Le décret est tombé : marchés interdits ! Si l'exemple de Barbès illustre des articles de presse, il ne révèle pas la réalité régionale : des marchés de petites villes en Bretagne sur des places assez vastes pour éviter la contamination. C'est en tout cas l'avis de producteurs et de nombreux maires.
"Il en va de la survie de nos collègues maraîchers". Voilà les mots de Frank Guéhennec, président de la FDSEA 56, pour exhorter les maires à réclamer des dérogations aux préfets afin de maintenir les marchés sur les places des villages en Bretagne.
@FDSEA56 demande aux maires #Morbihan de maintenir les marchés alimentaires. Ils sont indispensables aux nombreuses entreprises agricoles qui pratiquent la #vente_directe et les #marchés!https://t.co/NU9k6PM28L@FrankGuehennec @FranckPellerin @MaLuherne56 @FRSEA_Bretagne pic.twitter.com/dZE0tnTZvx
— FDSEA du Morbihan (@FDSEA56) March 23, 2020
Le décret prévoit en effet que les édiles puissent en faire la demande. La démarche ne sera pas comprise de tous au moment où les médecins invitent à durcir les mesures de confinement, mais la réalité économique est bien là : les paysans qui ne vivent que de la vente directe, ne vivent plus du tout sans les marchés.
Encore préoccupé voici quelques semaines par l'agribashing, aujourd'hui à renfort de hashtag #OnVousNourrit, le monde agricole revendique fièrement travailler chaque jour pour remplir nos cabas. Alors comment faire pour concilier mesures sanitaires et survie économique ?
"Hier il y avait des barrières pour entourer le marché de Carnac, les stands étaient espacés avec un système de circulation à sens unique des clients sans se croiser, affirme Franc Guéhennec. Carnac ou Vannes, c'est pas le marché de Barbès ou des grandes villes."
Morgan Ody, maraîchère, assure elle aussi que toutes les précautions sont prises. "Sur les marchés dans le Pays d'Auray on a mis en place des systèmes de caisses entrantes et sortantes pour que l'argent ne cicule pas d'un consommateur à l'autre quand on rend la monnaie. J'ai aussi supprimé les prix avec une virgule, je ne pratique que des tarifs ronds".
La productrice, également porte-parole à la Confédération Paysanne refuse une différence de traitement avec les supermarchés.
Pour certains clients, faire ses courses en plein air, les rassure également en ce moment, selon Morgan Ody. "J’ai reçu une dizaine d’appels de clients qui à cause du coronavirus ont peur d’aller s'enfermer dans les magasins."S'il peut y avoir des problèmes sur certains marchés, c'est aussi le cas dans certaines grandes surfaces qu’il faudrait alors aussi fermer.
Des maires prennent les devants
"Ce besoin des agriculteurs, je le partage comme bon nombre de mes collègues", indique le maire de Grandchamp et président de l'Association des Maires du Morbihan. "Il n'est pas plus dangereux d’aller dans un marché de plein vent que dans un supermarché". Mais Yves Bleunven ajoute, "il y a un décret ministériel, nous avons donc demandé à chacune des mairies de faire sa demande de dérogation mais avec engagement de respecter des règles".
Et pour éviter le flou, l'Association des Maires du Morbihan s'est rapprochée du préfet pour établir un document de bonne conduite. Un formulaire type pour détailler les précautions incontournables.
Formulaire demande organisation marché asso maires 56
Maires et agriculteurs invoquent le bon sens
Fermer les marchés c'est aussi selon leurs défenseurs, prendre le risque d'augmenter la fréquentation des magasins alors qu'on cherche justement à éviter le contact, en favorisant du même coup la saturation du système. Habituellement, nombre d'habitants de Grandchamp par exemple font leurs achats sur Vannes en se rendant au travail. Avec le confinement ce n'est plus le cas. "Notre supermarché, explique monsieur le Maire, ne fournit d'ordinaire que 30 % de la population de la commune et maintenant c'est 100 % , donc des rayons sont vides. Il faut les marchés pour compenser".
A la Conf' on s'étonne aussi de cette mesure quand le ministre de l'Agriculture vient de demander de maintenir l'activité agricole coûte que coûte.
En attendant, des paysans en vente directe vont détruire toute leur production faute de pouvoir aller la vendre sur les marchés... où nous nous sommes démenés pour mettre en place toutes les mesures de protection sanitaire...
— Confédération Paysanne du Morbihan (@LaConf56) March 24, 2020
Cherchez l'erreur....@ConfPaysanne https://t.co/B0caf5lHrj
Morgan Ody l'assure, "de nombreux paysans en vente directe vont devoir jeter leur production faute de circuit de commercialisation. Et dans le même temps, il y a déjà embouteillage dans les drives des grands magasins". L'antenne morbihannaise du syndicat agricole réclame la création d'une cellule de crise pour améliorer la coordination avec les services de l'Etat.
La Chambre d'Agriculture à la rescousse
La Chambre Régionale d'Agriculture retrousse ses manches pour tenter d'amortir le choc. Un numéro vert est ouvert pour écouter et conseiller les agriculteurs.
[#Covid19 #Agriculteurs] Les conseillers des @ChambagriBzh se mobilisent pour vous informer en continu. Ils sont à votre écoute et répondent à vos questions grâce au numéro Vert? du lundi au vendredi de 8h30 à 12h et de 13h30 à 17h. pic.twitter.com/WDE64d7Dxc
— ChambresAgriBretagne (@ChambagriBzh) March 19, 2020
Déjà 30 à 40 appels par jour selon le directeur régional adjoint Benoît Carteau. "On espère éditer d'ici la fin de la semaine un guide pour aider à mettre en place des points de vente dans le but d'aller vers les consommateurs quand le marché n'est pas possible. Un système de commande avec retrait de panier".
Reste aussi à déterminer le lieu idéal en concertation avec les communes. Là encore, la Chambre jouera les médiateurs. Morgan Ody suggère aussi la livraison de paniers aux personnes âgées, "mais avec des produits locaux".
#Restezchezvous
Maires ou agriculteurs entendent bien suivre ce mot d'ordre. S'ils estiment conciliables tenue des marchés et prudence, ils l'affirment aujourd'hui et maintenant.Yves Bleunven veut être clair. "On est en train de rentrer dans la fameuse vague de pandémie qui va ressembler à l’Italie, si les choses empiraient, mon discours évoluerait alors, et je le redis, on voit encore trop de personnes qui ne respectent pas le confinement."