Les intermittents du spectacle occupent le Quartz, à Brest, depuis ce jeudi. Ils sont arrivés en force et ont installé leur campement pour une durée indéterminée. Tant que la culture ne redémarrera pas, ils tiendront le siège. Ambiance de première soirée.
La nuit est tombée sur Brest. Mais pas au Quartz où les lumières au premier étage sont visibles de la rue. A l'intérieur, les intermittents du spectacle, chômeurs et précaires s'organisent.
Passée la montée d'adrénaline qui a accompagné leur arrivée en catimini quelques heures plus tôt, ils s'accordent un moment de détente. Ils occupent les lieux, "et c'est parti pour durer" lâche Olivier. Des petits groupes se forment ici et là. "On a de quoi dormir et manger, on peut tenir".
Bonne joueuse, la direction du Quartz a fait préparer des repas chauds. Le geste est apprécié du groupe qui laissera les sandwichs de côté pour cette première soirée. Des rires fusent autour d'une table où, prévoyant, Grand Thier sort des jeux de société de son sac. Pour se changer les idées. La nuit va être longue et le sommeil léger.
Je fais partie de ceux qui n'entrent dans aucune case
Nolwenn, conteuse et mère de trois enfants, confie avoir eu le trac avant d'investir le Quartz. "C'est la première fois depuis un an que j'ai le trac, ironise-t-elle. C'est un peu bizarre de dire ça mais qu'est ce que cela fait du bien de ressentir ce picotement !".
La culture à l'arrêt a mis sa vie d'artiste sur pause. Et, contrairement à la majorité des professionnels du spectacle, Nolwenn n'a pas le statut d'intermittente. "Je fais partie de ceux qui n'entrent dans aucune case, explique-t-elle. Je ne touche pas l'allocation-chômage, j'ai zéro aide financière et plus de revenu. Je ne bénéficie pas de l'année blanche".
Cette Brestoise songe de plus en plus "à prendre un autre boulot", même si elle ne sent pas prête à abandonner son métier de conteuse. "Je regardais, l'autre soir, un spectacle de Royal de Luxe sur Culturebox, j'ai eu envie de chialer tellement ça manque tout ça".
On veut bosser, c'est pas compliqué à comprendre
A 32 ans, Mathilde est technicienne son. Depuis avril 2020, elle est bénévole dans une association, en attendant de retrouver la scène. "Je continue d'y croire, je suis optimiste de nature" sourit-elle.
Et pourtant, elle pourrait avoir des sueurs froides avec un crédit sur le dos et un salaire qui s'est réduit comme peau de chagrin. "J'ai eu les clefs de l'appartement que j'ai acheté le jour où le premier confinement a été annoncé, il y a de quoi se faire un pic de stress".
La discussion s'engage avec Nolwenn autour du flou qui règne dans les annonces du ministère de la Culture.
Elles partagent le même sentiment d'injustice. "Pourquoi certains ont le droit de bosser et pas nous ? On nous interdit de travailler et après, on va encore entendre que les intermittents sont des profiteurs du système, des fainéants, etc. On veut bosser, c'est pas compliqué à comprendre".
Tenir un siège
Olivier bat le rappel. Il est 21 h. "Faut qu'on discute de l'orga pour les prochains jours". Le groupe se rassemble derrière la banderole orangée "no culture no futur". "Qui part dans l'après-midi demain ?". "Moi il faut que je sois à la sortie de l'école à 16 h 30. Mais je peux revenir après".
La question du ravitaillement est abordée. Tenir un siège dans la durée ne laisse pas de place à l'improvisation. Rendre cette occupation visible et la partager avec l'extérieur, non plus.
"Le fait qu'on soit là, ça met la pression, souligne Olivier. On ne lâchera pas et on espère que cela va s'amplifier". Le mouvement, amorcé par le théâtre de l'Odéon à Paris le 4 mars, touche déjà 14 villes en France.
Brest est la première en Bretagne. "Et elle ne sera certainement pas la seule" glisse l'un des occupants.