Enquête exclusive. Comment la plus grande mine d'andalousite de France contamine une réserve naturelle

Dans le centre-Bretagne, la multinationale Imerys raffine un quart de la production mondiale d’andalousite. Alors que l’État vient d'autoriser l’exploitation jusqu’en 2044, des analyses réalisées par « Splann ! » révèlent comment la plus grande mine à ciel ouvert de l’Hexagone contamine son environnement, dont une réserve naturelle, aux métaux toxiques.

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Glomel : 1 400 habitants. Imerys : 3,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Le mastodonte de l’industrie minière pèse lourd dans cette petite commune des Côtes-d’Armor. La multinationale s’agrandit encore : elle vient d’obtenir l’autorisation d’ouvrir une nouvelle fosse, un quatrième immense cratère, à creuser sur 80 mètres de profondeur pour extraire de l’andalousite, un matériau résistant aux hautes températures utilisé, entre autres, dans les fours industriels.

Le feu vert des autorités est intervenu, sans surprise, dans le cadre du renouveau minier souhaité par le gouvernement. Ce dossier, dont les intérêts vont bien au-delà du périmètre breton, est scruté de près : par Imerys et par ses opposants.

La multinationale, quant à elle, cache ses impacts réels sous des formules ambiguës, parlant de bon état biologique, là où la pollution est chimique. Déclarant même n’avoir aucun impact. Splann ! a voulu en avoir le cœur net et a réalisé ses propres analyses qui prouvent le contraire. Dans le lit de la rivière, les concentrations en métaux lourds atteignent jusqu’à 60 fois la valeur guide.

Des habitants tentent de se mobiliser, mais leur marge de manœuvre est serrée. Imerys est inséparable de la commune de Glomel. Employeur incontournable, la multinationale finance les associations sportives, comme environnementales, structure même le territoire.

Imerys déploie ainsi toute une palette d’efforts pour être perçue comme une entreprise familiale, fleuron de l’activité minière made in France. En réalité, il s’agit d’un empire financier détenu par des actionnaires à la tête d’une fortune de plusieurs millions d’euros.

L’opposition s’accroît et devient de plus en plus visible. Une manifestation est prévue à Glomel ce samedi 23 novembre, portée par les Soulèvements de la terre et une partie des habitants. Imerys scrute cette mobilisation avec attention. Une mobilisation réussie aura des conséquences sur l’ensemble de la relance minière française, et en particulier sur le projet de méga-mine de lithium dans l’Allier. Un projet porté justement par Imery

Une enquête de Splann !, première ONG d'enquêtes journalistiques en Bretagne, signée Célia Izoard, Morgane Large et Catherine Le Gall.

La mine d’Imerys contamine la réserve naturelle de Glomel

En Centre Bretagne, la commune de Glomel, étendue sur près de 80 km², est un véritable château d’eau. Ses sources, ses ruisseaux et ses marais dominent les bassins-versants de l’Ellé et du Blavet. On y trouve encore certains habitats naturels emblématiques de la région, landes, tourbières et autres prairies humides. C’est pour protéger cette richesse qu’ont été créés la réserve naturelle régionale des landes et marais de Glomel, ainsi que deux sites Natura 2000 et plusieurs zones naturelles d’intérêt écologique faunistique et floristique.

Le paradoxe est que Glomel abrite aussi la plus grande mine à ciel ouvert en activité de l’Hexagone : sur place, la multinationale Imerys peut extraire chaque année jusqu’à 1,5 million de tonnes de roches et raffine dans ses deux usines un quart de la production mondiale d’andalousite.

La « Damrec » comme on dit ici en référence à l’ancien nom d’Imerys, est longtemps passée inaperçue. Déjà, qui connaît l’andalousite, ce minéral résistant aux très hautes températures ? On le retrouve sous forme d’additif dans les bétons ou les peintures, dans les blocs-moteurs de camions ou dans les fours de toute l’industrie, de la métallurgie au nucléaire. Mais si l’andalousite est couramment utilisée par la grande industrie pour ses propriétés réfractaires, nous n’avons jamais directement affaire à elle.

