La journaliste Ines Léraud était poursuivie en justice par l'industriel breton Jean Chéritel pour avoir dénoncé ses pratiques managériales et commerciales dans un article publié par Basta! en mars 2019. Une responsable de l'entreprise vient d'annoncer l'abandon des poursuites.
La journaliste Ines Léraud devait comparaître le 28 janvier prochain devant la 17e chambre du tribunal judiciaire de Paris pour diffamation à l'encontre de l'industriel Jean Chéritel. Le grossiste breton de fruits et légumes a annoncé ce vendredi 22 janvier l'abandon des poursuites engagées à son encontre.
"Les poursuites sont abandonnées. On en a fait part à notre avocat, pas parce qu'on pense que ce qui a été dit par Mme Léraud est vrai, il y a énormément de choses fausses, mais on cède devant la pression"
Suite à cette annonce l'avocat de la journaliste, Me Antoine Comte, a déclaré à l'AFP "On se félicite de l'abandon des poursuites, mais nous serons jeudi (28 janvier) au tribunal pour le constater officiellement".
Le comité de soutien de la journaliste qui avait lancé un appel à se rassembler le jour du procès devant les tribunaux de Paris et de Guingamp pourra donc rester au chaud:
Soutien à @ileraud et @Bastamag Le communiqué de presse pic.twitter.com/3wKKn9gCO8
— Daniel Ibanez (@ContactIbanez) January 18, 2021
Une plainte pour diffamation suite à une enquête dénonçant les abus du groupe Chéritel
La journaliste était poursuivie par Chéritel à la suite d'un article publié en mars 2019 par le média en ligne Basta!. Elle y décrivait à travers plusieurs témoignages anonymes de syndicalistes et d'anciens salariés les conditions de travail et les rapports sociaux dans l'entreprise.
Elle y relatait aussi les démêlés de ce grossiste en fruits et légumes avec la justice. En décembre 2018, le groupe Chéritel a été condamné à 261 000 euros d'amende pour avoir fait travailler illégalement des intérimaires bulgares, via une société intermédiaire, jugement dont il a fait appel.
L'entreprise a, depuis, en novembre 2019, été également reconnue coupable par le Tribunal Correctionnel de Saint-Brieuc, de « tromperie » sur l'origine d'un produit, après avoir vendu des tomates étrangères estampillées « origine France ».
Une lettre ouverte de journalistes pour soutenir leur confrère et dénoncer la difficulté d'informer sur l'agro-alimentaire breton
Suite à la plainte et aux diverses pressions et tentatives d'intimidation vécues par Ines Léraud, un collectif de journalistes indépendants avait adressé en mai 2020 une lettre ouverte au président de la région Bretagne Loïg Chesnais-Girard. Dans ce texte les signataires demandaient notamment au Président de garantir une parole et une information libre , de s'engager à maintenir les subventions aux médias associatifs mais aussi de contribuer à la création d'un observatoire régional des libertés de la presse en réponse à la volonté des ministères de l'intérieur et de l'agriculture de créer des observatoires départementaux de l'agribashing. La lettre ouverte avait été signée par plus de 250 journalistes locaux et nationaux.
Ce Jeudi 21 janvier, c'est Reporters sans frontières (RSF) qui dénonçait "le climat de pression et de dénigrement systématiques qui entoure certaines enquêtes journalistiques" sur le secteur agro-industriel breton, appelant la société Chéritel à retirer sa plainte envers Inès Léraud.
Les entraves à la liberté d'informer toujours d'actualité en Bretagne
Si la plainte est retirée les tensions n'ont pas pour autant disparu. Dans un article diffusé le 21 décembre sur Bastamag et intitulé "L’industrie agroalimentaire n’aime (toujours) pas les journalistes qui font leur travail", Ines Léraud relate les pressions, intimidation et entraves que les journalistes continuent de subir quand ils s'intéressent au milieu agro-industriel breton.
En 2019 Ines Léraud avait publié une enquête "Algues vertes, l'histoire interdite", éditée sous forme de BD, par La Revue Dessinée-Delcourt. Une polémique avait éclaté quand le salon du livre de Quintin avait annulé la venue de la journaliste sous la pression d'élus locaux.
Son travail a toutefois été récompensé par un vif succès en Bretagne et bien au-delà de la région puisqu'elle a été vendue à 46 000 exemplaires.