La cour d'appel de Rennes a confirmé jeudi 5 septembre l'amende qui avait été infligée en première instance à un habitant de Corlay (Côtes-d'Armor) pour avoir illégalement égorgé une chèvre dans sa cour, sous les yeux de ses voisins, pour fêter le ramadan.
Les gendarmes de Guerlédan avaient été appelés le 15 mai 2022 pour se rendre rue de la Trinité, à Corlay : des voisins disaient avoir été "témoins de l'égorgement d'une chèvre". À leur arrivée, trois femmes discutaient sur la place de l'église : elles avaient indiqué avoir "entendu" la scène qui s'était produite "vers la cour intérieure de la maison voisine".
Les gendarmes s'étaient donc rendus au domicile du prévenu, un homme de 66 ans, qui leur avait d'emblée confirmé être "l'auteur" des faits : il avait agi ainsi "pour le ramadan" - qui s'était tenu, cette année-là, entre le 1er avril et le 1er mai 2022, c'est-à-dire quinze jours avant les faits.
Dans sa cour, les gendarmes avaient constaté la présence de viande posée sur "un carton", de la "peau d'animal" et "une tête de chèvre tranchée" séparée du "corps" entreposé "dans un bac à proximité". Il y avait aussi "des couteaux" et des "outils de découpe", avaient remarqué les militaires.
Une chèvre achetée la veille sur Le Bon Coin
Entendu à la gendarmerie quelques jours plus tard, le prévenu avait expliqué qu'il avait effectivement "tué la chèvre" qu'il avait achetée la veille "via le site Le Bon Coin" à un habitant de Lannion. Il avait fait cela "dans son garage", en lui "tranchant la gorge". La chèvre était effectivement "attachée et consciente", relève la cour d'appel de Rennes dans un arrêt en date du 6 septembre 2024.
"Même si le ramadan a lieu du 1er avril au 1er mai 2022, il est possible de le fêter en mai", avait expliqué le sexagénaire, même si c'était toutefois "la première fois" qu'il procédait à un tel "abattage" chez lui. Les années précédentes, il avait recouru aux services d'un abattoir parisien, mais n'avait cette fois "trouvé personne pour le faire à Saint-Brieuc".
Ce "cariste" arrivé à Corlay en 2021 avait aussi admis qu'il savait qu'il était "interdit d'abattre un animal de cette façon en France". Il avait donc été renvoyé devant le tribunal correctionnel de Saint-Brieuc pour "abattage d'animal hors d'un abattoir dans des conditions illicites", mais ne s'était toutefois pas présenté à son procès le 6 mars 2023. En son absence, la juridiction lui avait infligé une amende de 1.000 €, pour moitié assortie d'un sursis. Mais le prévenu avait fait appel de cette décision.
Ni "danger", ni "urgence"
"J'ai commis une erreur, je ne savais pas que la loi française ne permettait pas d'abattre un animal de cette façon", avait-il dans un premier temps déclaré devant la cour d'appel de Rennes, lors de l'audience du 12 juin 2024. Puis, il avait finalement reconnu qu'il "le savait", mais que c'était "sa femme" qui l'avait "obligé à le faire".
L'avocate générale avait pour sa part estimé qu'il devait être reconnu "coupable" des faits : elle avait requis "la confirmation" de la peine d'amende infligée en première instance. En théorie, le code rural et de la pêche maritime autorise "la mise à mort hors établissement d'abattage" sous certaines conditions exceptionnelles.
Mais en l'occurrence, "il n'apparaît pas que l'animal avait été élevé par [le prévenu], (...) ni que l'animal présentait un danger ou (...) qu'il existait une urgence pour cause d'accident", soulignent les juges rennais dans leur arrêt.
" [Le prévenu] a reconnu qu'il savait qu'il était interdit de pratiquer un abattage dans de telles conditions en France", ajoutent-ils. Le délit est donc "caractérisé", en déduisent-ils. La peine d'amende de ce père de deux enfants, auparavant jamais condamné, a donc été confirmée.