D’autre part, le site de Glomel est resté d’autant plus discret qu’il n’est, aux yeux de l’administration, qu’une carrière : on imagine un modeste carreau au bord d’une route déserte, quelques camions. Sauf que…

Sauf qu’il s’agit bel et bien d’une mine avec ses immenses cratères, ses usines, ses bassins de décantation remplis d’eau acide et ses montagnes de déchets qui avancent dans le paysage, avalant les champs, les fermes et les chemins. Tout ceci inquiète nombre de riverains, qui voient se multiplier les cas de cancer et se demandent ce qu’il restera des zones humides, des sources et des captages dans cet avenir où rien ne sera plus précieux que l’eau.

Mais Imerys compte bien aller au bout de ce gisement. Après une enquête publique houleuse et d’âpres débats, l’État vient de l’autoriser à poursuivre l’exploitation jusqu’en 2044 en creusant une quatrième fosse d’extraction : un trou grand comme 15 terrains de football et aussi profond que cinq immeubles parisiens empilés.

La réserve naturelle régionale contaminée aux métaux toxiques : les analyses de « Splann ! »

Sur le site internet d’Imerys Glomel, on lit qu’« une des priorités du site concerne la gestion des rejets aqueux […] dans les rivières, zones humides et nappes souterraines alentour ». L’enjeu est de taille, puisqu’en aval de la mine se trouve la réserve naturelle régionale de Magoar Penvern. Puis, à 6 km du site industriel, un premier captage d’eau potable dans l’Ellé alimente les 6.000 habitants des communes voisines.

Dans le Kergroaz, un minuscule ruisseau qui serpente dans le sous-bois, Imerys rejette chaque année environ 1,5 million de mètres cubes d’eaux usées. Ces eaux sont traitées, et les exigences de la préfecture ont conduit l’entreprise à investir récemment dans une unité destinée à limiter la quantité de manganèse et de fer dans ses rejets. Mais même après traitement, ils contiennent des quantités considérables de contaminants : la préfecture des Côtes-d’Armor autorise le site à rejeter chaque jour dans ses eaux usées jusqu’à 9 kg d’hydrocarbures et, entre autres, jusqu’à 11 kg par jour au total de cobalt et de nickel, des métaux cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques.

Pourtant, Imerys assure n’avoir « aucun impact sur les eaux » et a financé une étude sur cinq ans de l’état écologique du Crazius, où se jette le Kergroaz. Cette étude payée par l’industriel conclut à un « bon état » du cours d’eau pour certains paramètres, mais ce qui frappe, c’est que les métaux les plus toxiques émis par le site ne semblent pas avoir été recherchés dans le cours d’eau.

Pourquoi s’intéresser à la présence de fer et d’aluminium, et non à des contaminants bien plus redoutables comme l’arsenic, le cadmium, le cobalt ou le nickel, qui sont par ailleurs présents dans les déchets de cette mine ? Interrogé, Imerys n’a pas souhaité répondre à nos questions. Pour y voir plus clair, Splann ! a décidé de faire analyser les sédiments du Crazius.

En juillet puis en septembre, Splann ! a prélevé plusieurs jeux d’échantillons de sédiments dans le lit du ruisseau d’abord en amont du point de rejet de la mine, pour disposer d’un échantillon « témoin » ; puis dans un deuxième temps au niveau où Imerys rejette ses eaux usées ; et finalement à 2 km de là en aval dans le même cours d’eau, dans la réserve naturelle régionale.

Ces sédiments ont été analysés par un laboratoire accrédité Cofrac. Les résultats de ces analyses ont été interprétés avec l’aide de Frédéric Gimbert, spécialiste des pollutions minières et chercheur en écotoxicologie au CNRS de Besançon.

