Le 13 octobre dernier le procureur de Brest décide de classer l’affaire sans suite. L'enquête préliminaire menée par la Police Judiciaire de Rennes et révélée par Médiapart fait pourtant apparaître des éléments et des témoignages troublants...
Le 13 octobre dernier le procureur de Brest décide de classer l’affaire sans suite considérant qu’il n’y a pas eu d’infraction au code de la mutualité. Il explique n'avoir constaté ni emploi fictif, ni préjudice relevant de l'abus de confiance ou de l'escroquerie. Concernant un éventuel délit de prise illégale d’intérêt le magistrat invoquait la prescription de l’action publique.
Cette décision n’a pas convaincu tout le monde, en particulier les associations anti-corruption et les journalistes ayant pu consulter le dossier pénal.
C’est le cas de Mathilde Mathieu, journaliste à Médiapart qui dans un article paru le 31 octobre liste les éléments qui sèment le doute.
Des faits et témoignages troublants
Dans l’enquête préliminaire, que Mediapart a pu consulter, apparaissent les retranscriptions de témoignages de collaborateurs de Richard Ferrand déposés devant les policiers en charge de l’enquête.
Quatre personnes sur les douze présentes déclarent avoir été informées
Ainsi un ancien adjoint du patron des députés LREM déclare « Compte tenu de mes fonctions, j’aurais dû être a minima informé de ce montage (…), qui ne répond pas à l’idée que je me fais de la mutualité. » et d’ajouter « Il y a clairement un problème d’éthique »
Richard Ferrand pour sa part affirme n’avoir jamais rien dissimulé. Il explique avoir toujours bien informé le bureau du Conseil d‘Administration que les locaux situés rue Georges Sand, appartenaient à sa compagne et affoirme avipr fait cela avant que le Conseil lui-même ne vote à l’unanimité pour l’offre de Sandrine Doucen, sa compagne.
Pourtant « sur les neuf administrateurs et 3 personnels présents seuls 4 ont confirmé aux enquêteurs avoir été informés de ce « détail »
Parmi ces administrateurs l’un d’entre explique aux policiers « je m’en serais certainement souvenu…ça choque un peu » ; Un autre d’ajouter « j’ai ignoré tout cela jusqu’à la parution d‘articles de presse ».
Dans sa déclaration, le Président des mutuelles de Bretagne de l’époque, Michel Buriens, dit lui aussi l’« avoir appris incidemment lors d’une discussion informelle, fin 2013 ou début 2014 », soit deux ans après la signature du bail chez le notaire.
Le 1er juillet 2011 Michel Buriens est donc allé signer le bail chez le notaire des Mutuelles en compagnie de Richard Ferrand mais n’a jamais croisé Madame Doucen, qui a également signé ce jour-là l’acte définitif d’achat !
Quant à l’ex-commissaire aux comptes des Mutuelles il déclare sur le Procès-verbal « Si j’avais été informé de cela, il va de soi que j’aurais regardé plus profondément la doctrine. »
L’implication de Richard Ferrand dans l’acquisition de l’immeuble
o Richard Ferrand visite l’immeuble à l’automne 2010, pas sa compagne
Face aux policiers Sandrine Doucet a déclaré qu’elle n‘avait jamais visité le bien d’avant de l’acheter… contrairement à Richard Ferrand qui lui a reconnu avoir visité l’immeuble dès l’automne 2010 avec son adjointe et un technicien. Il n’aurait découvert que plus tard qu’une amie notaire de sa compagne avait suggéré à cette dernière d’acquérir ce bien.o Richard Ferrand signe le compromis pour sa compagne
En décembre 2010, c’est aussi R.Ferrand qui signe le compromis de vente pour sa compagne. Il explique aux policiers que « [La notaire] m’a appelé car ma compagne n’était pas disponible" et d’ajouter « Je trouvais l’opération un peu étrange ».o Le contrat d’achat conditionné à la « conclusion d’un bail commercial » entre sa SCI et les Mutuelles de Bretagne…
Autre détail intéressant, dans ce compromis apparait une clause suspensive qui conditionnait l’achat définitif à la « conclusion d’un bail commercial » entre sa SCI et les Mutuelles de Bretagne…o R.Ferrand négocie directement l’emprunt immobilier
Un mois après la signature du bail de location par les Mutuelles de Bretagne, Richard Ferrand a négocié en personne avec le Crédit Agricole l’emprunt de 375 000 euros nécessaires à sa compagne. Le banquier a confirmé aux policiers « J’ai toujours eu affaire, soit physiquement soit au téléphone, à M. Richard Ferrand »Malgré tous ces éléments le procureur de Brest a estimé qu’aucune infraction n’était suffisamment caractérisée. Quant au délit de prise illégal d’intérêt Philippe Récappé a estimé que « l’analyse des éléments et la jurisprudence ne permettaient pas de conclure avec certitude ». Et d'ajouter que le délai de prescription étant dépassé il n’y aurait pas de juge d’instruction désigné…
Les associations anticorruption envisagent de nouvelles plaintes
Les associations anticorruption Anticor et FRICC estiment, pour leur part, qu’il y a bien eu prise illégale d’intérêt pour l’un et infraction au Code de la mutualité pour l’autre.
Plusieurs adhérents des Mutuelles de Bretagne envisagent également de se porter partie civile.
De nouvelles plaintes pourraient donc bien atterrir sur le bureau du magistrat de Brest d’ici peu.
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