L'incroyable record de Thomas Coville doit autant à la technologie de pointe dont bénéficie son maxi-trimaran qu'aux ressources dans lesquelles le skipper a dû puiser pour le manoeuvrer.
Plus grand, plus puissant
Avec trente-et-un mètres de long, vingt-et-un mètres de large et un mât de trente-cinq mètres de haut, Sodebo appartient à la catégorie des "Ultime", aux mensurations et à la puissance de titans.
"Il a été conçu pour ce record avec toute la nouvelle technologie. Il est 10 à 15% plus rapide que mon ancien bateau", avait expliqué Coville avant de prendre le départ le 6 novembre.
Le bateau est l'ex-Geronimo de Olivier de Kersauson, sorti des chantiers en 2001 pour réaliser des records en équipage. Mais il a été complètement revisité en 2013 et 2014 pour être tenu par un seul homme.
Il a été allégé de 6 tonnes avec une coque centrale diminuée à 31 mètres (34 dans la version d'origine). Et la largeur est montée à 21 mètres (pour une limite fixée à 22 m), afin d'optimiser le rapport longueur-largeur, gage de puissance.
"On s'est aperçu au fur et à mesure des différentes tentatives qu'il fallait un bateau plus puissant. Là, les 21 m de large le rendaient potentiellement plus rapide. Et Thomas a gagné en vitesse de pointe et en vitesse moyenne, où il était de 2 à 3 noeuds (3,7 à 5,5 km/h) supérieur par rapport au précédent bateau", explique à l'AFP Thierry Brient, qui a accompagné Coville pour ses 5 tentatives, depuis la cellule routage.
Durant son périple, Coville a fait 25,6 noeuds (46,3 km/h) de moyenne avec des pointes au delà de 45 noeuds (83,3 km/h).
Merveille de technologie
Le multicoque est équipé de foils, appendices latéraux qui le soulèvent à l'avant pour limiter le frottement de l'eau. Ce n'est pas une nouveauté sur ce bateau mais en revanche, pour cette 5e tentative, ils ont été rendus plus souples d'utilisation et donc plus performants.
L'innovation réside sur les plans porteurs au safran (la partie immergée du gouvernail). Comme le foil soulève le bateau à l'avant, le plan porteur agit comme un point d'appui à l'arrière du bateau qui permet de mieux le contrôler et de le stabiliser à vive allure.
Le facteur humain
Un tel engin est éprouvant et difficile à manoeuvrer. Il faut dépasser ses limites pour dompter l'animal, seul et sans beaucoup de sommeil.
"Il faut tenir la cadence en solitaire dans ces bateaux-là ! Il faut être très bon marin, et c'est là où Thomas est très fort", s'extasie la navigatrice britannique Samantha Davies, qui a testé une fois le Sodebo Ultim'. "C'est un bateau très physique, je ne pourrais pas le manoeuvrer seule. Le tour du monde en solitaire, ça restera un rêve pour moi!"
Samantha Davies a participé à ce rêve, même à distance: elle fait partie de l'équipe de routeurs qui a aidé Coville à tracer sa trajectoire en fonction des prévisions météo.
Reportage : S.Izad, M.Thiebaud et T.Descamp avec Jean-Luc Nélias (Routeur pour Sodébo) et Thomas Coville à bord de Sodebo, joint par satellite.
Au-delà des seules ressources physiques, Coville a travaillé l'aspect psychologique avec des techniques de préparation mentale. "Pour trouver mon rêve, j'ai dû aller chercher le petit garçon que j'étais", a-t-il expliqué lundi à son arrivée à Brest.
Jusqu'où iront-ils?
169 jours (avec escales) pour Alain Colas en 1973-74, le premier à boucler un tour du monde sur un trimaran. 72 jours 22 heures 54 minutes 22 secondes pour Francis Joyon en 2004, le premier à le faire sans escale sur un
trimaran. 49 jours, 3 heures, 7 minutes et 38 secondes dimanche pour Coville. La barre continuera-t-elle à être abaissée?
"Depuis quelques années, nos bateaux vont de plus en plus vite; dès qu'il y a un peu de vent, on va plus vite que les vagues", indique François Gabart, qui s'attaquera au record de Coville à l'hiver 2017 sur Macif, trimaran de 30 m mis à l'eau en août 2015.
En 2012-13, Gabart avait remporté le Vendée Globe, course autour du monde en solitaire et sans escale qui se dispute sur des monocoques.
"J'ai hâte de refaire un tour du monde mais cette fois sur les plus belles machines qu'on puisse imaginer pour aller plus vite sur l'eau. C'est ça qui me fascine, il n'y a pas de limites à ce rêve-là", souligne-t-il en parlant des grands multicoques.
Le rêve ultime. Le rêve des Ultime, cette nouvelle génération de bateaux. Armel Le Cléac'h, actuel leader du Vendée Globe, aura le sien l'été prochain avec Banque Populaire.
Et en 2019, tous ces maxi-trimarans batailleront pour une course autour du monde en solitaire qui s'annonce palpitante. Et toujours plus rapide ?