Le programme, baptisé IBReizh a vu le jour ce 29 novembre 2022. Cette convention prévoit l’attribution de plusieurs millions d’euros sur 7 ans pour financer des projets environnementaux sur le territoire breton. Elle a été signée entre la région Bretagne et Ailes Marines, opératrice du parc éolien de la baie de Saint-Brieuc et société du groupe espagnol Iberdrola. Si la région se félicite de ce partenariat, d’autres y voient une façon de faire taire les mécontents.
Alors qu'au large, les travaux se poursuivent pour l'installation des 62 éoliennes du futur parc éolien de la baie de Saint-Brieuc, Ailes Marines et la Région Bretagne ont signé ce 29 novembre une convention IBReizh.
Ailes Marines va verser plusieurs millions d’euros pour mener des actions en lien avec la mer, les énergies renouvelables, la préservation de l’environnement et de la biodiversité marine et côtière.
Invité du journal de France 3 Bretagne ce midi, Daniel Cueff, vice-président Mer et Littoral de la Région Bretagne explique que "tous les projets éoliens doivent faire une proposition de fonds pour le développement territorial. Cet argent, prévu donc, dès l'appel d'offres va servir à financer des actions en faveur de la biodiversité, du tourisme ou de la décarbonation de la flotte de pêche."
"La Région contribuera à identifier les projets au côté de l’entreprise, jouera le rôle de facilitateur dans leur future mise en œuvre, et organisera le suivi partenarial des actions menées." Le programme, dont le montant prévisionnel est de plusieurs millions d’euros, est lancé pour 7 ans.
L’énergie, la mer et l’environnement comme priorités
"A travers IBReizh, la Région Bretagne et Ailes Marines souhaitent donner la priorité aux projets maritimes, en lien avec les problématiques énergétiques et la protection de l’environnement", indique la Région Bretagne dans un communiqué.
"Acteur de la transition énergétique, Ailes Marines a toujours exprimé sa volonté de soutenir le développement des territoires et de renforcer les activités économiques de la Bretagne, tout particulièrement celles situées dans le département des Côtes-d'Armor" a commenté Stéphane-Alain Riou, directeur du développement de la société Ailes Marines.
Pour le Président de Région, Loïg Chesnais-Girard, "ce programme va contribuer à la transition écologique de la Bretagne. La Région Bretagne a tenu à ce partenariat, assez inédit, qui permettra à la collectivité de jouer son rôle de ciblage de projets, et de facilitateur. "
Un chèque pour nous faire taire ?
Depuis le début du projet, en 2011, le parc éolien en mer suscite bien des craintes. Les pêcheurs redoutent la disparition des poissons et des coquilles Saint-Jacques; les associations de défense de l'environnement dénoncent la destruction d'un patrimoine naturel unique, s'inquiètent pour les fonds marins et les oiseaux migrateurs qui fréquentent la baie.
A la Région, cette signature fait grincer des dents l'opposition plutôt hostile à ces éoliennes en mer. "On dirait que pour faire accepter son projet, Iberdrola sort le carnet de chèques", s’étonne Isabelle Le Callennec. La conseillère régionale (Droite, centre et régionalistes) se dit "extrêmement choquée par cette convention". "On fait comme s’il y avait des choses à cacher, comme si on voulait faire taire les mécontents, en résumé, comme si on achetait le silence des élus."
"Cette histoire, poursuit-elle, ce n’est ni fait, ni à refaire. S’il y avait des accords de ce type, c’est au début qu’il fallait les faire connaitre et les inscrire dans le marbre. Là, cela manque de transparence. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi la région déroule ainsi un tapis rouge devant Iberdrola ?"
Et l’élue régionale dresse une liste des questions que lui pose le futur parc éolien. "Les travaux ont pris énormément de retard, les enquêtes sur les fuites d’huile dans la baie n’ont toujours pas abouti, le projet a violé un certain nombre de règles de protection de l’environnement… Il y a beaucoup trop de non-dit sur ce dossier, s’inquiète Isabelle Le Callennec. Attention, si le gouvernement veut développer les énergies renouvelables, que la baie de Saint-Brieuc serve d’exemple à ce qu’il ne faut surtout pas faire."