Alors que les sédiments du prélèvement témoin, en amont, ne présentent aucune contamination, au niveau du point de rejet d’Imerys, les concentrations en nickel sont jusqu’à 60 fois supérieures à la valeur guide pour un bon état écologique des sédiments d’eau douce. Les concentrations en cobalt sont jusqu’à 20 fois supérieures à cette valeur. Les analyses révèlent aussi la présence de métaux toxiques qu’Imerys n’est pas censé déverser : les sédiments contiennent quatre fois la valeur guide pour l’arsenic et une teneur anormale en cadmium, tous deux également cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques.

De telles quantités de contaminants présentent manifestement un danger et un risque potentiel pour l’environnement. Il faudrait également rechercher ces mêmes contaminants dans les sols où se déposent les poussières issues de l’activité minière et conduire plus largement une étude d’évaluation des risques, pour l’environnement, mais aussi pour la santé publique.

Frédéric Gimbert, écotoxicologue, spécialiste des pollutions minières et chercheur en écotoxicologie au CNRS de Besançon

Nos analyses révèlent également que la contamination s’étend au-delà du périmètre immédiat de la mine. À deux kilomètres en aval du site, au cœur de la réserve naturelle régionale de Magoar Penvern, les concentrations en cobalt et en nickel sont plus de dix fois supérieures aux valeurs guides pour un cours d’eau en bon état écologique.

Un captage d’eau potable en aval de la mine

Qu’en est-il à 6 km en aval, dans la rivière Ellé où Eau du Morbihan prélève une partie de l’eau qui sera ensuite traitée pour être distribuée aux communes voisines ? Pour le savoir, notre équipe s’est rendue à Toultreincq [qui signifie trou saumâtre en breton, NDLR], dont l’usine de potabilisation est justement en plein travaux. Une toute nouvelle unité de traitement est en construction pour un coût de 6 millions d’euros d’argent public.

« La pollution de l’eau par la mine ? C’est simple : ce n’est pas un sujet. Il n’y a aucun problème », déclare, dès le début de notre visite, Dominique Riguidel, le directeur d’Eau du Morbihan qui s’est déplacé en personne pour nous le dire. L’ouverture de nouveaux captages d’eau souterraine permettront de « diversifier les ressources et de limiter les prélèvements dans l’Ellé », explique-t-il. C’est-à-dire précisément à limiter la dépendance au captage de Pont Saint-Yves, sur l’Ellé, en aval de la mine.

Mais le directeur d’Eau du Morbihan est formel : tout ceci n’a aucun rapport avec le fait qu’Imerys rejette chaque année 1,5 million de mètres cubes d’eaux usées contenant des sulfates, des hydrocarbures et des métaux lourds en amont de ce captage. « La nouvelle unité permettra de mieux traiter les pesticides et les médicaments », justifie-t-il.

Un ingénieur chimiste, expert en contaminations pour des organismes de santé publique, s’interroge : « J’ai du mal à croire que tous ces travaux n’aient aucun rapport avec l’agrandissement de la mine. Vu l’argent que ça coûte de changer une installation, ça ne se fait pas sans raison objective. Et il n’est pas courant d’avoir de tels traitements de l’eau en tête de bassin versant, où elle est normalement moins polluée. »

Pour connaître la qualité de l’eau sur l’Ellé, en aval de la mine, le plus simple est de s’adresser à l’agence régionale de santé (ARS), qui surveille les captages. Nous lui avons demandé de nous communiquer les analyses de l’eau captée en aval de Glomel.

