Dans ce 11è album, Stur an avel, Denez Prigent continue sa quête de sonorités nouvelles. Une valse, un tango, des gwerz bien sûr. La participation du rappeur, Oxmo Puccino, de la chanteuse de country, Aziliz Manrow. Ou encore ‘En avel a benn’, invitant à lutter face aux vents contraires.
Stur an avel (le gouvernail du vent), le onzième album de Denez Prigent, sort ce vendredi 16 avril. Plein de belles trouvailles sonores, mélangeant divers univers musicaux comme l’artiste aime tant le faire.
L’album a été remarqué pour son titre "Waltz of life", co-interprétré avec la chanteuse de country Aziliz Manrow et le rappeur Oxmo Puccino.
Mais d’autres morceaux sont à saluer : le tango c’hwernoni (amertume) ou ‘En avel a-benn’ (dans le vent contraire), un texte magnifique en hommage aux peuples opprimés, accompagné du bagad "La Kevrenn Alre".
- Denez Prigent, vous sortez votre 11è album, en quoi est-il différent des précédents ?
Chaque album, c’est une moisson différente qui arrive tous les deux ou trois ans. Entre temps, plein d’événements arrivent. Et j’écoute de la musique, je découvre de nouveaux musiciens. Ça a été le cas pour le trompettiste Youn Kamm, par exemple. J’ai aussi remarqué le Lorientais Jean-Baptiste Henry, qui joue du bandonéon. Je leur ai alors proposé de s’adapter à ma mélodie bretonne.
- C'est important pour vous de chercher toujours de nouveaux sons ?
J’aime introduire de nouveaux instruments. Avant, le chant breton se pratiquait a capella, puis on a introduit des instruments : d’abord la harpe, puis l’accordéon, le violon… Yann Tiersen joue sur deux morceaux : du piano, du violon, de l’accordéon et des ondes Martenot. A chaque fois, les instruments apportent des couleurs supplémentaires. Et ces instruments deviennent petit à petit, eux aussi, bretons.
- Comment se passe votre travail d’écriture ?
J’écris tout le temps. J’ai deux fichiers dans mon ordinateur : d’un côté, des textes, de l’autre des mélodies. Et parfois, quand j’en ressens l’envie, je relis mes textes. S’il y en a un qui me plaît, j’essaie de lui faire correspondre une mélodie. J’ai suffisamment de matière en réserve pour trois ou quatre albums, mais il faut laisser du temps entre deux albums pour ne pas se répéter.
- Comment se passent vos collaborations avec les autres musiciens ?
Le chant est l’axe central de mon travail. Je viens de la gwerz. Donc j’enregistre ma voix a capella et j’envoie le fichier aux musiciens pour qu’ils l’habillent. Ils tissent des habits autour d’un corps, qu'est ma voix. Je ne sais ni lire ni écrire la musique donc je fais tout d’instinct. Et parfois une idée en amène une autre. J’entends l’ajout de trompette et je me dis que du bandonéon irait bien avec...
- Comment vous est venue cette valse, Waltz of life, que vous interprétez avec Aziliz Manrow et Oxmo Puccino ?
La valse n’est pas du tout mon style de prédilection. En regardant une scène de bal dans le film "Orgueils et préjugés", un air de valse m’est venu. C’était un pari pour moi d’interpréter une valse. Alors, j’ai poussé le pari jusqu’au bout en invitant deux autres chanteurs, très éloignés de la valse aussi, à m’accompagner sur le morceau. Aziliz Manrow est une chanteuse de country qui vit en Bretagne. Et Oxmo Puccino est le rappeur bien connu.
- Le clip de cette valse a été tourné tout près de chez vous à Lanvellec, vous pouvez nous en dire plus ?
Oui, il été tourné dans le colombier du château de Rosanbo à Lanvellec. C’est un des plus grands colombiers de Bretagne et il est parfaitement conservé. On l’avait découvert avec mon épouse Stéphanie en nous promenant. C’est magnifique, tout en cercle, avec des niches en quinconce. Tout en haut, il y a un trou comme un œil. On a l’impression d’être à l’intérieur d’un œil. Et c’est rond, ça tourne comme une valse.
- Vous tournez le clip à deux pas de chez vous, vous enregistrez à Plestin les Grèves, à quelques kilomètres. C’est important cet ancrage dans cette partie du Trégor ?
Dans un rayon de 15 kilomètres autour de chez moi, j’ai un vivier de musiciens avec lesquels je travaille. A Plestin, il y a le studio d’enregistrement de Nicolas Rouvière. C’est un excellent ingénieur du son et un excellent sonorisateur car il a une oreille exceptionnelle. C’est rare d’avoir ces deux casquettes. Nicolas sonorise mes concerts depuis des années et j’enregistre mes albums dans son studio. J’en ai déjà enregistré cinq chez lui.
- Dans votre morceau "En avel a benn" (dans le vent contraire), vous écrivez : "Dans le vent contraire, nous germerons. Nous grandirons, nous apprendrons. Dans le vent contraire, nous verdirons, nous bourgeonnerons, nous fleurirons." A quoi faites-vous allusion ?
Je parle des peuples opprimés. Entre autres le peuple breton. La langue est une vision du monde. Si on l’interdit, le peuple disparaît. A un moment, on a interdit à des générations de Bretons de parler leur langue maternelle. C’était puni et honteux. Malgré tout, il faut continuer, se relever dans le vent contraire. A force, on finira par changer le sens du vent.