À Bégard dans les Côtes-d’Armor, une centaine d’élus se sont à nouveau réunis pour dénoncer la situation dramatique dans les Ehpad publics, dont les déficits pourraient avoisiner les 300 000 euros en fin d’année. Les maires reprochent à l'Etat des carences de financement. Ils préparent un recours en justice.
Quand leur collectif a vu le jour au mois de mai, ils étaient 12. En juin, une quarantaine. Et hier soir une centaine.
Dans les Côtes-d’Armor, la mobilisation des élus n’en finit plus de prendre de l’ampleur et leur détermination est encore montée d’un cran. Face à la situation dramatique de leurs Ehpad publics qui pour la plupart devraient finir l’année avec un déficit d’environ 300 000 euros, ils envisagent un recours en justice contre l’État.
"Si ça continue, après les personnels, ce sont les vieux qui vont trinquer !"
"Les déficits sont tels que si on continue comme ça, on sera limite pour maintenir les nécessités vitales de nos résidences, le soin, la bientraitance", explique Jean-Louis Even, maire de la Roche-Jaudy.
"Ce sont nos vieux qui vont trinquer, c’est inadmissible. Nous les maires, nous sommes au plus près des gens, on ressent leur douleur. Aujourd’hui, ce sont nos personnels qui souffrent, et bientôt ce seront nos résidents. Ce n’est plus possible."
"L'avalanche des chiffres est effrayante"
Dans la salle, des directeurs et directrices d’Ehpad ont également pris part à la réunion.
"Avec la mobilisation des élus, on se sent moins seuls", souligne Pascal Vielle, directrice de la Résidence La Clairière, à Collinée. "Le chemin sera long, ardu, mais au moins, on est en marche et solidaires. L’avalanche de chiffres est effrayante, c’est horrible. On ne peut pas laisser faire. Sinon, on sera bientôt tous en cessation de paiements. Et quid des gens qu’on laisse sur le terrain, les personnes âgées et nos salariés ?"
Dans son établissement près de Lamballe, on n'arrive plus à faire face à l'inflation. "En 2022, on était à 96 000 euros de facture d'électricité. En 2023, c'est 129 000 euros rien que pour les cinq premiers mois. Ça nous a achevés. Et il faut ajouter une hausse de 28% des produits alimentaires".
Une motion à l'Élysée, un recours en justice
Désormais rejoint par des élus du Finistère, d’Ille-et-Vilaine, le collectif devrait monter à Paris pour le Congrès de maires fin novembre, porter des motions au ministère des Solidarités, et peut-être une copie à l'Élysée.
"Ce sont des actions symboliques médiatiques", poursuit Jean-Louis Even, "mais il y a une action juridique que nous allons mener. Pour montrer les différentes fautes, les manques de nos partenaires. On va argumenter pour un projet de loi Grand Âge. Pour arrêter d’être sous perfusions… Il faut qu’on pérennise le fonctionnement de nos établissements. Sinon, on n’y arrivera pas."
Les élus ont donc fait appel à un cabinet d’avocat. Qui se dit optimiste sur les chances d'un recours contentieux.
"L’enjeu était de déterminer si les financeurs des Ehpad publics, les services de l’État, l’ARS, étaient susceptibles de voir leur responsabilité engagée du fait d’une carence dans le financement qui entraîne des violations de libertés fondamentales, de droits fondamentaux, que sont le droit à la santé, à une vie décente". Selon Me Sophie Guillon-Coudray, avocate du collectif des maires, "les chances de succès d'un recours contentieux sont réelles."