« Il n’existe pas de contrôle sanitaire sur la ressource ‘Pont Saint-Yves’ exclusivement », a répondu l’ARS. Le captage d’eau le plus exposé aux pollutions de la mine ne serait donc pas surveillé : l’agence publique ne contrôle la qualité des eaux brutes qu’après qu’elles aient été mélangées à la station de traitement. Une fois dilués dans les eaux prélevées ailleurs, les contaminants d’Imerys passent inaperçus. Ce qui pousse certains riverains désabusés à résumer ainsi la situation : « La mine de Glomel utilise la réserve naturelle régionale comme station d’épuration » pour traiter ses effluents chargés en métaux toxiques. « Mais si la contamination continue d’augmenter, explique l’ingénieur chimiste, l’eau de ce captage risque de ne plus être utilisable pour produire de l’eau potable. »

Les déchets miniers ont contaminé les eaux souterraines

« Quand j’étais ado, par une chaude journée d’été, je m’amusais à repérer les plans d’eau des environs sur les photos satellites. J’ai découvert un lagon bleu à Glomel. J’ai demandé à ma mère : ‘pourquoi on n’est jamais allées s’y baigner ?’ ». Voilà comment Camille a découvert la mine de Glomel : un espoir de baignade. Espoir déçu : le lac de 12 hectares dont elle parle, une ancienne fosse d’extraction, recueille en continu des eaux acides et les boues de traitement des usines du site.

Une autre riveraine se rappelle : « Pendant une réunion en 2022, j’ai demandé ce que contenait cette fosse qu’on appelle ‘la fosse 2’. Imerys m’a répondu ‘Du mica et des oxydes de fer’. » Pas de quoi s’inquiéter, donc, Camille aurait pu s’y baigner. Mais dans un tableau perdu dans les 3.000 pages du dossier d’enquête publique, on apprend que ces boues contiennent de fortes concentrations de cadmium, de chrome, de cobalt, de nickel et de plomb : des métaux dits « lourds », cancérigènes, neurotoxiques et reprotoxiques .

Les boues de cette fosse contiennent aussi les produits chimiques utilisés dans l’usine. Lors d’une réunion publique, les porte-parole de l’entreprise ont assuré que « le procédé d’extraction ne fait pas intervenir de composés chimiques » . Pourtant, les documents de l’enquête publique indiquent que les usines de Glomel utilisent 75 tonnes par an de substances nocives pour l’environnement et la santé.

Par exemple, le méthyl-isobutyl carbinol, un solvant dangereux pour les nappes souterraines, l’acrylamide, cancérigène, mutagène et reprotoxique, le sulfonate de sodium et l’amylxanthate, toxiques pour la vie aquatique.

Chaque année, une trentaine de tonnes de ces produits sont déversées dans le « joli lac » . Imerys affirme que la fosse est « étanche », mais aucune membrane n’empêche ces boues acides de s’infiltrer dans les eaux souterraines. Et il en va de même dans tous les autres espaces du site où sont entreposées ces boues : la « fosse n°1 »(2 millions de m³) et « l’ancienne digue » (900 000 m³).

Les contaminants de ces déchets toxiques ont commencé à migrer vers les eaux souterraines : c’est ce qu’indiquent certains éléments qu’Imerys a communiqués à l’administration. L’un des appareils de mesure de l’industriel relève que les taux de contaminants ont explosé entre 2012 et 2021.

Par exemple, les déchets de la mine contiennent des concentrations importantes de nickel, un métal qui provoque des cancers du poumon et des sinus et des maladies cardiovasculaires. Or, sous le site minier, les eaux souterraines contiennent 40 fois la teneur en nickel maximale autorisée pour les eaux brutes destinées à la consommation. Les autres contaminants (cobalt, cadmium, arsenic, produits chimiques…) susceptibles d’avoir migré vers la nappe ne semblent pas surveillés.

En juin 2024, en prolongeant l’exploitation de vingt ans, les services de l’État ont autorisé l’entreprise à générer au total environ 12 millions de m³ de déchets supplémentaires, autant de déchets qui seront entreposés sur place et qui sont censés ne pas entrer en contact avec les eaux souterraines pour les décennies et les siècles à venir. Alors que jusqu’ici, Imerys n’a pas réussi à empêcher la contamination des eaux souterraines.

Qui traitera les eaux acides en l’an 2150 ?

