Lactalis abandonne le lait bio pour le conventionnel : "On se fait jeter", la colère des producteurs bretons

Lactalis annonce la fin de la collecte de lait bio pour plusieurs producteurs bretons d'ici deux ans, provoquant une onde de choc dans le secteur. Entre désarroi et colère, les éleveurs cherchent des solutions pour sauver leurs entreprises et leurs animaux.

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Le 25 septembre 2024, une annonce choc de Lactalis a secoué le monde agricole. Le leader mondial du lait a décidé de réduire progressivement ses volumes de collecte en France, une décision qui touche les producteurs de lait bio en Bretagne. Parmi eux, Jean-Hervé Caugant, éleveur à Dinéault dans le Finistère, est en première ligne. “C’est un coup de massue”, réagit-il, amer.

La fin de la collecte bio : un coup dur pour les producteurs

Pour les éleveurs bretons, l’annonce de Lactalis est un véritable séisme. D’ici 24 mois, le géant laitier cessera de collecter le lait bio chez certains producteurs. La nouvelle est tombée comme un couperet pour Jean-Hervé Caugant, dont la famille livre du lait à Lactalis depuis trois générations. "Mon grand-père livrait déjà à Lactalis. On n’a jamais changé de laiterie en 60 ans", explique-t-il. "Aujourd’hui, tout est remis en question."

Lire : "Ça fait des années que Lactalis fait des marges". Le stand du géant laitier ciblé par une action des éleveurs (Franceinfo)

Cette décision concerne principalement les exploitations bio, qui voient leur avenir menacé. “Regardez ces veaux”, montre Jean-Hervé. "Dans deux ans, ils seront des vaches laitières. Mais est-ce qu’on doit les garder, sachant qu’on ne sera plus collectés en bio ?”

Un choix économique difficile

Le lait bio est actuellement payé environ 50 centimes le litre, contre 40 à 45 centimes pour le lait conventionnel. Pourtant, cette différence ne suffit plus à compenser la surproduction de lait bio en France. “Il y a trop de lait bio, et pas assez de demande", observe Jean-Hervé. "Le marché est en baisse, et on en paie le prix fort."

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Lactalis laisse néanmoins une porte ouverte : la collecte de lait conventionnel pourrait se poursuivre. "Si on arrête le bio, ils accepteront de collecter en conventionnel", explique Jean-Hervé. Une solution qui, bien qu’acceptable sur le plan financier, reste difficile à avaler pour des producteurs convaincus des bienfaits de l’agriculture biologique. "On a investi dans des pratiques agroécologiques, on a adapté nos prairies, nos haies, et on se fait jeter", déplore-t-il.

Des décennies d’engagement en péril

Jean-Hervé Caugant n’est pas seulement un éleveur. Il est aussi président de la Chambre d’agriculture du Finistère. Selon lui, la Bretagne, terre de lait, saura rebondir. "On se regroupe avec des coopératives pour trouver de nouveaux collecteurs, que ce soit des coopératives ou des privés", assure-t-il. Mais le désarroi est palpable parmi les 26 producteurs bio répartis sur trois départements bretons. "Ce sont des gens convaincus par le bio, qui y croient depuis des années", confie-t-il. "Aujourd'hui, on se demande quelle est la place de l’humain dans cette histoire."

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L’amertume d’un abandon

La colère monte chez Jean-Hervé et son fils, accablé par la situation. "On leur avait posé la question avant de réinvestir lourdement car notre matériel avait 40 ans... Et ils nous avaient encouragés", explique Mathieu Caugant, très ému. "Maintenant, tout est remis en question. Nous avions tout fait pour créer un produit sain, basé sur le bon sens."

Cet investissement massif, près d'1,5 million d'euros, était destiné à assurer un avenir durable à l’exploitation familiale et leurs 140 vaches.

Mais aujourd’hui, l’abandon de Lactalis met tout en péril. "On voulait quelque chose de vertueux pour la planète et pour le consommateur", poursuit-il. "Mais tout est remis en cause. Lactalis nous abandonne, c’est un véritable coup de massue."

"On se fait jeter"

Rester en bio ou passer en conventionnel ? Un choix cornélien pour ces éleveurs, qui se retrouvent à devoir repenser tout un modèle d’agriculture. "On a trouvé un rythme de production en agroécologie, et aujourd’hui on se fait jeter", conclut-il, dépité.

Les producteurs bretons n'ont désormais plus que quelques mois pour trouver une solution, sauver leurs exploitations et, peut-être, éviter l’abandon total du bio.

avec Sarra Bencherifa et Morgane Trégouet

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