Le ras-le-bol agricole se cristallise en Bretagne. "J’ai peur que cela dérape," confie Mathieu Lozac’h, figure de la FDSEA, alors que Callac devient le théâtre d’une première mobilisation agricole. Après un an d’attente et de promesses non tenues, la colère des agriculteurs bretons monte et pourrait bien faire tache d’huile dans tout le pays.
Les agriculteurs bretons, épuisés par des promesses non tenues, sont en première ligne de cette nouvelle vague de contestation qui pourrait bien s’étendre à toute la France. Ce jeudi 14 novembre, à Callac, dans les Côtes-d'Armor, un premier rassemblement symbolique est prévu.
Ce "feu de la colère" sur le rond-point de l'entrée de la ville marque le début d'une mobilisation qui dénonce l'inaction des autorités. "Nous n’avons rien eu de concret, que des mots, des promesses enterrées avec la dissolution," déclare Mathieu Lozac’h, vice-président de la FDSEA des Côtes-d'Armor. Ses mots traduisent la frustration d'un secteur qui s'estime abandonné.
"Le Mercosur, il faut l’enterrer bien profond"
L’accord de libre-échange avec les pays du Mercosur cristallise une partie de la colère. Permettre l’importation de viande produite avec des méthodes interdites en France depuis 2005, comme l'utilisation de chlore pour traiter le poulet ou d'activateurs de croissance pour le bétail, est inacceptable aux yeux des éleveurs. "Cet accord, il faut l’enterrer vite et bien profond", martèle Mathieu Lozac’h.
Son collègue, Philippe Cherdel, également de la FDSEA, déplore ce qu'il perçoit comme un "coup bas" aux producteurs français, qui sont soumis à des règles sanitaires strictes. "On veut faire manger aux consommateurs des produits qu’ils ne veulent pas, uniquement pour des intérêts financiers", s’indigne-t-il.
La concurrence jugée inéquitable avec les pays d'Amérique du Sud menace selon eux les exploitations françaises déjà fragiles. "Les éleveurs brésiliens peuvent produire plus, mais pour moins cher et de moins bonne qualité. Nos bons produits, qui va les acheter ?" lance un autre agriculteur, exprimant la détresse des éleveurs contraints de voir leur production dévalorisée face à ces importations.
Des mobilisations qui peuvent déraper
Dans les Côtes-d'Armor, la colère agricole risque d’atteindre un point de rupture. Le vice-président de la FDSEA, exprime son inquiétude : "Certains sont à bout. Ils n’en peuvent plus. Des aides financières attendues depuis mai 2023 ne sont toujours pas tombées”. Le premier rendez-vous de Callac sert d'évaluation des forces en présence, avant un prochain rendez-vous à Guingamp.
"Nous serons bientôt à Guingamp, sur le rond-point de Kernilien". Le climat est tendu. Mathieu Lozac’h veut avancer par étapes, mais il redoute que les mobilisations qui se préparent ne prennent un tournant imprévisible si des mesures concrètes ne sont pas rapidement mises en place. "J’ai peur de ne pas pouvoir tenir toutes les troupes", confie-t-il. Beaucoup d'agriculteurs bretons n'ont plus grand-chose à perdre.
Une mobilisation qui s’étend en Bretagne
Si le mouvement débute dans les Côtes-d'Armor, la colère gronde également dans le Morbihan. La Confédération paysanne et la FDSEA 56 envisagent de se joindre à la mobilisation dès le lundi 18 novembre, pour dénoncer les mêmes problématiques.
Car les récoltes de l’année ont été particulièrement mauvaises et accentuent les difficultés financières des exploitants. Beaucoup d'agriculteurs sont contraints de contracter des prêts pour faire face à des trésoreries à sec.
"Nous allons reprendre la route" partout en France
Le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, a confirmé ce mercredi une mobilisation nationale à partir du lundi 18 novembre. "Nous allons reprendre la route parce que va s’ouvrir au Brésil le G20", a-t-il déclaré au micro de France Inter. L'occasion sera saisie pour exprimer le rejet du Mercosur, un traité aux "conséquences dramatiques" pour l'agriculture, selon lui car "on parle de bœufs aux hormones, de poulets accélérateurs de croissance…"
L'accord, qui pourrait entraîner la suppression de nombreux droits de douane entre l'Union européenne et l'Amérique latine, est perçu comme un coup de massue pour le leader des agriculteurs français.
L'enjeu des mobilisations à venir est également de sauver le monde agricole sur le long terme affirme Arnaud Rousseau. "Comment font un certain nombre d’exploitants pour passer l’hiver après un été catastrophique ?" interroge-t-il, rappelant les faibles rendements de cette année et les maladies sanitaires qui affectent les élevages. Le syndicaliste réclame une réforme en profondeur avec des mesures pour stabiliser les trésoreries des exploitations.