Dans le monde des abattoirs, il y a les poids lourds souvent liés aux groupes industriels. Et les poids plumes. Ils font valoir leur rôle de proximité au plus près des éleveurs et des consommateurs en demande de traçabilité et de circuits courts.
C'est un petit abattoir qui s'affiche sur le site de financement participatif Leetchi. Celui de Rostrenen dans les Côtes d'Armor. Un abattoir qui emploie 4 salariés. Les abattages se déroulent sur deux jours et sur rendez-vous. Environ 15 bovins, 15 cochons et 20 moutons sont abattus chaque semaine. Cet abattoir de petite taille est endetté. 50 000 euros de dettes héritées du passé, une ardoise lourde à porter pour la nouvelle équipe fraîchement en place. Cette dette menace la pérennité même du site.
Des banques sont prêtes à faire des prêts, la Communauté de Communes du Kreizh Breizh (CCKB) prévoit des investissements pour 2019. Mais l’abattoir a besoin d’un coup de pouce financier. Il manque 20 000 euros pour repartir du bon pied. D’où l’appel lancé sur Leetchi pour interpeller le public : des consommateurs qui donnent ce qu’ils peuvent, 20, 30 ou 40 euros. Les dirigeants de Rostrenen incitent également les usagers de l’abattoir à prendre des parts sociales.
Patrice Méallier n'a pas hésité une seconde. Ce propriétaire de gîtes à Plouguernevel s'est engagé dans le projet alors que, comme il le dit, "ce n'est pas du tout mon rayon. Je connais plusieurs producteurs locaux que je croise sur le marché et je sais l'importance qu'un abattoir comme celui-là a pour eux". Patrice Méallier estime être "rassuré" par la qualité de la viande issue de l'abattoir de Rostrenen. "Ce n'est pas un outil surdimensionné. Et puis en m'investissant dans cet abattoir, je comprends mieux tout le circuit que suit la viande avant d'atterrir dans mon assiette".
Une logique de circuit court
L’abattoir de Rostrenen, propriété de la CCKB, assure une délégation de service public. Sa direction a pris la forme d'une société coopérative (SCIC) qui réunit des éleveurs, des bouchers et des consommateurs. A la tête de cette nouvelle équipe : Camille Bellec, qui est aussi éleveuse de porcs. Le site n'envisage pas de dépasser les 400/450 tonnes par an. Quand les plus gros abattoirs privés de la région peuvent atteindre les 200 000 tonnes par an.
L’objectif de Rostrenen : rester ouvert pour les bouchers de campagne et les éleveurs du coin, d’autant que de plus en plus de producteurs, comme Camille Bellec, pratiquent la vente directe. Ils ont donc besoin de cet outil dans une logique de circuit court. "Les bêtes sont respectées autant à l'abattoir que quand elles sont chez nous, souligne l’éleveuse de porc, il n'y a pas de pression de volumes puisque l’on n'est pas sur des volumes extravagants. Les salariés ne sont pas dans un travail à la chaîne. Ils prennent en charge complètement la bête".
On a vu tellement d'images de mauvais traitements dans les abattoirs qu'on a du mal à faire comprendre que le respect de l'animal peut exister.
Camille Bellec met en avant le souci du respect des animaux, le fait qu'ils n'ont pas à subir le stress de longs trajets dans des camions ni d'attente. Cet abattoir de petite taille est un outil de service public pour les éleveurs du coin. Il veut être un modèle pour les abattoirs de proximité.
D'autres projets à venir en Bretagne
Dans le Morbihan, un abattoir de proximité devrait bientôt voir le jour à Saint-Jean-Brévelay, lui aussi, au plus près des agriculteurs et dans un contexte de développement des filières courtes. "Il y a un besoin sur ce territoire, indique Gaëtan Le Seyec, éleveur, élu à la Chambre d'agriculture du Morbihan et président de l’association pour cet abattoir. Il y a une demande d’éleveurs qui font de la vente directe. Ils sont obligés d’aller loin pour faire abattre leurs bêtes. Les abattoirs de grosses tailles rendaient jusque-là le service, mais les portes se ferment de plus en plus pour les petits volumes".
370 éleveurs ont apporté des parts sociales dans ce projet calibré en société coopérative, comme Rostrenen. Des petits industriels se disent aussi intéressés par ce futur abattoir. "La mention « élevé et abattu sur le territoire » est une garantie de qualité et de confiance" précise Gaëtan Le Seyec. Une étude économique de faisabilité est en cours. L'investissement total avoisinerait les 4,5 millions d'euros. Le bâtiment sans le matériel à l'intérieur devrait être pris en charge par Centre Morbihan Communauté. Les établissements publics de coopération intercommunale du département (EPCI) s'engageraient aussi via une caution solidaire. Les Chambres d'Agriculture et des Métiers, les syndicats agricoles, la fédération de la boucherie sont aussi impliquées dans ce projet. Le volume annuel tournerait autour de 700 tonnes. Outre la partie abattage, il serait doté d'un atelier de découpe et d'un service de stockage de la viande.
Le projet a aussi été pensé pour répondre aux besoins des éleveurs dans un rayon de 40 km, en veillant à ne pas concurrencer d’autres petits abattoirs. "L’idée est de conforter les emplois en agriculture, ajoute le président de l’association pour cet abattoir dans le Morbihan. Il faut continuer à avoir un service public pour la population. Ce retour aux petites structures a du sens. C’est ce que veut le consommateur". D'ailleurs, les habitants du coin sont là encore invités à prendre des parts sociales dans la société coopérative.
Du côté du Finistère, l'ouverture du nouvel abattoir public du Faou est envisagée à l'horizon 2021. Coût du projet : 7 millions d'euros. Il bénéficiera d'un financement Etat-Région-Département, ainsi que de l'aide conséquente d'une majorité des EPCI du Finistère."L'actuel abattoir est devenu obsolète, explique-t-on à la communauté de communes Presqu'île de Crozon-Aulne-Maritime. Ce futur outil sera dimensionné pour 5000 tonnes par an. Il est indispensable pour toute la filière courte en produits carnés. Nous y abattrons des bêtes qui ne sont pas dans les standards des gros abattoirs. Nous ferons du sur-mesure".
Des outils de service public
Dans les Côtes-d'Armor aussi, un nouvel abattoir de proximité devrait ouvrir fin 2020-début 2021 pour remplacer celui en activité à Lannion. Le projet est emmené par la communauté d'agglomération de Lannion-Trégor. L'actuelle structure est vieillissante, centenaire et installée en centre-ville. Le nouvel abattoir multi-espèces, lui, sera construit aux abords de la RN12, sur la zone d'activité de Beg ar C'hra à Plounévez-Moëdec. Capacité: 1800 tonnes par an contre 1200 tonnes aujourd'hui. Une infrastructure qui sera dotée d'un atelier de découpe et d'un atelier de conditionnement.
Coût total : 4,2 millions d'euros. 40% financés par la communauté d'agglomération, 60% par l'Etat, la Région et le Département. Un outil de service public qui sera exploité en "régie", explique Joël Le Jeune, le président de Lannion-Trégor Communauté. Et d'ajouter: "Nous pensons qu'un abattoir local est utile pour notre politique de circuit court, nécessaire pour le lien entre le producteur et le consommateur."