Au large de la presqu'île de Crozon, le Frétois est une silhouette familière. Ce cotre, construit en 1934 par le chantier Tertu, fait le bonheur d'Alain Sévellec. L'homme est un amoureux des vieux bateaux et a même, avec d'autres passionnés, lancé des fêtes nautiques à Camaret. La prochaine édition se déroulera du 16 au 18 août 2024.
L'appellation vieux gréement ne lui plaît qu'à moitié. Alain Sévellec lui préfère celle de bateau traditionnel. Le sien a 90 ans, "construit en 1934 au chantier Tertu" dit fièrement le président de l'association Voiles de Camaret. Son cotre, il le bichonne et navigue dessus depuis l'âge de 18 ans.
Le Frétois est une silhouette familière de la rade de Brest. Sa grand-voile claque au vent, comme au bon vieux temps d'Auguste Tertu, ce charpentier de marine de Rostellec qui a conçu des bateaux de pêche et de plaisance et fut également un fin régatier. "Un Tertu, ça se reconnaît au premier coup d'œil, sourit Alain Sévellec. Coque trapue, flanc très rond et large, une ligne d'eau qui remonte bien. Auguste disait : 'si on perd sa casquette dans l'eau, il ne faut pas pouvoir la rattraper. Le bateau avance, tant pis pour la casquette".
4 ans dans le jardin
La casquette de cet amoureux de la mer reste bien arrimée lorsqu'il navigue sur son voilier en bois de 6m80. Au large, Alain Sévellec passe dans une autre dimension. Il est seul au monde, avec son petit Frétois "qui a un sacré caractère".
Lorsqu'il part en régate, il est plutôt du genre à réduire la toile. "Je n'ai pas envie que mon bateau souffre", glisse celui qui a retapé le cotre lui-même il y a trente ans. "Je n'avais pas les moyens de payer tous les travaux alors je m'y suis mis", dit-il.
Le voilier est resté quatre ans dans son jardin, le temps de restaurer le pont et la cabine. Il apprend à manier la scie à ruban et la raboteuse, se découvre une passion pour le bois, glane quelques conseils et le coup de main d'un charpentier si le travail devient trop ardu. "Ce bateau m'a tout appris, confie Alain Sévellec. Je me suis débrouillé pour le mater quand j'étais jeune, pour le mettre à l'eau, pour repérer tous les cordages".
Fête nautique à Camaret
L'homme a hérité du pied marin de son père, un pêcheur de langoustes avec lequel il partait pendant les vacances scolaires. "Comme je ne suis pas devenu pêcheur, j'ai trouvé un autre moyen pour être sur un bateau car j'en ai besoin" explique-t-il.
Sa vie professionnelle, qui l'a mené à l'étranger, ne s'est jamais déroulée loin de la mer. "Tant qu'elle était là, je m'y plaisais" souffle le président des Voiles de Camaret qui, à son retour au pays au moment de la retraite, s'est dit qu'il fallait remettre de la vie dans le port de son enfance. Alors, avec d'autres, il a créé l'association et une fête nautique qui a lieu tous les deux ans. "Mon rêve, c'est de faire revenir ici, à Camaret, les bateaux qui ont été fabriqués au chantier Tertu ou de Keraudren, relate-t-il. Si on a monté cet événement, c'est parce que l'on se sentait orphelins des grandes fêtes de bateaux traditionnels. Le renouveau est arrivé grâce aux cotres que leurs propriétaires ont eu à cœur de faire naviguer".
La prochaine édition des Voiles de Camaret débutera ce vendredi 16 août 2024 avec, au programme durant trois jours, parades, initiation à la godille, balades sur l'eau, musique et danses bretonnes.
Alain Sévellec rayonne. Il est prêt, comme à chaque fois. Son Frétois l'est aussi. Auguste Tertu savait que le voilier aurait une longue vie entre les mains de ce passionné qui, chaque hiver, prend bien soin de le mettre au sec, sous une bâche. Dans dix ans, il sera centenaire.