Alors que le Premier ministre, Michel Barnier se dit prêt à "réduire très significativement l’effort" demandé aux départements, pour le président du département des Côtes-d'Armor, le compte n'y est pas. Il appelle l'État à consolider des recettes des collectivités.
"Nos espoirs se réduisent en miette", se désole Christian Coail, président du département des Côtes-d'Armor. L'élu rentre tout juste des assises des départements organisées cette semaine à Angers. Des élus particulièrement remontés et inquiets depuis la présentation du budget 2025 par le Premier ministre Michel Barnier le mois dernier.
Au programme, des économies de 5 milliards d’euros pour les collectivités, en particulier pour les départements : selon l’association Départements de France, ils sont la strate de collectivités la plus affectée, avec 44 % de l’effort, soit 2,2 milliards d’euros.
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Réunis à Angers, présidents et conseillers départementaux ont donc élaboré une résolution transpartisane soumise au chef du gouvernement, à l'issue de ces assises. Message reçu, assure l'intéressé qui a promis de "réduire très significativement l'effort" demandé aux départements.
Mais pour Christian Coail, "c'est loin de répondre aux attentes, la déception est à la hauteur du travail fourni durant ces assises."
Le premier ministre Michel Barnier a notamment évoqué la réduction du taux du prélèvement sur les recettes des départements, initialement prévu à 2 %. Ces prélèvements devaient concerner toutes les collectivités dont le budget de fonctionnement dépasse les 40 millions d'euros.
35 millions de pertes pour les Côtes-d'Armor
Dans les Côtes-d'Armor, le département, la ville et l'agglomération de Saint-Brieuc ainsi que Lannion-Trégor Communauté sont concernées. "Pour le département, cela représente 13,6 millions d'euros de perte, pour les trois autres collectivités, c'est environ, 1,3 million chacune", explique l'édile qui estime que l'ensemble des mesures présentées dans le budget 2025 représente une perte de 35 millions d'euros sur l'ensemble du territoire costarmoricain.
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Des prélèvements qui seront donc réduits, l'a promis le Premier ministre, mais de combien ?
"On avait demandé l'annulation pure et simple de ces prélèvements, car on estime qu'on contribue suffisamment à la solidarité nationale", assène Christian Coail en référence aux différentes allocations individuelles de solidarité, transférées progressivement aux départements au début des années 2000.
Des allocations de solidarité portées à 60 % par les départements
Revenu de solidarité active (RSA), allocation personnalisée d'autonomie (APA) et prestation de compensation du handicap (PCH) sont aujourd'hui versées par les départements et compensées à 40 % par l'État. "Mais 60 % reste à notre charge, souligne le président des Côtes-d'Armor. Alors qu'au moment du transfert de compétences, l'État les compensait à 100%. Pour notre département, cela représente 85 millions d'euros au total."
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Dans ce département, les dépenses dans le social représentaient 56 % du budget de fonctionnement il y a 10 ans, c'est 63 % aujourd'hui. L'élu assure ne pas remettre en question le versement de ces dépenses sociales qui sont "obligatoires", contrairement aux menaces de certains départements de droite en réaction aux annonces de Michel Barnier.
Reste que si les dépenses qui augmentent chaque année, les recettes, elles sont plus que volatiles parce que "liées à l'activité économique" rapporte Christian Coail, citant les recettes des départements issues de la TVA, "qui fluctuent" ou celles liées aux frais de notaires, "qui ont brutalement chuté en 2023, du fait de la crise de l'immobilier".
Résultat : moins 20 millions de recettes pour les Côtes-d'Armor en 2023, même chose en 2024. "La situation est intenable !", lâche l'élu.
Et si Michel Barnier a bien promis un demi-point de prélèvement sur les frais de notaire en plus pour les départements, le représentant des Côtes-d'Armor rappelle que la mesure ne sera applicable qu'à la mi-juillet et pour trois ans seulement.
Il appelle à un changement de méthode : "On en a ras-le-bol que l'État décide et que les départements paient. Qu'on arrête de nous mettre devant le fait accompli."
Si nous, on n'a pas les recettes nécessaires, on va devoir faire des arbitrages sur ce qu'on fait déjà. Ce sont les collectivités et les habitants qui vont en pâtir.
Christian CoailPrésident du département des Côtes-d'Armor
Infrastructures routières, collèges, port de pêche ou encore déploiement de la fibre optique, mais aussi protection de l'enfance sont aussi du ressort des départements. Dans ces domaines, de nombreux projets pourraient faire le frais des restrictions budgétaires.
"Si nous, on n'a pas les recettes nécessaires, on va devoir faire des arbitrages sur ce qu'on fait déjà, regrette Christian Coail. Ce sont les collectivités et les habitants qui vont en pâtir."
Comme une réponse, le premier ministre a annoncé la mise en place, à partir du "début de l’année 2025", d’une "instance de pilotage, partagée par l’État et les départements, qui actera les grandes décisions". "Cette instance ne sera pas seulement informée, mais je veux qu’elle soit consultée pour toute décision de l’État qui affecte les finances départementales", a-t-il précisé, évoquant notamment le travail à mener pour la création d’une "allocation sociale unique".