Des espèces sonnantes et trébuchantes contre des oiseaux migrateurs ?
Depuis des années, Katherine Poujol, présidente de Gardez les caps est vent debout contre le parc éolien en baie de Saint Brieuc. "Ce partenariat, c’est quoi ? demande–t-elle, un chèque contre la vie des oiseaux migrateurs. On nous parle de financer des projets pour la biodiversité. Alors on va payer pour reconstruire ailleurs ce qu’on détruit ici ? C’est tout simplement choquant ! "
Et elle s’interroge. "Depuis des années, on nous explique que ces éoliennes n’auront pas d’impact sur l’environnement. Alors, s’il n’y a pas d’impact, pourquoi tout cet argent ? Il aurait mieux valu dire, ces éoliennes vont avoir des conséquences pour la pêche, le milieu marin, le tourisme et pour cela vous allez être indemnisés, on va réparer, mais là, tout est opaque, compliqué."
"Les élus jurent la main sur le cœur que tout est transparent, insiste-t-elle, et bien, si ces fonds étaient prévus dans les réponses de l'appel d’offres de 2011, qu’ils nous montrent cet appel d’offres. Sinon, tous ces millions d’euros qui tombent comme ça du ciel, on a l’impression qu’on nous prend pour les idiots utiles de la situation. "
Qui est Iberdrola ?
"Iberdrola, c’est l’EDF espagnol", glisse Isabelle Le Callennec. Sur son site internet, le groupe se présente comme "le plus grand producteur d'énergie renouvelable d'Europe et des États-Unis, l'une des cinq plus grandes entreprises d'électricité du monde et le leader mondial de l'énergie éolienne."
L’entreprise, dont le siège est située à Bilbao en Espagne, emploie aujourd’hui 38 000 personnes travaillant dans 31 pays, afin de fournir l'énergie la plus propre de la planète à 100 millions de clients répartis à travers le monde.
Ces 20 dernières années, le groupe a investi plus de 130 milliards d'euros dans les énergies renouvelables. En 2022, la puissance installée de ses centrales d'énergies renouvelables atteint 40 000 MW et son portefeuille de projets renouvelables dépasse 90 000 MW.
"Énergie propre et mains sales ?"
Mais selon l’enquête de Splann publiée sur notre site en mars 2022, l’entreprise espagnole ne serait pas si verte que cela. Ainsi, dans le parc éolien de La Venta sur la côte ouest du Mexique," 9 900 oiseaux et chauves-souris seraient morts en une seule année à la Venta II, par collision avec les éoliennes car le parc a été bâti sur la route d'oiseaux migrateurs la plus fréquentée au monde (690.000 oiseaux en transit par jour dans l'isthme de Tehuantepec). "
Les associations de défense de l’environnement mexicaine notent également que "les éoliennes perdent de l'huile qui tombe sur le sol. Les produits chimiques (huiles) libérés par les moteurs sont emportés par le vent et contaminent les puits, les lagunes et les mers."
Des problèmes ont également été constatés au pied des barrages ou de la centrale hydro électrique au Brésil. Des tonnes de poissons morts à Belo Monte, des "poissons maigres et malades" en raison de leurs difficultés à s’alimenter et de la qualité de l’eau depuis l’implantation de l’usine Teles Pires, "l’eau du fleuve serait devenue sale, boueuse, impropre à la consommation."
Et au delà de ces effets sur l'environnement, l’enquête de Splann révèle que les projets d’Iberdrola au Mexique ont vu le jour dans de conditions parfois douteuses. "L’entreprise Iberdrola aurait fait signer des contrats en espagnol à des paysans qui ne le parlent pas" et des opposants aux projets de parcs auraient été victimes d’attaques allant jusqu’aux meurtres. Splann précise que les accusations et les liens établis ne permettent pas d'affirmer une responsabilité d'Iberdrola dans ces faits de violences, mais leurs révélations interrogent.
Alors, IBReizh est-il un outil de communication, une manière de faire du Greenwashing ? De faire accepter un projet qui suscite de la colère ? Ou bien, juste un outil de développement des énergies renouvelables dans la région. Certains élus et associations demandent un suivi du projet et de la transparence.