans ce cas à des associations spécialisées, ou alors des saisines d'associations de type d'alternative judiciaire ou des conciliateurs de justice. "Chaque situation est du sur-mesure" tient à préciser Anne-Marie Berthaut.
Au niveau national, en 2020, ce sont près de 29 000 échanges d'informations qui ont été mis en œuvre dans le cadre des suivis de dossiers, pour essayer de résoudre ces situations de maltraitance faites aux personnes âgées.