Chaque été, les Petits Frères des Pauvres se mobilisent pour offrir des vacances aux personnes âgées isolées. La maison de Ker Péheff, à Damgan dans le Morbihan, fait partie des 15 établissements de l'association qui proposent des séjours accompagnés de bénévoles pour une bouffée d'air frais loin du quotidien.
"Certaines personnes âgées qui viennent chez nous n'ont jamais vu la mer, certaines ne partent jamais en vacances" témoigne Sylvie Chanson-Jamin, directrice de l'établissement des Petits Frères des Pauvres de Ker Peheff, situé dans le Morbihan, à Damgan. Et c'est vrai que ça sent les vacances ici.
En plein centre bourg de cette commune de 2000 habitants, l'ancien hôtel des Bains, aujourd'hui propriété de l'association, se situe à 400 mètres d'une plage de sable fin, à mi-chemin entre le Golfe du Morbihan et la Baule. Depuis plus de trente ans, cette maison de vacances ouvre ses portes aux anciens soutenus par leur structure, pour une parenthèse estivale. L'été est une période particulièrement éprouvante pour ceux qui restent seuls, pour des raisons de précarité ou de rupture avec le lien familial.
Une maison de vacances accueillante
Alors, on met les petits plats dans les grands pour accueillir des seniors lors de séjours d'une dizaine de jours. Cette semaine, c'est un groupe d'une vingtaine de Lyonnais qui débarque après un long voyage par la route. À l'arrivée, une bolée de cidre, des crêpes, un premier petit geste. "Nous faisons attention à toujours faire plaisir."
Il y a de vraies tables de restaurant dans notre salle à manger, avec des nappes et de la décoration. On ne veut pas faire cantine
Sylvie Chanson-Jamin,directrice Maison de vacances des Petits Frères des Pauvres de Damgan
Du confort aussi dans les chambres individuelles, toutes équipées de salle de bains. Ce sont des petits groupes qui sont accueillis. En général, ils sont une quinzaine d'anciens accompagnés durant tout le séjour par des bénévoles qu'ils connaissent déjà. La plupart de ces derniers offrent déjà leur aide durant l'année pour des sorties ou des visites à domicile. "Même si cela fait un peu vieillot, j'aime bien dire qu'il y a du respect, de la fraternité et de l'écoute dans les valeurs qu'on défend" précise Sylvie. Entre bénévoles et personnes accompagnées, le lien est fort, emprunt de complicité.
Pierre et José, une amitié est née
Après un long trajet en bus, Pierre, un retraité de 76 ans, est arrivé pour la première fois à Damgan. À ses côtés, durant toutes ces vacances, José, son accompagnant, 75 ans, ancien employé de banque et bénévole depuis près de 10 ans à la Fraternité des Petits Frères des Pauvres du Rhône.
Les deux hommes se connaissent bien. Une fois par semaine, ils se retrouvent pour discuter autour d'un café et sont aussi ensemble pour le repas de Noël et des petites sorties proposées par l'association. Mais ce séjour sera un temps fort de partage. "Je pense qu'il a droit à des vraies vacances, alors j'essaie de donner de ma personne pour lui faire plaisir et il me le rend bien. Il a des petites attentions."
Je me suis attaché à Pierre.
José,bénévole Petits Frères des Pauvres
Ils se sont trouvé des affinités, ils parlent sport, actualité, de tout et de rien et au fil des mots, vient parfois la confidence. De son côté, Pierre est ravi. Ravi de voir la mer, de découvrir de nouveaux paysages dans une Bretagne où il n'est venu qu'une fois avec ses parents quand il était adolescent. Divorcé, son fils vivant au Maroc, il a lui-même fait la démarche afin d'être inscrit dans le registre des Petits Frères des Pauvres. "J'ai peur de m'ennuyer, d'être seul, de ne plus avoir de partage" explique-t-il. "Avec José, c'est une belle amitié maintenant. Au début, on s'observait et on commence à se confier, il anticipe ce qui me ferait plaisir".
Ce séjour à la mer, c'est une respiration, une thérapie, sinon je serais resté chez moi à ne pas faire grand chose.
Pierrebénéficiaire des Petits Frères des Pauvres
Des activités quotidiennes
Il faut dire qu'il y a de quoi s'occuper à Damgan. Tous les jours, des nouveautés au programme. Vannes et son petit train touristique, le musée de Saint-Nazaire et un tour en bateau, la visite de Guérande et des marais salants, un pique-nique au Croisic. La petite bande part en vadrouille tous les jours. Et c'est Marie-Odile qui gèrent tout ce petit monde. Alain, Claude, Thierry, Yvette et les autres, la responsable des bénévoles connaît l'histoire de chaque personne accompagnée.
Souvent, ce sont des parcours de vie brisés, une perte d'emploi, un deuil, une famille absente, la maladie. Certains sont en grande précarité, parfois sous tutelle. Tout n'est pas rose, Marie-Odile le sait, et certains ne sont pas toujours faciles, reconnaît-elle. Mais cette ancienne infirmière est à l'aise avec eux et surtout, elle sait écouter.
"On s'assied à côté d'eux, et de temps en temps, ils se mettent à parler. Il y a beaucoup de détresse, des passés lourds, des vies compliquées et toujours une grande solitude. C’est important pour eux de changer d'endroit, de briser le quotidien. Ici, ils trouvent un bel établissement, un environnement plus chaleureux que chez eux parfois."
On les sert à table, on prend l'apéro, on s'occupe d'eux. Ils sont comme des coqs en pâte.
Marie-Odile,bénévole des Petits Frères des Pauvres
La récompense, c'est leur sourire, conclut Sylvie Chanson-Jamin, qui a un an de la retraite en tant que directrice de la maison de vacances, n'aurait voulu aucun autre métier.
Aujourd’hui en France, 2 millions d’aînés souffrent d’isolement. 530 000 personnes âgées sont en état de « mort sociale », privées de liens et des plaisirs simples et essentiels de la vie.