Le dispositif 2S2C (sport, santé, culture, civisme) consiste à proposer des activités aux enfants qui ne peuvent être accueillis en classe à cause du protocole sanitaire. A Brest, enseignants, collectivités, associations se mobilisent pour qu'il ne soit déployé que de façon exceptionnelle.
Le ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse vient de mettre en place un nouveau dispositif "Sport, santé, culture, civisme" dit dispositif 2S2C. Une façon selon lui "d’offrir aux élèves des activités éducatives sur le temps scolaire, pour compléter le travail en classe et/ou à la maison".
En clair, cela concerne les enfants qui ont choisi de retourner à l'école mais qui ne peuvent y être accueillis toute la semaine, autant dire beaucoup d'entre eux. En alternance avec les jours d'école, le principe du 2S2C est qu'ils puissent faire des activités, encadrés par des animateurs, dans des équipements communaux (maisons de quartiers, gymnases, etc.) Mais là encore, normes sanitaires oblige, et faute d'équipements ou de personnels, tout le monde ne peut y avoir accès.
Proposer aux élèves des activités pendant le temps scolaire, complémentaires des apprentissages. Le dispositif éducatif et ludique #2S2C (Sport Santé Culture Civisme) : qu'est-ce que c'est ?
— Ministère de l'Éducation nationale et Jeunesse (@education_gouv) June 4, 2020
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200 communes ont déjà signé des conventions avec l'Education nationale pour mettre en place ce dispositif. C'est le cas de la ville de Brest, qui a toutefois émis ses conditions.
A l'initiative de la ligue de l'enseignement du Finistère, le maire de Brest, les élus locaux ainsi que les syndicats, les associations et les enseignants ont publié une tribune. Pour une fois, tous sont unanimes, ils se mobilisent pour un "renouveau du service public d'éducation". Les signataires alertent sur les risques d'une dérégulation de l'enseignement des activités culturelles et sportives.
Enseigner, c'est un métier
Gwénola Agaësse est professeure d'arts plastiques au collège de Pen ar C'Hleuz à Brest. Sidérée d'avoir découvert dans la presse ce nouveau projet, "on découvre qu'on va être responsables d'animateurs, mais qui sont-ils ? On ne connait ni les compétences ni les diplômes de ces gens-là".
Gwénola encadre également des classes aménagées d'arts plastiques. En plus des heures de cours en classe, l'enseignante amène ses élèves voir des expositions à la Passerelle, le centre d'art contemporain de Brest ou encore aux Beaux-Arts. Avec ce nouveau dispositif, quelle qualité d'enseignement sera dispensée ?
Plutôt que d'ouvrir l'art, on est plutôt en train de le réduire.
Un nouveau dispositif qui n'est pas sans rappeler celui des Tap (les temps d'activités périscolaires). Gwenola Agaësse se souvient : "lorsque les Tap ont été mis en place, d'un seul coup, cela remplaçait le travail des enseignants". Les animateurs sont souvent titulaires d'un Bafa, or "ce n''est pas un bafa qui va donner à l'animateur les compétences pour ouvrir le champ des possibles et des pratiques aux enfants. Enseigner, c'est une culture, c'est un métier" se défend-elle.
A quoi servirait de passer un Capes si un animateur fait notre travail ?
Même inquiétudes pour les professeurs d'éducation physique et sportive. Dans une tribune publiée sur le café pédagogique, les enseignants d'EPS se sentent aussi menacés d'un retour en arrière. "De par leurs formations et leurs polyvalences, les enseignants d’EPS permettent la diffusion d’une culture sportive éclectique à des publics qui n’y aurait jamais eu accès (escalade, natation, arts du cirque, etc.) et de répondre ainsi à l’objectif d’ "égalité" républicaine" témoignent-ils.
Pas question de prolonger ce dispositif jusqu'en septembre
Pour Yannick Hervé, secrétaire général de la ligue de l'enseignement 29, "les associations ou collectivités sont mises à contribution mais cela ne peut être que dans un temps contraint. A contexte exceptionnel, organisation exceptionnelle".
L'école doit retrouver dès la rentrée sa mission d'accueil de tous les enfants
Difficile en effet d'accueillir autant d'enfants souhaités dans les écoles avec les mesures de protection en vigueur aujourd'hui. Dans ce contexte, l'initiative 2S2C s'avère positive à condition qu'elle ne dure pas. A terme, les signataires de la tribune craignent que "ce dispositif exceptionnel serve de galop d'essai pour dévitaliser l'école de ses missions à des fins extérieures".
Emilie Kuchel, adjointe au Maire de Brest chargée de la politique éducative locale, également signataire de la tribune, défend aussi l'accès à l'école pour tous, tous les jours. Or, aujourd'hui, avec les normes sanitaires, les écoles de Brest sont loin de pouvoir satisfaire toutes les demandes. Certains établissements ne peuvent proposer qu'une seule journée par semaine. "Le dispositif 2S2C ne pourra jamais être réalisé car là aussi il exige seulement 15 enfants par jour".
Ce n'est pas le rôle des collectivités locales
La ville de Brest a cependant accepté de mettre en place ce dispositif momentanément, dans ce moment exceptionnel afin d'accompagner ce nouveau protocole. "En soutien aux familles, on veut être présents pour cette période de déconfinement mais en septembre, à l'Education Nationale de trouver un nouveau système."
D'autant que ce dispositif a un coût pour les collectivités locales. Emilie Kuchel a fait ses comptes. "On estime à 200 000 € le coût mensuel d'un tel dispositif pour 600 enfants, donc on ne pourra pas faire ça à l'année".