"Les Magnétiques" fait partie des films remarqués à Cannes. Vincent Maël Cardona signe ce premier film qui ramène dans l'ambiance rock des années 80, où se mêlent service militaire, premier amour, expérimentation et liberté. "Un premier film est une prise de parole" témoigne le jeune réalisateur breton. Rencontre avec un cinéaste qui impose son univers.
Quelque part dans la France des années 80, deux frères expérimentent une radio pirate. Philippe est un génie de la technique des bandes analogiques, les fameuses bandes magnétiques. Son départ pour le service militaire va le contraindre à sortir de l'ombre.
Les Magnétiques, un film sur le désir de liberté
Avec cette ode à la fougue de la jeunesse des années 80, entre rock, punk, expérimentation, et amour compliqué, Vincent Maël Cardona impose son style.
"La narration de mon film s'appuie sur une émission de radio. Un jeune parle dans un micro sans savoir s'il y a quelqu'un au bout du fil, c'est la même chose pour une œuvre cinématographique" explique Vincent Maël Cardona.
Pour le réalisateur, un premier film est une prise de parole. "Au-delà de l'histoire, ce film est une forme de déclaration, j'y ai mis mes valeurs."
Le réalisateur ne sait pas dans quelle mesure son premier film sera entendu, mais la subtilité du cadrage, la puissance de scènes vibrantes qui restent en tête, la justesse des jeunes comédiens ont séduit à Cannes et à Deauville. Le bouche à oreille démarre tout comme la carrière ce jeune réalisateur originaire de la Bretagne profonde.
La découverte du cinéma sur le tard
"J'ai attendu 10 ans pour sortir mon premier film, maintenant j'enchaine" confie le breton qui n'était pas destiné à diriger sur des plateaux de cinéma.
Une enfance dans la campagne bretonne près de Saint-Brieuc "pas la Bretagne carte postale, mais celle des porcheries et abattoirs où je travaillais pour financer mes études" explique celui qui va découvrir sa passion pour le cinéma à Nantes.
Vincent Maël Cardona s'éloigne de sa famille pour ses études de philo. Ses amis préparent les concours des grandes écoles de cinéma. "Je ne savais même pas que cela existait, mais j'ai tout de suite su qu'un jour je tenterai la Fémis. C'était une évidence". Avant cela, le jeune étudiant en philosophie prend le temps d'aller au bout de ses études et profite des salles obscures pour développer sa cinéphilie.
"Avec l'Appolo surnommé le ciné à 10 balles puis le cinéma à 2 euros, le Cinématographe et sa forte activité de rétrospectives, ou le Katorza, je découvre les grands auteurs qui vont m'influencer" analyse Vincent Maël Cardona. Le jeune homme découvre que le langage cinématographique est le sien.
"La Fémis c'est impressionnant pour un petit breton du Gouret"
Il faut deux tentatives au jeune breton pour être reçu dans la plus grande école de cinéma d'Europe, la Fémis. "C'est très impressionnant d'entrer à la Fémis. Je me souviens que je n'osais pas y aller pour connaître les résultats. J'ai trouvé dans l'annuaire le contact d'une personne qui habitait près de l'école. Très sympa, il est allé voir pour moi si mon nom était inscrit. Cet inconnu m'a annoncé que j'étais reçu en réalisation" se rappelle avec plaisir Vincent Maël Cardona.
La pédagogie de la Fémis est d'apprendre en faisant. L'occasion pour le breton qui ne connait personne dans le milieu de faire des rencontres et de constituer sa petite famille du cinéma.
"Tous les chefs de postes de mon film sont des anciens de la Fémis, même mes producteurs sont liés à cette école" confie le réalisateur.
La pratique de tous les petits boulots du cinéma
Depuis son court-métrage "Coucou les nuages" qui reçoit le deuxième prix de la Cinéfondation à Cannes en 2010, Vincent Maël Cardona a toujours été soutenu par des producteurs.
Le jeune réalisateur patiente en collaborant pour d'autres par des lectures de scénario, du repérage, de l'assistanat de réalisation ou de régie. "J'ai fait tous les petits boulots qui me permettaient de rester dans le monde de la fabrication des films".
"Ce type de soutien sur la foi d’un seul court-métrage d’école, c’est extrêmement rare sur une période aussi longue" confirme le réalisateur très reconnaissant envers ses producteurs qui pour certains sont d'anciens camarades de promotion.
Les Magnétiques, un film déjà récompensé
Le film a été remarqué comme l'une des pépites de la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes. Les producteurs et distributeurs en charge du film ne se mettent pas de pression sur la sortie en salle de cette petite perle qui enchaîne les prix. "Nous savons que nous n'avons pas la même force de frappe en terme de communication que beaucoup, mais le film est là et il a déjà un bon accueil" explique le réalisateur qui s'est promis de faire le tour des salles qui l'inviteraient à présenter son film. Moralité une tournée de 93 salles est en cours.
Prix de la SACD à Cannes, prix d'Ornano-Valenti au festival de Deauville, des sélections de Moscou à Los Angeles ou en Corée du Sud. Le film triomphe comme au festival Jean Carmet en raflant 4 prix d'interprétation.
Thimotée Robart et Marie Colomb. Un duo captivant dès les premiers plans du film, entourés de seconds rôles tout aussi bien écrit.
Des projets en préparation
Le film "Les Magnétiques" a été écrit en pensant à la Bretagne. Des raisons artistiques ont empêché d'y tourner les scènes, mais Vincent Maël Cardona compte se rattraper. "J'ai des projets pour la Bretagne, c'est la terre de mon enfance, ce sont les lieux qui ont constitué mon imaginaire. Dans "Les Magnétiques" on ne voit pas la Bretagne mais on y ressent l'âme".
Le réalisateur vient de signer pour deux prochains films. Son objectif est d'en sortir un autre d'ici trois ans. Peut-être l'occasion pour lui de revenir sur ses terres costarmoricaines ?
"Les Magnétiques" sort en salle ce 17 novembre. Une sortie discrète au milieu des blockbusters qui s'imposent pour attirer les spectateurs.