En 2044, en théorie, l’extraction d’andalousite sera terminée et viendra le temps de la « remise en état », comme on dit. Mais la roche exploitée à Glomel a une particularité : elle contient de la pyrite, c’est-à-dire du soufre. Quand la roche mise à nu par l’extraction ou les déchets miniers du site rencontrent de l’eau (la pluie par exemple), cette eau se transforme naturellement en acide sulfurique et entraîne vers l’aval les contaminants présents dans la roche. C’est ce qu’on appelle le drainage minier acide, l’une des pollutions les plus redoutables liées à l’activité minière.

Actuellement, toutes les eaux qui ruissellent sur le site sont collectées et traitées par lmerys pour perdre leur acidité. Mais qui va traiter ces eaux de ruissellement dans un siècle pour empêcher cette marée acide de contaminer le bassin de l’Ellé ? Dans les documents de l’enquête publique, Imerys assure qu’après la remise en état, « les eaux pluviales ne seront plus susceptibles de s’acidifier » . Les montagnes de déchets seront « étanchéifiées » avec une couche de résidus miniers très fins puis quelques centimètres de terre. L’entreprise assurera un suivi du site pendant dix ans après la fin de l’activité.

On sait pourtant que le drainage minier acide est sans limite de temps, comme le rappelle l’association de géologues miniers SystExt. À Chessy-les-Mines, dans le Rhône, un gisement riche en pyrite a été exploité depuis le Moyen Âge. La mine a fermé après un effondrement dans la galerie principale, survenu en 1877. Un rapport confidentiel du Bureau des recherches géologiques et minières (BRGM) publié en 2019, que Splann ! s’est procuré, décrit le traitement des eaux acides mis en place à Chessy.

L’État a constaté que ces eaux minières, quoique traitées « depuis 130 ans », étaient trop polluantes, si bien qu’il a dû y construire une toute nouvelle station de traitement en 2005. Le drainage minier acide de Chessy dure donc depuis 150 ans sans que, d’après le rapport, l’acidité ou les concentrations de métaux dans les eaux n’aient baissé au cours du temps.

À Chessy, le problème se pose sur 20 hectares ; à Glomel, il se poserait sur 265 hectares. La création d’une nouvelle fosse et de nouveaux stockages de déchets augmentent d’autant la quantité d’eaux acides dont auront à s’occuper les six ou sept générations à venir.

Les pollutions minières du passé posent des problèmes insurmontables, et l’État, qui doit les gérer tant bien que mal, le sait très bien. Pourtant, il reproduit les mêmes erreurs à une échelle dix fois supérieure. Les services de la préfecture ont délivré cette autorisation sans prendre la mesure de l’ampleur de cette pollution

Dominique Williams

Membre d’Eau et rivières de Bretagne

La préfecture des Côtes-d’Armor et la direction régionale de l’environnement ont été alertées de la contamination aux métaux lourds que révèle notre enquête, et des problèmes soulevés par l’étendue considérable du drainage minier acide après la fermeture du site. La Région Bretagne a elle aussi « soumis ces informations à l’État afin qu’il puisse répondre aux inquiétudes exprimées » tout en indiquant à Splann ! qu’elle prenait « au sérieux l’alerte émise » sur la pollution de la réserve naturelle régionale.

Or, malgré nos sollicitations, l’État ne s’est pas exprimé. Quant au groupe Imerys, notre rédaction lui a donné la possibilité de revenir sur ses déclarations concernant l’absence de métaux lourds et d’impact sur les eaux : il n’a pas souhaité nous répondre. Mais l’extension de la mine est d’ores et déjà contestée devant la justice. Fin octobre, l’association Eau et rivières de Bretagne a déposé un recours contre l’ouverture de la nouvelle fosse au tribunal administratif de Rennes.

Imerys parle empoussièrement

« Vous voyez cette poussière ? Nos animaux la boivent dans leurs abreuvoirs, nos enfants la respirent », s’inquiète une habitante de Glomel, femme d’agriculteur. Sur l’avant-toit de sa maison, la gouttière que montre Émilie* est tapissée d’un dépôt noir épais de plusieurs centimètres. « Je l’ai nettoyé, mais il n’a mis que quelques mois à revenir », explique-t-elle.

