Les épidémies restées dans les mémoires en Bretagne : la peste dans le pays de Quimper

La Bretagne fut touchée par différentes épidémies dans le passé. La littérature populaire et la mémoire collective nous en ont livré des traces. Cela ne fera sans doute relativiser la période angoissante que nous vivons qu’aux sages et aux passionnés d’histoire.

La peste est sans doute la maladie dont les épidémies ont fait le plus de ravages en Bretagne comme ailleurs, notamment au Moyen-Age. On estime qu’un tiers de la population européenne fut décimée.

Mais à l’époque, peu de statistiques ou d’études épidémiologiques précises : si l’on « se souvient » de ces vagues épidémiques, c’est souvent grâce à des personnages devenus des héros ou à des chansons populaires qui ont traversé les âges.
 

Santig Du, un saint anti-pesteux très vénéré


A Quimper, au fond de la cathédrale, sur le fond clair des murs chaulés, une petite statue sombre, celle de Santig Du, le petit saint noir. Jean Discalceat, en breton Yann Divoutou, « Jean sans chaussures » est un jeune orphelin pauvre qui rentre dans les ordres en 1303 et devient ensuite moine franciscain à Quimper. Très dévoué aux pauvres, il vient en aide à la population lors des sièges et des famines des années 1340.
 

Quand la peste arrive à Quimper en 1349, les riches notables fuient la ville pour gagner leurs manoirs à la campagne et peu nombreux sont ceux qui à restent s’occuper des malades. Bernez Rouz, historien spécialiste de la peste en Bretagne.


« Santig Du leur donnait à manger et à boire, ramassait les cadavres dans les rues et organisait leur incinération », nous détaille le Père Claude Caill, curé actuel de Quimper-Saint Corentin, passionné par ce personnage car originaire comme lui de St Vougay dans le Léon.

 


A force de s’occuper des malades et des morts, le moine quimpérois contracte lui-même la peste et en meurt le 15 décembre 1349. Sa tombe devient un lieu de pèlerinage et il est considéré depuis comme un saint en Bretagne, même s’il n’est pas reconnu par le Vatican.

Près de sa statue et de sa relique, une panière reçoit le pain que des anonymes viennent déposer pour les pauvres et les SDF. Un vitrail raconte sa vie. « Santig Du » est le patron des pauvres, fêté le 15 décembre (calendrier des saints bretons).
 

« la peste d’Elliant » : quand la chanson populaire témoigne


La paroisse d’Elliant, près de Quimper, fut particulièrement touchée par la peste. C’est la littérature populaire qui nous l’apprend grâce à une complainte collectée et traduite du breton par Hersart de la Villemarqué au XIXème siècle dans son recueil « le Barzaz Breiz ».

Précédemment transmise oralement de génération en génération à travers les siècles, « La Peste d’Elliant » est l’une des gwerz (complaintes populaires bretonnes) à la puissance évocatrice la plus forte. George Sand la qualifia de « diamant du Barzaz Breiz ».

Extrait (traduit du breton) :
Sur la place publique d’Elliant, on trouverait de l’herbe à faucher,
Hormis dans l’étroite ornière de la charrette
qui conduit les morts en terre.
Dur eut été le cœur qui n’eut pas pleuré au pays d’Elliant,
Quel qu’il fut, en voyant 18 charrettes pleines à la porte du cimetière
Et 18 autres y venir.
Il y avait 9 enfants dans une même maison
Une même charrette les porta en terre
Et leur pauvre mère les traînait
Le père suivait en sifflant, il avait perdu la raison.

De nombreuses variantes de cette complainte existent dans une douzaine de communes de Basse-Bretagne. Cela témoigne sans doute de l’avancée de l’épidémie à travers la contrée.

 


Morale religieuse ou profane


La religion explique que ces épidémies sont dues aux péchés et que la Vierge pourra les arrêter.

La légende raconte par exemple que la Vierge Marie empêcha la Peste de traverser le ruisseau qui sépare Elliant d’Ergué-Gabéric, au gué de Roudoublout. Pour la remercier, les habitants construisirent la chapelle de Kerdévot, en pleine campagne, dans la paroisse épargnée.

Près de la chapelle se trouve un calvaire, construit au XVIème siècle alors que la peste touche à de nombreuses reprises la région de Quimper. Les fûts de chacune des trois croix ne sont pas lisses, les bosselures évoquant les bubons sur la peau des pestiférés. Le calvaire de Kerdévot est considéré comme une "Croix de Peste", à l’instar de celui de Plougastel-Daoulas par exemple.

Mais la complainte de « la Peste d’Elliant » est accompagnée d’une légende qui dit que « c’est en la chantant que l’on fit fuir la peste ». Morale profane qui encourage la tradition du chant populaire en Bretagne. Une tradition très vivace, qui soude les gens. Des chansons très expressives et compassionnelles qui racontent les malheurs et permettent de surmonter les épreuves de la vie.

La culture comme « thérapie de groupe » dirait-on aujourd’hui.

 
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