"On ne peut pas fermer les yeux" : ces communes qui veulent débaptiser les rues et places Abbé Pierre

Après les révélations en cascade sur les violences sexuelles commises par l'abbé Pierre entre les années 1950 et 2000, son nom figure encore dans de nombreuses communes de Bourgogne-Franche-Comté, qui lui ont dédié une place ou une rue. Que faire de cet héritage embarrassant ?

En 2007, à la mort d'Henri Grouès, le Figaro titrait : "Toute la France veut sa rue Abbé-Pierre". 17 ans plus tard, le nom de celui qui était alors la "personnalité préférée des Français" est tombé en disgrâce : au moins 24 femmes l'accusent de violences sexuelles, commises entre les années 1950 et 2000. Des révélations au coeur de l'été 2024, qui ont fait l'effet d'un coup de tonnerre. 

Depuis, se pose la question de l'héritage de l'abbé Pierre. En Bourgogne-Franche-Comté, son nom a été donné à de nombreuses rues ou places. Certaines communes prennent des décisions.

"De tels agissements ne passent plus"

Le 9 septembre, le maire de Talant Fabian Ruinet a déclaré : “J’ai décidé d’ouvrir une réflexion quant à la dénomination de la place Abbé-Pierre de Talant, située à proximité immédiate de l’église Saint-Just-de-Bretenières. Je proposerai aux élus de notre ville de renommer cet espace.”

Contacté par France 3, l'élu de cette ville résidentielle voisine de Dijon s'explique : "Ce sont les dernières informations qui nous ont été données sur les comportements et agissements de l'abbé Pierre qui m'ont décidé." En l'espèce : la révélation le 6 septembre de 17 nouveaux témoignages de femmes accusant Henri Grouès (le nom civil de l'abbé Pierre) de violences sexuelles, portant à 24 le nombre de victimes déclarées. 

"Je ne veux pas réviser l'Histoire", explique Fabian Ruinet. "Mais on ne peut pas fermer les yeux. Aujourd'hui, de tels agissements ne passent plus, quelle que soit la fonction de l'intéressé."

L'abbé Pierre a été un résistant, un élu de la République, il a fait beaucoup pour la lutte contre l'exclusion. Une part de cet homme est tout à fait louable, mais il y a cette autre part qui montre ces comportements absolument abjects.

Fabian Ruinet

maire de Talant

La place Abbé-Pierre de Talant a été dénommée il y a quelques années, par le précédent maire de la ville. "Elle se trouve juste devant l'église Saint-Just-de-Bretenières. Ce n'est pas forcément un bon symbole à donner", ajoute Fabian Ruinet, soutenu dans sa démarche par le prêtre de la paroisse en question. 

Quel nouveau nom donner à cette place ? Ce n'est pas encore tranché. "Dans tous les cas, on ne peut pas rester silencieux."

Si l'on découvre les agissements de l'abbé Pierre aujourd'hui seulement, alors qu'il est mort depuis 2007, cela signifie que beaucoup de monde était au courant et n'a rien dit.

Fabian Ruinet

maire de Talant

"Donc, aujourd'hui, le plus important est de dire : il faut qu'on fasse quelque chose", conclut le maire. À Talant, le conseil municipal abordera ce sujet en réunion le 23 septembre prochain.

 

D'autres communes concernées : "Ça me fait mal de laisser ce nom dans nos rues"

Mais Talant est loin d'être la seule commune concernée dans la région. En Côte-d'Or toujours, on trouve une une place Abbé-Pierre à Neuilly-Crimolois, rue Abbé-Pierre à Chevigny-Saint-Sauveur et à Ruffey-lès-Echirey.

Contactée, la maire de Ruffey-lès-Echirey Nadine Mutin confirme que le sujet sera à l'ordre du prochain conseil municipal fin septembre. "C'est vrai qu'à côté de cela, l'abbé Pierre a fait de bonnes choses pour le logement, contre la faim... Mais moi, ça me fait mal de laisser ce nom dans nos rues s'il a commis les actes qu'on lui reproche."

Je ferai le tour de table, je consulterai le conseil municipal. Mais personnellement, ça me gêne.

Nadine Mutin

maire de Ruffey-lès-Echirey

À Saint-Apollinaire, il existe un arrêt de bus "Abbé-Pierre". Et bien sûr, il y a même une statue de l'abbé à Norges-la-Ville ; là même où est implantée la communauté Emmaüs de Côte-d'Or. Le maire de Norges déclare d'ailleurs à France 3 qu'il envisage de retirer cette statue, située juste en face de la mairie, avec l'accord de son créateur.

Dans la Nièvre, le village de Neuilly dispose aussi d'une rue Abbé-Pierre. En Franche-Comté, il existe une allée Abbé-Pierre à Montfaucon, dans le Doubs, et une rue Abbé-Pierre à Noidans-lès-Vesoul en Haute-Saône. À Besançon, un abri Abbé-Pierre est dédié à l'accueil des SDF.

"Cela paraît indispensable"

En Saône-et-Loire, on trouve aussi une rue Abbé-Pierre à Saint-Rémy, en banlieue de Chalon-sur-Saône. Elle est située dans un quartier résidentiel de maisons individuelles, créé il y a quelques années.

"J'ai justement convoqué mes adjoints ce soir pour débaptiser la rue, et le sujet sera inscrit au prochain conseil municipal", nous indique Florence Plissonnier, maire de cette ville en banlieue de Chalon-sur-Saône. "Avec tout ce que j'ai lu et entendu... On ne peut pas laisser ce nom, c'est trop polémique, ce n'est pas justifié."

"Il a fait des choses bien, d'accord ! Mais on ne peut pas laisser passer ce qu'il a fait par ailleurs."

Florence Plissonnier

maire de Saint-Rémy

Ce geste "me paraît indispensable", poursuit la maire de Saint-Rémy. Elle confie avoir déjà une idée de nom pour remplacer celui de l'abbé Pierre. "Un nom féminin", qu'elle proposera à ses adjoints ce mardi soir.

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