"Toutes les attaques connues sont jouées dans cet exercice en 15 jours". A Vannes, 28 élèves-ingénieurs en cyberdéfense sont immergés en situation réelle: une attaque d'ampleur contre un constructeur automobile qu'ils vont devoir déjouer.
Ces élèves sont la première promotion d'ingénieurs en cyberdéfense, une formation unique en France créée en 2012 à l'École nationale supérieure d'ingénieurs de Bretagne sud (ENSIBS). Une formation en trois ans, en alternance dans des entreprises comme Orange, Thalès ou encore Airbus.
Les 30 élèves admis chaque année le sont après enquête des services de renseignements et tests de personnalité. "Un processus de recrutement totalement unique", selon
le directeur de la formation, Charles Préaux.
Un exercice grandeur nature dans le Cyber security Center
Début février, la première promotion était réunie pour un exercice grandeur nature dans le seul "Cyber security center" de France, situé dans leur école. Répartis en équipes, les élèves sont soumis à un feu nourri. "Là, la crise est assez intense, ils sont attaqués en force depuis ce matin", commente le directeur, tandis que les élèves scrutent les données qui défilent sur leurs écrans. L'un d'entre eux, Sébastien Le Corre, en T-shirt noir "Breizh pirates", fait le point sur les attaques recensées depuis la veille: tentative d'usurpation d'identité sur les réseaux sociaux, perte de contrôle d'un "firewall", blog piraté...
S'entrainer aux attaques
Dans l'équipe chargée des attaques, Maxence Canat, de l'entreprise brestoise Diateam, prépare les prochaines salves. "Notre travail, c'est de mettre des spécialistes de la défense des systèmes informatiques en situation réelle, sous le feu de l'ennemi, pour tester et former à la réponse", explique l'un des fondateurs de Diateam, Guillaume Prigent.
L'entreprise est née en 2002 "sur la base d'un besoin de la DGA (Direction générale de l'armement) qui voulait savoir s'il était possible de reconstituer des réseaux informatiques pour s'entraîner aux attaques", explique-t-il. Aujourd'hui, ils sont 20 salariés et l'entreprise connaît "une croissance de 30% ces dernières années". "En Bretagne, il y a depuis longtemps une forte composante dans le domaine Ntic (Nouvelles technologies de l'information et de la communication, ndlr) et cybersécurité. La question se posait de voir se développer cette force de frappe", relève Paul-André Pincemin, chef de projet du Pôle d'excellence cyber (PEC) en Bretagne
Mise en réseau des compétences civiles et militaires
Ce pôle a été créé en 2014 par le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, redevenu l'an dernier président de la région. Son objectif: mettre en réseau les compétences civiles et militaires bretonnes pour accélérer la recherche et la formation. Et en profiter pour y créer les bases de ce que le ministre a déjà baptisé la "Quatrième armée", celle de la cyberdéfense.
La Bretagne, terre de prédilection pour la cyberdéfense
La Bretagne en est la terre de prédilection: depuis 1968, l'expertise cyber en matière de défense est réalisée à Bruz, près de Rennes, à la DGA maîtrise de l'information. On y compte 320 spécialistes, avec un objectif de plus de 500 en 2019. Depuis, outre l'École des transmissions de Cesson-Sévigné, près de Rennes, d'importants opérateurs civils comme Orange se sont installés dans la région.
Les formations spécialisées s'y multiplient
Pour répondre à leurs besoins, la Bretagne propose de plus en plus de formations très spécialisées. Avant la création du PEC (pôle d'excellence cyber), 2 000 civils et militaires étaient déjà formés ou sensibilisés chaque année à la cybersécurité en Bretagne, note Paul-André Pincemin. Ils sont désormais 3 000 par an, avec un objectif de 3 700 à la rentrée 2017 grâce à la centaine de formations disponibles.
A l'instar du nouveau "Mastère spécialiste en opérations et gestion des crises en cyberdéfense", des Écoles de Saint-Cyr-Coëtquidan. Une formation d'un an pour faire le lien entre techniciens et commandement, "pour l'instant militaire, mais dès l'année prochaine ouverte aux opérateurs d'importance vitale", note le chef de projet du PEC. Face à une "carence majeure en termes de ressources qualifiées", le PEC a pris à bras le corps l'aspect formation, se félicite Guillaume Prigent, un atout non négligeable pour les 70 entreprises qui travaillent dans le secteur sur le territoire breton.