Quand il est parti voir une avocate, elle a cru qu’il se moquait d’elle, mais Alexandre Polge a perdu le goût de rire. Il y a quelques jours, son voisin l’a assigné devant un tribunal parce que sa crêperie sent la crêpe. Il a lancé une pétition en ligne. Elle a rassemblé plus de 9 000 signatures en quelques heures.
Au téléphone, Alexandre Polge s’excuse d’avoir la voix un peu tremblante. "J’en peux plus, souffle-t-il. "C’est dur ! "
En 2020, il a ouvert sa crêperie, La crêperie du pêcheur, à Erquy avec sa compagne. "C’était notre rêve" raconte-t-il. Mais le hasard ne fait pas toujours bien les choses : quelques jours plus tard, la France est confinée.
Avec un peu de retard, le jeune couple s'installe enfin derrière ses billigs et commence à servir ses clients en galettes et en crêpes au caramel au beurre salé. La question sanitaire est réglée, mais un matin, un premier courrier arrive.
La crêperie qui sent la crêpe
Le voisin fait savoir aux restaurateurs que leur crêperie sent la crêpe, que les bruits de la plonge et du parking le dérangent .
Alex et sa compagne font des travaux. Ils installent une hotte sur le toit pour évacuer les fumées, isolent le coin vaisselle avec de la laine de roche et déplacent le parking. 170 000 euros de travaux. En vain.
Le voisin continue de se plaindre. Une réunion de conciliation a lieu. "Il nous a demandé de fermer le restaurant à 19h, s’indigne Alex et il nous a assignés en justice. On passe devant le tribunal le 16 février."
"Le bruit et l'odeur"
"J’ai demandé à ma compagne : on est quoi, on est des criminels, on a tué quelqu’un, on est où ? On fait juste des crêpes !" Le jeune restaurateur ne comprend pas. "Les tribunaux et les juges, ils ont autre chose à faire ! "
Et il s’indigne : "Si on avait refusé d’écouter le voisin, je pourrais comprendre qu’on en arrive là, mais là, ce n’est pas possible. On se donne tellement de mal pour y arriver et à la fin on nous dit, ça sent trop la crêpe !"
On veut juste travailler sereinement. Si on fait ce métier c’est parce qu’on a envie de faire plaisir aux gens
Alexandre PolgeLa crêperie du pêcheur
"On veut juste travailler sereinement. Si on fait ce métier c’est parce qu’on a envie de faire plaisir aux gens, et là, on s’attaque à notre travail. "
En sortant du cabinet de son avocate, Alex a commencé à rédiger une pétition "pour que les gens sachent" dit -il.
En quelques jours à peine, elle a rassemblé plus de 9 000 signatures. Le jeune couple reçoit des dizaines de messages de soutien. "Nos autres voisins sont avec nous, explique Alex, et là, on a des messages de Bordeaux, de partout, ça fait chaud au coeur'.
Les restaurants, rappelle Alexandre Polge, ont vécu la crise du Covid, la crise du manque de personnel, celle du coût des matières premières, puis celle de l’envolée des prix de l’énergie… "et maintenant nous, en plus, on a l’odeur! " ironise le restaurateur.
Il en appelle à un peu de tolérance "sinon, dit-il, un jour, on aura peut-être aussi des remarques parce que la mer est trop salée ! "