À 2500 m de profondeurs, en plein cœur du Pacifique, cinq sources hydrothermales, des sources d'eau extrêmement chaudes ont été découvertes par une équipe de chercheurs. Parmi eux, Thibaut Barreyre, géophysicien marin du CNRS au laboratoire Geo-Ocean à Plouzané près de Brest. Une découverte qui va aider les chercheurs à mieux comprendre les processus qui permettent à la vie de se développer dans les abysses, au fin fond de nos océans et bien au-delà.
Elles mesurent plus de 11 mètres de haut, rejettent des fluides à plus de 300 °C et sont situées à 2 500 m de profondeur, à proximité de la dorsale océanique, une immense chaîne de volcans sous-marins qui traverse tous les océans.
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Ces étonnantes structures géologiques, ce sont des sources hydrothermales. "Il faut imaginer des sortes de très hautes cheminées, de plus de 5 m de diamètre et sur lesquelles on a plusieurs petits évents qui crachent une sorte de fumée noire, en réalité de l'eau chargée en métaux et minéraux", explique Thibaut Barreyre, géophysicien marin du CNRS au laboratoire Geo-Ocean, une unité de recherche commune au CNRS, à l'Ifremer, l'UBO et l'UBS.
Les premières sources chaudes découvertes en 1979
Le jeune chercheur rentre tout juste d'une mission de recherche internationale de plusieurs semaines en mer au cours de laquelle il a justement découvert cinq nouvelles sources hydrothermales, à l'est du Pacifique.
Depuis 30 ans, la zone est l'objet de nombreuses recherches. "On est là-bas parce qu'on attend une grosse éruption volcanique sous-marine. On sait qu'elle arrivera dans les prochaines années. On veut étudier son impact au fond de l'eau."
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C'est aussi là que les premières sources hydrothermales ont été identifiées en 1979, "ça a peut-être été l'une des plus grandes découvertes biologiques du siècle dernier", assure le physicien.
Parce qu'à l'époque, on pense qu'à ces profondeurs extrêmes, la vie est impossible : trop de pression et d'obscurité pour qu'elle puisse se développer.
"On était habitué à avoir un cycle d'énergie basé sur la lumière du soleil, la photosynthèse, relate le chercheur. Mais à proximité de ces sources d'eau chaudes, dans le noir complet, on a des individus, des bactéries, qui vont synthétiser de l'énergie à partir d'éléments chimiques", des éléments émis par ces sources hydrothermales. Cela s'appelle la chimiosynthèse.
Le tout dans un environnement particulièrement hostile avec des variations de températures extrêmes entre le milieu à 1 ou 2 ° et les fluides rejetés à plus de 350 °C et le plus souvent toxique. "Et pourtant la vie qui s'y développe est très variée, semble encore s'étonner Thibaut Barreyre. Tout autours de ces structures de chaleur, vont se développer des écosystèmes : Une chaine qui part de la petite bactérie qui va convertir cette chaleur et ces éléments chimiques en énergie, jusqu'au plus gros poisson qui s'en nourrit."
Des écosystèmes encore méconnus : "On découvre des nouvelles espèces presque à chaque plongée", assure Thibaut Barreyre. Pendant ces dernières semaines de missions, c'est grâce à l'Alvin, le sous-marin de recherche américain, qu'il a pu approcher les sources hydrothermales et leurs drôles d'habitant. Un submersible qui peut embarquer deux chercheurs et un pilote.
"Chacun étudie un bout du puzzle". Les biologistes étudient la vie, "comment elle se construit, comment elle s'adapte", les chimistes analysent la composition de ces fluides chargés en minéraux et métaux, "qui ressemblent à ceux qui viennent du centre de la Terre".
Les sources hydrothermales extraient énormément de chaleur de la Terre.
Thibaut BarreyreGéophysicien marin du CNRS au laboratoire Geo-Ocean
Et les physiciens, comme Thibaut, évaluent les transferts d'énergie : "Il faut savoir que la Terre est une planète chaude dans un espace froid infini, donc elle se refroidit. Ces systèmes que sont les sources hydrothermales, extraient énormément de chaleur de la Terre, c'est vraiment un transfert d'énergie important entre l'intérieur de notre planète et les enveloppes superficielles. C'est cette énergie-là qui est la base de tous les écosystèmes ensuite."
De là à imaginer trouver une réponse à l'origine de la vie : "Ces vies primitives, basées sur l'énergie chimique, c'est ce qu'on imagine pouvoir être la première forme de vie sur Terre. C'est aussi le type de vies qu'on imagine quand on parle de vie extra-terrestre, des vies qui existent sans la lumière du soleil", souligne le chercheur.
Les plus grands mystères de la vie se cachent peut-être dans les grandes profondeurs de nos océans.