Éborgné en 2016 par un LBD, Jean-François plaide pour l'interdiction de ces lanceurs de balle de défense

Alors que le Conseil d'État a décidé ce vendredi de maintenir l'usage du lanceur de balle de défense, les réactions se multiplient pour dénoncer ces armes "mutilantes". C'est le cas de Jean-François qui a perdu un oeil en 2016 à Rennes lors des manifestations contre la Loi Travail.


C'est une date, gravée à jamais dans la mémoire de Jean-François Martin : le 28 avril 2016, cet étudiant en géographie a reçu "un choc frontal très brutal" alors qu'il manifestait dans les rues de Rennes contre la Loi Travail. Les médecins lui annoncent la nouvelle le lendemain : le jeune homme ne verra plus jamais de son oeil gauche.

Après trois opérations, il est aujourd'hui soulagé d'avoir "retrouvé un visage normal" grâce à une prothèse qui lui permet de ne plus attirer les regards sur lui. L'enquête, elle, a établi comme "hypothèse la plus probable" l'impact de balle d'un Lanceur de Balle de Défense (LBD 40). 
   

"Peur de perdre l'autre œil"

Aujourd'hui en master 2 de gestion de l'environnement, l'étudiant de 23 ans conduit, fait du sport, voit des amis... Mais quand une voiture de police passe dans la rue il "se cache", avouant avoir "très peur" des forces de l'ordre. Il est retourné manifester, mais toujours "accompagné". "La première chose à laquelle je réfléchis en manif, c'est "comment je peux m'enfuir?"

Depuis mi-novembre, le mouvement des Gilets jaunes remet sur le devant de la scène les LBD dont l'utilisation est très critiquée. 9 200 tirs de ces lanceurs de balle de défense ont eu lieu depuis le début du mouvement, d'après l'AFP. Le journaliste David Dufresne a recensé 17 personnes éborgnées en trois mois : "Cela me rend profondément triste parce que perdre un oeil, même si moi je le vis bien, ça reste pas facile", confie Jean-François Martin, qui a "peur de perdre l'autre oeil"
  

Des armes "nécessaires" ?

Accusés d'avoir gravement blessé plusieurs manifestants, ces LBD ont tout particulièrement été pointés du doigt par la CGT et la Ligue des Droits de l'Homme qui ont déposé un recours auprès du Conseil d'État pour suspendre leur utilisation.

La décision est tombée ce vendredi 1er février : c'est "non". Le Conseil d'Etat a rejeté les demandes de suspension de l'usage du LBD dans les prochaines manifestations de Gilets jaunes, estimant que le risque de violences rendait "nécessaire de permettre aux forces de l'ordre de recourir à ces armes".

Pour Jean-François Martin, sur le plan judiciaire, l'instruction se termine, mais le Parquet n'a pas rendu son réquisitoire définitif. Lui aimerait "voir reconnaître la culpabilité des policiers ou de l'État", mais il ne "s'attend pas à une condamnation, tellement rare dans ce genre d'affaire""Reconnaître qu'il y a eu des actes condamnables parmi la police est une sorte d'aveu impossible pour le gouvernement", dit-il. 

Son avocate ne peut "s'empêcher de faire un parallèle entre la justice "d'abattage" à l'oeuvre pendant le mouvement des Gilets jaunes et le jugement des policiers, même si elle ne conteste pas qu'une information pénale soit "plus longue pour les affaires délicates".

"LBD, grenades GLI-F4... aucune de ces armes "mutilantes" ne devrait être utilisée en France au 21e siècle", estime Jean-François. Il trouve "incroyable qu'il n'y ait aucune remise en question du modèle de maintien de l'ordre", malgré les nombreux blessés, et il plaide pour l'usage des matraques au lieu du dogme du "maintien à distance"

Face à cette polémique autour des LBD, le Ministre de l'Intérieur a demandé a appelé mi-janvier les forces de l'ordre à "l'exemplarité" et à la "transparence". Christophe Castaner avait aussi annoncé que les forces de sécurité utilisant des lanceurs de balles de défense seraient équipées, de caméras-piétons. 
    
 
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