Le parquet de Brest a décidé ce vendredi de classer sans suite l'affaire Ferrand et des Mutuelles de Bretagne, suite à l'enquête préliminaire menée par la direction interrégionale de police judiciaire de Rennes.
Selon le parquet de Brest, aucune infraction au code de la mutualité n'a été établie, suite à l'enquête préliminaire. Cette enquête devait vérifier l'existence d'une infraction pénale en matière d'atteinte aux biens, de manquement au devoir de probité et aux règles spécifiques du code de la mutualité.
L'enquête n'a pas relevé d'emplois fictifs
Quant à d'éventuels emplois fictifs, "l'enquête a établi le caractère réel des prestations et activités de Richard Ferrand", directeur général des Mutuelles et de sa compagne Sandrine Doucen, qui a travaillé pour les Mutuelles en qualité d'avocate.
L'abus de confiance n'est pas constitué
Concernant la location d'un immeuble, "les infractions d'abus de confiance et d'escroquerie ne sont pas constituées, faute d'un préjudice avéré". L'immeuble en question répondait aux exigences des Mutuelles et était manifestement "conforme à leur intérêt et à leur politique immobilière habituelle". Le montant du loyer et les investissements correspondaient également aux prix du marché.
Prescription pour une éventuelle prise illégale d'intérêt
Selon le parquet de Brest, la question d'une prise illégale d'intérêt "est apparue plus complexe". Une infraction qui nécessite que l'auteur soit chargé d'une mission de service public et qu'elle soit chargée de la surveillance ou du paiement d'une opération dans laquelle elle prend, reçoit ou conserve un intérêt. Mais l'enquête n'a pu conclure avec certitude que les Mutuelles de Bretagne remplissent une mission de service public au sens du droit pénal. Le parquet de Brest sur cette question aurait toutefois pu ouvrir une information judiciaire, mais cette question était prescrite, depuis le 19 juin 2015.
Le procureur de Brest classe sans suite l’enquête visant Richard Ferrand dans l’affaire des Mutuelles de Bretagne.
Richard Ferrand, député finistérien, chef de file des députés La République en Marche, était visait par une enquête préliminaire depuis le mois de juin. /
Intervenant : Richard Ferrand, chef de file des députés La République en Marche
Les détails d'une affaire aux multiples rebondissements
Dans cette affaire, révélée par le Canard Enchaîné le 24 mai dernier, Richard Ferrand, 55 ans, allié de la première heure d'Emmanuel Macron, est soupçonné d'avoir favorisé sa compagne, l'avocate Sandrine Doucen, à l'époque où il était directeur général (1998-2012) des Mutuelles de Bretagne et élu local PS.L'hebdomadaire raconte comment les Mutuelles de Bretagne, dont Richard Ferrand était alors le directeur général, avaient souhaité louer des locaux commerciaux à Brest pour ouvrir un centre de soins. L'entreprise avait choisi, entre trois propositions, celle d'une société immobilière appartenant à la compagne du ministre. En plus de bénéficier d'une rénovation complète des locaux par la mutuelle pour 184.000 euros, la SCI a vu la valeur de ses parts "multipliée par 3 000" six ans plus tard, selon le Canard.
L'élu finistérien rétorque qu'il s'agissait de "la meilleure offre". Il précise juste à propos du bref emploi de son fils comme collaborateur parlementaire : "Si c'était à refaire, je ne le referais pas".
- Le 24 mai, une source proche du dossier fait savoir que le parquet national financier (PNF) n'est pas compétent "à ce stade" pour ouvrir une enquête. Le 26, le parquet de Brest annonce qu'"en l'état, aucun des faits relatés n'est susceptible de relever d'une ou plusieurs qualifications pénales permettant d'ouvrir une enquête préliminaire". Le Premier ministre Edouard Philippe affiche sa confiance envers Richard Ferrand et érige les électeurs de sa circonscription de Carhaix-Plouguer, en "juges de paix", tout ministre battu aux législatives devant démissionner.
- Le 29, les Mutuelles de Bretagne assurent que Richard Ferrand a agi en "parfaite conformité avec les mandats tenus par le conseil d'administration". Mais, le même jour, Le Parisien publie le témoignage d'un ancien bâtonnier de Brest évoquant un "enfumage" dans cette affaire.
- Le 30, le journal Le Monde assure que M. Ferrand "a fait bénéficier de plusieurs contrats des proches, dont son ex-femme et sa compagne". Le ministre "réfute" tout mélange des genres et M. Philippe lui renouvelle sa "confiance". La droite et la gauche estiment que le ministre doit démissionner, comme une large majorité de Français selon un sondage Harris Interactive.
- Le 31 mai, Richard Ferrand assure être "un homme honnête" tandis que le président Macron appelle le gouvernement à la "solidarité" et estime que la presse ne doit "pas devenir juge".
- Le 1er juin, le procureur de la République de Brest annonce l'ouverture d'une enquête préliminaire. L'association anticorruption Anticor adresse de son côté au parquet de Brest une plainte contre X sur le fondement du délit d'abus de confiance.
- Le 6 juin, les Mutuelles de Bretagne sont perquisitionnées.
- Le 19 juin, au lendemain de sa réélection comme député du Finistère, Richard Ferrand se voit demander par le président Macron de quitter le gouvernement à la faveur du remaniement pour "briguer la présidence du groupe" parlementaire La République en marche. Il obtient ce poste le 24 juin.
- Le 27 juin, le Canard affirme que Richard Ferrand a embauché en 2000 sa compagne, alors étudiante et âgée de 25 ans, aux Mutuelles de Bretagne pour deux emplois, dont celui de directrice du personnel. L'entourage de M. Ferrand conteste toute illégalité.
- Le 7 juillet, le chef de file de LREM est interrogé par la police à Rennes, dans l'enquête préliminaire ouverte par le parquet de Brest.
- Le 27 juillet, le parquet juge nécessaires "des investigations complémentaires" et indique qu'une "décision sera prise après l'été".
- Le 13 octobre, le parquet classe l'enquête sans suite en invoquant notamment la prescription de l'action publique s'agissant d'un éventuel délit de prise illégale d'intérêts. "Les infractions d'abus de confiance et d'escroquerie" ne sont elles "pas constituées, faute d'un préjudice avéré".