En plus des trois usines du site, le principal responsable de cette poussière s’appelle le « Sabès » : une montagne de résidus de trente mètres de haut occupant l’équivalent d’une cinquantaine de terrains de football. Quand le vent souffle, ces poussières forment un panache qui saupoudre la campagne.

À force de plaintes, l’État a demandé à Imerys de poser des jauges « Owen » dans les hameaux voisins, des récipients en plastique juchés sur des poteaux. Selon l’entreprise, la « mesure des retombées de poussière à proximité du site » n’indique « aucun dépassement des seuils réglementaires » . Elle omet simplement de dire que seule la quantité de poussière est mesurée, et pas sa qualité. Sur ce point, Imerys a affirmé aux habitants que « les poussières de la mine se composent principalement d’aluminium ».

Dans un document du groupe, on peut même lire que « les résidus sableux stockés sur le Sabès sont constitués de sables fins propres. Ils ne contiennent aucun produit chimique ». La véritable composition de ces résidus miniers qui forment ces poussières, bien plus inquiétante, est renseignée quelque part dans les 3.000 pages du dossier d’enquête publique. On y trouve le même cortège de métaux cancérigènes que dans les sédiments analysés par Splann ! : chrome, nickel, arsenic, plomb…

Certains habitants relient l’activité de la mine, et en particulier ces poussières, à ce qu’ils considèrent comme une épidémie de cancers dans le voisinage du site. Jean-Yves Jego, éleveur dans un hameau voisin et conseiller municipal d’opposition à Glomel, se souvient d’une remarque de l’agent de la Mutuelle sociale agricole, quand il a créé son élevage de chèvres en 2011 : « À moitié pour plaisanter, il m’a demandé : ‘Vous êtes sûr que vous voulez vous installer ici ? Il y a eu trois jeunes hommes morts du cancer à proximité !’ »

* Le prénom a été modifié.

Une zone humide n’est pas une plante d’appartement

La fosse n°3, actuellement en activité, a été creusée sur une zone humide et sur le périmètre de protection d’un captage d’eau. Pour l’exploiter, Imerys pompe en continu l’eau souterraine, ce qui a aussi drainé une partie des zones humides alentour. Il y a cinq ans, « son extension a définitivement détruit les sources de la rive droite du ruisseau du Kerjean », d’après Christelle, agricultrice et membre de Refrac’Terres, une association réunissant riverains et experts qui s’est constituée pour s’opposer à l’ouverture de la quatrième fosse.

Cette fosse 4, a promis Imerys, ne causera « pas de destruction de zone humide ». Pourtant, elle nécessitera, comme la fosse 3, de pomper les eaux souterraines en continu, au risque d’assécher les zones humides tout autour. Pour empêcher leur destruction, l’entreprise a présenté à l’administration un ingénieux système : une « rampe d’arrosage équipée de sprinklers » pour asperger la zone humide voisine de Kerroué pendant une partie de l’année.

Nous avons interrogé Bernard Clément, professeur d’écologie végétale à Rennes, spécialiste des landes et des tourbières, sur l’opportunité de ce système : « Les zones humides fonctionnent grâce à des nappes phréatiques peu profondes : elles sont alimentées par le sol, pas par le dessus. » Une zone humide n’est pas une plante d’appartement. La préfecture des Côtes-d’Armor a validé le principe de l’arrosage, renommé, pour plus de sérieux, « soutien à l’étiage ».

Celia Izoard
Illustrations par Aurélie Calmet

Les autres volets de l'enquête sont à retrouver sur le site de Splann! :
Dans les Côtes d'Armor, Imerys mine la démocratie locale
A Glomel, une mine d'argent pour la multinationale Imerys

Une enquête de Splann !, première ONG d'enquêtes journalistiques en Bretagne.

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