"Des accidents peuvent se produire". Après la fermeture d'une unité psychiatrique, l'inquiétude du maire de Saint-Brieuc

Dans un courrier adressé à la ministre de la Santé, Hervé Guihard, maire de Saint-Brieuc s’inquiète de la situation de la psychiatrie dans les Côtes d’Armor. À l’automne, par manque de personnel médical, 33 lits d’hospitalisation ont été fermés. L’élu interpelle Catherine Vautrin.

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"Comment ça va depuis dimanche ?" interroge doucement Alan Maitrallain en s'asseyant à la table de la salle à manger de sa petiente. Depuis quelques semaines, l’infirmier psychiatrique se rend au domicile de ses malades. 

Faute de médecins, l’unité Pen Duick du Centre Benoît Menni de Saint-Brieuc, dans laquelle il travaille a fermé à l’automne. Pour prendre soin des malades, il a fallu imaginer de nouvelles solutions.

"Ça va un peu mieux", répond tout aussi doucement sa patiente en manipulant son pilulier posé sur la table. Elle souffre d’une dépression sévère. "Ça me rassure de savoir que vous allez venir ", reconnaît-elle.

"Nos visites servent aussi de repères aux malades, constate l’infirmier, d’une certaine façon, nos passages les obligent à prendre soin d’eux et à entretenir leur logement. Et pour nous, c’est intéressant d’aller les voir chez eux, cela nous permet d’avoir un autre regard, confie Alan Maitrallain, faisant un peu contre mauvaise fortune bon cœur. Car la fermeture du service inquiète le personnel de l’établissement  et le personnel politique de la ville.

 

Un courrier à la ministre


"Par la présente, je tiens à vous faire part de ma plus vive inquiétude quant à la situation alarmante au sein du Centre Benoît Menni, a écrit Hervé Guihard à la ministre de la santé. Les départs de trois psychiatres, n'en laissant que deux pour assurer les soins psychiatriques, ont eu pour conséquence la fermeture à l'automne dernier d'une unité de soins libres et de 33 lits sur les 83 que compte le pôle Saint-Brieuc­ Lamballe."

"Dans les Côtes d’Armor, il y a un centre à Dinan pour s’occuper des problèmes psychiatriques graves et lourds, décrit le maire de Saint-Brieuc. Il y a aussi un centre à Bégard, mais à Saint-Brieuc, nous n’avons qu’une petite structure, alors que l’essentiel des situations difficiles se produit ici. "

Le Centre Benoit Menni doit faire face aux besoins en soins psychiatriques d’un bassin  de population de quelques 300 000 habitants. "Et, insiste l’élu dans son courrier à la ministre, la population briochine se caractérise par une vulnérabilité importante, tant sur le plan socioéconomique (20 % de la population vit sous le seuil de pauvreté) que sur un plan psychologique (les affections psychiatriques constituent la première affection longue durée)"

"Il y ici des problèmes d’addiction, des soucis avec l’alcool, poursuit-il. Les gens qui sont en difficulté se tournent vers les urgences qui sont déjà embolisées et qui ne peuvent pas apporter une réponse satisfaisante, déplore le maire. La psychiatrie, c’est parfois des situations très graves que l’on ne peut pas gérer sur un brancard. Des accidents peuvent se produire. Quand une personne est en détresse, elle peut être dangereuse pour elle ou pour les autres."

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La démographie médicale toujours en question


"En matière de démographie médicale, la situation est compliquée, confirme Renan Duprez, psychiatre, chef de pôle hôpital Saint-Jean-de-Dieu. On manque de médecins en France en général, dans le secteur de la psychiatrie en particulier et à Saint-Brieuc encore davantage. "

15 000 psychiatres exercent en France dont 7 500 en milieu hospitalier, mais selon la Fédération hospitalière, 30% des postes de psychiatres seraient vacants. 

Cet automne, à Saint-Brieuc, trois médecins sont partis. Le Centre Benoit Menni fonctionne aujourd’hui avec 1,8 médecin au lieu de six. La tâche est forcément compliquée. 

Il a fallu fermer les 25 lits de l’unité Pen Duick et 8 lits d’accueil d’urgence et tout réorganiser. Les patients ont été transférés vers le site de Dinan, ou dans l’un des services restants. "Mais forcément les délais pour prendre en charge les patients se sont allongés, regrette Séverine Grégoire, infirmière au centre médico-psychologique de Saint-Brieuc et élue du personnel CGT. On sent bien que la psychiatrie ce n’est pas une priorité en termes de soins."

 "Au lieu que  nos patients soient dans une unité à plein temps, ce sont les soignants qui vont les voir, jusqu’à 3 fois par jour, décrit-elle.C’est parfois une bonne chose pour les malades qui restent dans leur univers, mais quand l’entourage est toxique, l’hospitalisation permettait une vraie coupure. "

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Des arrivées imminentes de médecins


Deux médecins sont attendus dans les semaines qui viennent. Karine Bidan, la directrice du centre reste optimiste. Le service va rouvrir ses portes. Des travaux ont été faits dans les chambres et un nouveau centre médico-psychologique où tous les services seront regroupés en un même lieu verra bientôt le jour.  

Le maire de Saint-Brieuc poursuit sa lettre en interrogeant. "Cette situation questionne sur la continuité et l'accès aux soins pour les personnes en ayant le plus besoin. "

Dans un petit bureau, Steven reçoit un de ses patients. "Bon, comment ça va ?" "Ça ne peut qu’aller que de mieux en mieux depuis que je prends mon traitement, se réjouit le jeune homme face à lui. Il y a toujours des hauts et des bas,  mais il vaut mieux prendre les hauts parce que sinon on s’arrête de vivre.  Ça me permet de me stabiliser, d’être un peu moins fougueux. "

"Je souhaiterais, termine donc Hervé Guihard, connaître, Madame la Ministre, les moyens que mobilisent vos équipes afin qu'une solution viable puisse être rapidement trouvée sur notre territoire."
L’élu et le Centre espèrent une réponse rapide. 

( Avec Jean-Marc Seigner)

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