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VIDEO. Exploration des abysses: la recherche face à la pression industrielle

Malgré le froid et l'obscurité, les grands fonds marins abritent une grande diversité d’espèces mal connues voire inconnues des scientifiques. Ces abysses abritent aussi de vastes ressources qui intéressent l'industrie. Mais les chercheurs mettent en garde sur l'impact environnemental qu'occasionnerait leur exploitation. Ils demandent du temps pour mieux connaître ce monde mystérieux.

La France a le deuxième plus grand domaine maritime au monde. La gestion de ses fonds marins est attribuée à l'IFREMER, l'institut français de recherche pour l'exploitation de la mer.

L'institut a lancé son deuxième programme de recherche des abysses, le " Hermine II".

Durant sept semaines, plusieurs scientifiques ont collaboré pour étudier ces plaines sous-marines en eaux très profondes afin de mieux les protéger. L'équipage a notamment plongé dans les eaux de Pointe à Pitre, le long de la plus grande dorsale volcanique.

45 jours pour sonder 800 Km de profondeurs

Mais, ils ne sont pas les seuls à s'intéresser à ce monde encore mal connu. Cet univers des grandes profondeurs recelle en effet quelques richesses que l'on appelle "nodules polymétalliques" ou "sulfures hydrothermaux". En clair, des ressources composées de plusieurs métaux comme le cuivre, l'or, l'argent, le zinc, le nickel ou le cobalt que de grands groupes industriels aimeraient exploiter depuis les années 60. Mais l'impact d'une exploitation à grande échelle n'est pas évalué. Les biologistes de la mission "Hermines II" tirent la sonnette d'alarme.

80 % des océans de la planète sont un mystère total

En raison d'une combinaison d'eaux incroyablement profondes, d'une pression immense et d'un manque de lumière solaire, la grande majorité des océans reste inexplorée.

Pour l'instant nos connaissances scientifiques nous font dire que l'on n'est pas près d'exploiter, car la chimie environnante et la faune sont encore trop peu connues.

Ewan Pelleter, géologue des mers

" Plus de 80 % des océans sur terre sont un mystère total. L'évaluation scientifique prend beaucoup de temps. Nous avons besoin de plus de recherches pour lutter contre l'impact sur du changement climatique" précise Ewan Pelleter, Géologue de l'IFREMER. 

Géolocaliser les sources hydrothermales

Cécile Cathalot est bio géochimiste de l'institut IFREMER. À bord, elle collecte des échantillons d'eau des différentes profondeurs pour repérer certains éléments comme le méthane ou le manganèse, indicateurs fiables de sources hydrothermales. Analysés directement sur le " laboratoire des mers, les échantillons permettent de géolocaliser plus précisément les cheminées hydrothermales" indique-t-elle. 

Le temps est limité à bord donc chaque minute compte

Cécile Cathalot, bio géochimiste

Cartographier les abysses

Le sous-marin intelligent "Ulyx" est le seul engin autonome de la flotte océanique française, conçu pour atteindre les 6 000 mètres de profondeurs. Il scanne, photographie et cartographie les grands fonds.

C'est un atout majeur pour les chercheurs - plongeurs, car il fournit des cartes très précises pour orienter les plongées. 

Plonger jusqu'aux recoins les plus sombres des abysses

Quand les cheminées thermales sont repérées, les plongées avec le sous-marin " le Nautile" peuvent débuter.  Vingt-deux plongées ont été programmées pour cette mission, à 3 500 mètres sous les eaux. Le sous-marin jaune est le seul en Europe à pouvoir embarquer des chercheurs jusqu'aux recoins les plus sombres des abysses. 

Des bactéries près des sources chaudes

Marie-Anne Cambon, chercheure en microbiologie de l'IFREMER, étudie la faune. Elle s'intéresse particulièrement à la crevette hydrothermale. Découvertes en 1986, ces petites bêtes vivent dans les grands fonds et se développent grâce aux bactéries qui s'imprègnent dans leur carapace. Se nourrissant des sources de chaleur, les crevettes bénéficient d'un garde mangé permanent.

On soulève l'océan et on va voir ce qui s'y passe. Il est temps de découvrir les sociétés qui y habitent. Ça fait partie de la planète.

Marie-Anne Cambon, chercheure en microbiologie

Les plantes en surface produisent de la photosynthèse grâce à la lumière. À 3 600 mètres des fonds marins, les crevettes, elles, se nourrissent de la chimiosynthèse. 

 

5 ans d'analyses pour la mission Hermine II

Il faudra cinq ans de travail pour valoriser les analyses récoltées par l'équipe de la mission "Hermine II".  

"À chaque fois qu'on découvre les marins profonds, on peut comprendre l'origine de la vie et son fonctionnement" indique la chercheuse Marie-Anne Cambon "Cette faune fait partie de la chaine alimentaire et du développement de la planète. Dans l'histoire de la science, c'est très récent. Nous avons encore plus de questions que de réponses".

Mais ce temps de la recherche est primordial. Toutes ces informations acquises sont indispensables pour évaluer les risques de l'exploitation des richesses abyssales tant convoitées par l'Homme.

Les abysses sont un espace commun. Aucune autorisation d'exploiter n'est encore donnée

Marie-Anne Cambon, chercheure en microbiologie

La protection de l’océan

L'accord du traité de la protection des océans, signé en mars 2023, par les Nations Unies, constitue une étape historique dans la protection de l’océan. Il vise à combler un vide juridique dans la protection des zones marines situées au-delà des juridictions nationales. Mais les recherches doivent continuer pour lutter contre une exploitation industrielle qui pourrait s'avérer destructrice. 

Un documentaire " Abysses, dernière frontière" de Stéphane Huonnic et Julien Voigt à voir dès maintenant sur francetv.fr ou sur France 3 Bretagne, le jeudi 11 mai à 22 h 50, suivi d'un débat "la Bretagne à la pointe de la recherche océanographique".

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