Sur son site, le camping des 7 îles vante son cadre enchanteur et invite à venir se baigner dans une eau chaude en admirant la mer grâce à sa piscine couverte et chauffée. Mais la Cour administrative d'appel vient de redire que cette piscine n’a pas été construite dans le respect de la loi.
Le 19 juillet, la Cour administrative d'appel de Nantes a annulé les dispositions du Plan local d'urbanisme (PLU) de Trélevern qui avaient permis au camping des 7 îles de construire une piscine couverte.
En 2016, la mairie de la petite commune des Côtes-d’Armor avait répondu favorablement à la demande des gérants : une piscine, c'était l'idéal pour faire venir du monde sur la côte nord de la Bretagne.
Yannick Quéguiner, le maire actuel de la commune, n’était pas encore aux affaires. Mais, il se dit "écœuré" par la décision. "C’est une petite piscine, elle fait 107 mètres carrés, et c’est très joli, dit-il, ils ont mis des arbres autour, c’est charmant. Cette décision, c'est n’importe quoi."
Une piscine trop près de la mer
L’association Sauvegarde du Trégor avait très rapidement attaqué la construction." La piscine se trouve dans la bande des 100 mètres du littoral" explique Yves-Marie Lelay, le président de l'association. "Or, le code de l’urbanisme précise dans son article L 121-16 : 'En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage'. "
En novembre 2018, le tribunal administratif de Rennes avait déjà donné raison à l’association. Puis la Cour administrative d’appel de Nantes avait confirmé en janvier 2020 que la construction modeste enfreignait les règles d’urbanisme. L’affaire était montée jusqu’au Conseil d’Etat, qui a, lui aussi, confirmé l’an dernier l’illégalité du permis de construire.
"Le Conseil d’Etat "s’étrangle le maire de la commune, "c’est complètement disproportionné, ça devrait être reglé localement ce genre de choses, après on s’étonne que les tribunaux soient engorgés."
Dura lex, sed lex, la loi est dure, mais c'est la loi
Yannick Quéguiner s’étonne de voir des décisions prises sur des règles tellement pointilleuses. "Si là où elle est, la piscine avait touché le restaurant, on aurait été dans une continuité. Mais là, comme elle est à quelques mètres, ce n'est plus le cas. "
La Cour d’appel considère en effet que "ces quelques constructions dispersées ne suffisent pas à faire regarder ce camping, implanté sur une vaste parcelle longeant le rivage, (…) comme un espace urbanisé », or la loi est précise : « En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ».
Les dispositions du PLU annulées
Les dispositions du PLU de Trélévern qui autorisent donc "les piscines", ' les activités commerciales liées à l’exploitation des campings " et "les aménagements nécessaires " à ces établissements sont donc "contraires au code de l’urbanisme et doivent être par conséquent annulées" tranchent les magistrats.
"J’en apprends tous les jours, des vertes et des pas mûres, s’agace l’élu. Il faut des lois, mais il faut aussi du bon sens. Aujourd’hui, un camping sans piscine, ça ne marche plus. Plus personne n'y vient. La piscine, c'est la première question que posent les vacanciers."
La loi comme arme pour les défenseurs de l'environnement
"On est dans un site reconnu remarquable depuis 1988, répond Yves-Marie Le Lay, la loi littorale est là pour défendre le bien public. Nous ne sommes pas là pour embêter le monde et protéger une petite fougère ou un petit oiseau. Nous défendons l’environnement avec une arme, la loi."
"Nous allons introduire une procédure pour demander le démontage de la piscine, poursuit- il. C’est logique, sinon, ça ne sert à rien d’aller devant la justice. En Bretagne, quand la loi ne nous fait pas plaisir, on a tendance à jeter un voile pudique dessus, mais ce n’est pas comme ça que ça marche."
L’association a adressé un courrier aux gérants du camping et à la mairie." Nous demandons à ce que la décision de justice soit appliquée, c’est-à-dire que la piscine soit démolie. Nous sommes prêts à attendre la fin de l’été, mais il faut que les décisions s’appliquent" conclut-il en geste d'apaisement.
La démolition, peut être pas pour demain
Le maire s’interroge et se demande s'il ne va pas organiser une manifestation de soutien au camping." La plupart des habitants souhaitent que la piscine reste, ça fait venir du monde, ça fait de l’activité pour notre commune argumente Yannick Quéguiner. Et puis, cette piscine était prévue au plan d’investissement de la délégation de service public de la commune. Si demain, il faut qu’on rembourse, ça va coûter cher à nos administrés."
"Ils veulent qu’on démolisse, il faut un permis de démolition achève l’élu. Ca va prendre un peu de temps. Et pendant ce temps-là, les gens vont pouvoir se baigner tranquilles."
La piscine du camping n’a sans doute pas fini de faire des vagues.