Lors de la tempête Ciarán, entre beauté artistique et dérèglement climatique, le photographe Mathieu Rivrin a immortalisé la plus violente tempête du XXIe siècle en Bretagne. Un an après, il replonge dans ce moment où il a volé au milieu d'une nature déchaînée.
Le photographe breton Mathieu Rivrin s’est retrouvé face à l'une des plus violentes tempêtes que la Bretagne ait connues. Ciarán, qualifiée comme la tempête la plus dévastatrice du XXIe siècle pour la région, a frappé début novembre 2023. Un an plus tard, dans le cadre d'une émission spéciale sur cette tempête qui sera diffusée ce samedi 2 novembre sur France 3, Anthony Masteau, a recueilli le témoignage de Mathieu Rivrin encore marqué par l'adrénaline et la fascination des éléments déchaînés.
Passionné par les phénomènes météorologiques extrêmes, Mathieu Rivrin est connu pour cette photo incroyable où le visage de Poséidon semble sortir d'une vague à Lesconil en janvier 2021. Un cliché qui a changé sa vie.
Depuis, le photographe survole la région en hélicoptère pour capturer la fureur des éléments. Ce fut le cas le 2 novembre 2023, au cœur de Ciarán. Retour sur une aventure où se mêlent adrénaline et fascination.
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"Tout l’été, j’attends l’hiver"
Pour Mathieu, les tempêtes sont un rendez-vous inévitable. “Tout l'été, j'attends l'hiver !”, lâche-t-il, visiblement animé par une passion presque obsessionnelle. Photographe spécialisé dans les tempêtes, il vit dans l'attente de ces moments où la nature se déchaîne. “Je surveille les cartes météo quotidiennement, parfois jusqu'à 15 jours à l'avance”, explique-t-il, déterminé à saisir ces instants où le chaos règne.
Deux semaines avant l’arrivée de Ciarán, les premiers signes se manifestent. Rapidement, il comprend qu'il est face à un phénomène exceptionnel. Les prévisions annoncent des vents d'une violence rare et une pression atmosphérique historiquement basse. "J'ai vu des pressions tomber à 960 hectopascals à Ouessant, c'est du jamais-vu depuis que je photographie", s’étonne-t-il encore.
Une rencontre visuelle et sonore
La nuit précédant l'arrivée de la tempête, l'atmosphère est déjà lourde. "La première rencontre, c'est le son", raconte le Breton. Les vents furieux martèlent les toits et secouent les arbres. "On entend les arbres tomber autour de l'hôtel, les rafales s'engouffrent sous le toit, résonnent sur les voitures." Mais pour ce photographe chevronné, le défi est ailleurs : sublimer le désordre. "Mon rôle, c'est d'apporter une touche artistique à tout ça, de faire en sorte que, face à la catastrophe, on puisse aussi voir quelque chose de beau."
Le lendemain matin, après une nuit blanche à scruter les prévisions, il monte à bord d’un hélicoptère pour s'approcher au plus près du titan. Direction Belle-Île-en-Mer, où les vagues atteignent des hauteurs vertigineuses. "En arrivant, les vagues faisaient entre 15 et 20 mètres. Voir le phare des Poulains disparaître sous l’eau alors que le soleil se lève... c’était irréel."
"Capturer le visage de la tempête"
Accroché au vide, les pieds sur les patins de l'hélicoptère, Mathieu Riverin cherche à capturer "le visage de la tempête". La mission est périlleuse. "Par moments, les vagues étaient plus hautes que l'hélico. Le pilote devait jouer au saute-mouton avec les flots", se remémore-t-il.
Même pour un habitué comme lui, l'affrontement avec les éléments reste éprouvant. "On a toujours cette appréhension avant de partir. Que ce soit en mer ou dans les airs, les conditions sont extrêmes." Pourtant, l’excitation l'emporte, et il réussit à immortaliser des scènes saisissantes. Parmi elles, l’Abeille Bourbon, le célèbre remorqueur d’intervention, englouti par les vagues au large d’Ouessant. "Voir ce géant, d’ordinaire si imposant, paraître minuscule dans cet océan déchaîné, c’est une image qui me hantera longtemps."
"Au-delà des images, des drames humains"
Pour autant, Mathieu Rivrin ne perd jamais de vue la réalité tragique qui accompagne ces spectacles grandioses. "Derrière ces photos, il y a des drames, des dégâts", admet-il, conscient des ravages que ces tempêtes peuvent provoquer. Il aime partager ses clichés avec le monde, mais ne peut ignorer les conséquences. "En rentrant chez moi, je lis les nouvelles : des blessés, des maisons détruites. Ça ramène à la dure réalité. Derrière chaque tempête, il y a des vies bouleversées."
Pour le photographe, chaque tempête est à la fois une source d’inspiration artistique et une prise de conscience. Alors que les phénomènes météorologiques extrêmes se multiplient, il observe ce changement avec lucidité. "Avec le dérèglement climatique, ces événements deviennent plus fréquents. Je les immortalise, mais les dégâts qu’ils causent sont bien réels."
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Déjà prêt pour la prochaine
Le Breton de Landerneau se prépare déjà pour la prochaine tempête. "J'attends la suivante avec impatience, mais en espérant qu'elle ne fera pas trop de dégâts", confie-t-il. Car même s'il trouve dans ces tempêtes une beauté à capturer, elles restent avant tout un rappel brutal de la force implacable de la nature.