Depuis des années, Betty Yon tente de mettre des étoiles dans les yeux des passants et un peu de douceur dans leurs cœurs. Elle écrit des petits poèmes qu’elle dessine à la craie au creux des trottoirs, au coin des rues de Saint-Brieuc. Mais cet été, elle a choisi de délaisser un peu le centre-ville pour s’installer dans le quartier Balzac. Tous les mercredis, elle étend des draps pour inviter petits et grands à venir s’exprimer… En mots ou en dessins, mais en couleurs.
"Fée comme tu vœux" aime écrire Betty… Avec de jolies "fotes" d’orthographe qui disent toute sa poésie.
D’ordinaire, la graffeuse offre ses bouquets de mots dans les rues, des petits poèmes dessinés sur l’asphalte. "Si tu as envie de rêver, vas-y, exagère !" "On ne devrait jamais se haïr, on a déjà si peu de temps pour s’aimer."
Carte blanche pour les couleurs
Ce "Fée comme tu vœux", elle s’en sert aussi cet été pour inviter les passants du quartier Balzac, à Saint-Brieuc, à faire une petite pause artistique. Elle est là, au pied des immeubles, tous les mercredis après-midi.
Dans la recyclerie où elle est bénévole, elle a récupéré des draps, comme autant de pages blanches, d'espaces de liberté. Elle a apporté un sac de vieux disques en vinyle sur lesquels elle commence à tracer quelques mots :" Il était une fois, un jour d’été…"
Betty a amené ses craies, des feutres, de la peinture, des crayons de toutes les couleurs et elle propose aux petits et aux grands d’écrire ou de dessiner. Un arc-en-ciel, un papillon, un regard… Betty en est persuadée, le bleu, le vert, une couleur, un mot peuvent changer une vie.
Des couleurs pour cesser de broyer du noir
"Les gens arrivent, un peu comme ça, fait-elle en mimant une contrariété. Ils sont un peu plissés et puis, ils commencent. Un mot est dit, une couleur apparaît… Et ils repartent en disant, on revient, on revient… Ils ont même le souffle qui fait ahahah". Cette fois Betty imite le ballon qui se dégonfle. Toute la tension est partie. Et ça, c’est sympa, c’est trop bien !"
Sur un grand panneau devant les tables, Betty invite "Ici, on vous prête un câlin".
Certains s’arrêtent un instant, griffonnent un prénom, un petit animal, d’autres trempent leurs mains dans la peinture pour laisser une empreinte colorée de leur passage. Et puis quelques-uns s’installent sur les bancs et prennent le temps de rêver et de faire rêver.
D’un geste élégant, Jemima fait des vagues bleues sur le drap, puis s’applique à dessiner. "J’ai envie que les gens aient envie d’aller voir un coucher de soleil, parce que je trouve que c’est magnifique !"
Des couleurs pour voir la vie en rose
"C’est beau cette envie de partage se réjouit Betty. C’est ça l’art de la rue. Quelqu’un passe et voit quelque chose qui lui donne le sourire et le rend heureux."
Tilio sourit. Cela fait un moment qu’il décore un vieux 33 tours avec ses dessins, mais il vient tout juste de comprendre que la dame à la mèche rose qui se trouve face à lui c’est Betty. La Betty. "Quand on se promène dans le centre-ville, ma mère lit ses poèmes et me dit, "tu vois ça, mets ses mots au fond de ton cœur, c’est très important"". Le jeune garçon réfléchit un instant et cite un vers de la graffeuse : "Je garde un petit bout d’étoile accroché à mon cœur."
Betty a soudain comme une petite averse de bonheur dans les yeux…
Pendant que les mains dessinent, les langues se délient. "C’est un moment d'échanges et de partages. On parle de tout, décrit-elle. De la vie, du quotidien, d’aujourd’hui, de demain, d’avant, de quand on était petits, du futur aussi c’est important."
Les mamans profitent aussi de l’instant pour confier leurs histoires, pas toujours faciles. "Tu vois ce sac, Betty, dit l’une d’elles en désignant la pochette plastique qui contenait les crayons, ça a été mon sac d’école pendant toute ma scolarité. Je n’ai eu qu’un cahier."
"On apprend plein de choses ici, confie Betty. Cela nous invite à réfléchir, ça nous fait voyager. Après le soir, j’ai plein de mots qui arrivent dans ma tête."
Rêver en grand et en couleurs
Elle aimerait que les draps d’art soient un jour accrochés dans les rues de la ville ou à la mairie pour rendre hommage à la beauté et au travail de tous les habitants de Balzac.
"Vous savez les filles dit-elle à Clara et Jemima, il faut toujours croire à vos rêves. Il ne faut pas se dire, c’est qu’un rêve, ça ne se réalisera jamais. Non, non, tout est possible. Des fois, ça prend un peu de temps, des fois on se décourage, mais il ne faut pas ! "
Avec ses mots et ses couleurs, Betty essaye à sa manière de changer le monde et réussit à le rendre plus beau.