Navigateur, explorateur, écrivain... Maurice Uguen a baroudé sur toutes les mers. Le Finistérien est aussi l'un des précurseurs du routage météo. En 1980, il traçait la route de Gérard d'Aboville lors de sa traversée de l'Atlantique nord à la rame. Aujourd'hui, il accompagne Guirec Soudée.
La mer, il ne la quitte pas des yeux. "Autour de chez moi, il n'y a que des navigateurs, soit de commerce soit de la Marine nationale. On a un sujet de conversation : la mer". Maurice Uguen fixe l'horizon, depuis le petit port de Perroz, à Plouguerneau dans le Finistère. Cet ancien ingénieur dans les télécommunications a mis le pied sur un bateau un peu par hasard. Une thèse sur les zones polaires dans les années 70 le propulse au Pôle Nord pour la première d'une longue série d'expéditions.
L'aventure Guirec Soudée
A 70 ans, s'il a lâché les traversées et autres périples du nord au sud de la planète, Maurice Uguen cultive toujours le goût de l'aventure. Et la dernière en date s'appelle Guirec Soudée.
Le Finistérien n'est autre que le routeur du navigateur solitaire qui rame (et c'est rien de le dire) sur l'Atlantique nord depuis de longues, très longues semaines. Avec un compas et un baromètre comme seuls outils de navigation.
Un sentiment de déjà-vu pour Maurice Uguen qui, il y a quarante-et-un an, avait tracé la route de Gérard d'Aboville, lors de sa traversée de l'Atlantique à la rame. "Guirec, je le suis depuis octobre 2020, raconte-t-il. Il est arrivé à Perroz, on a préparé le bateau pour sa traversée entre les Canaries et Saint-Barthélémy. Entre nous, ça a fonctionné tout de suite".
Guirec, c'est le surdoué de la classe. On retrouve chez lui, ce parfum d'aventure.
Quand il prend la mer, pour ce périple de 5.400 kilomètres, Guirec Soudée n'emporte avec lui qu'un seul livre. Celui de d'Aboville. "Un jour, au beau milieu de l'Atlantique, il me dit : 'mais dis donc Maurice, je suis en train de lire le bouquin de d'Aboville et il y parle d'un Maurice. C'était déjà toi ?'. Hé ouais, c'était déjà moi" rigole Maurice Uguen qui, aux côtés du jeune marin, renoue avec l'aventure, 'la vraie" dit-il. "Guirec, il n'est même plus dans les conditions de d'Aboville, relate le routeur. Avec Gérard, on avait des contacts radio tous les jours. Avec Guirec, il n'y a plus de contact. On retrouve chez lui, ce parfum d'aventure. Je revis aussi des moments de ma vie avec cette traversée".
Terra incognita
Maurice Uguen n'aime pas être qualifié de pionnier du routage, même s'il fut le premier à se servir de sa passion de la météo pour trouver le bon cap. "Je rentrais d'une expédition au Pôle Nord, relate-t-il. Pendant ma traversée retour, j'ai filé des infos météo à d'Aboville et à partir de là, j'ai continué. Ce n'est pas mon métier même si j'ai fait beaucoup de routage dans ma vie et que j'ai souvent embarqué comme équipier météo".
Il se souvient de cette époque sans technologie ni satellite, où la radio à bord était le seul lien avec la terre ferme. On y revient à cette aventure avec un grand A. Cette découverte du monde, la terra incognita qui s'offrait aux explorateurs d'alors. Le Pôle nord, l'Antarctique, les courses au large avec Poupon ou Lamazou, mais aussi l'Everest, lui qui a davantage le pied marin que le profil du montagnard.
"L'aventure permanente"
Navigateur, scientifique, journaliste, écrivain - il a signé, entre autres, "Capitaine Hatteras et le passage du Nord Ouest", un livre de bord devenu carnet (presque culte) d'un voyage en voilier entre les icebergs du cercle polaire -, Maurice Uguen est tout cela à la fois. D'une curiosité insatiable. D'une modestie sans faille. Il n'est pas du genre à s'épancher sur son passé de baroudeur des "septs mers".
"Dès qu'il y a la mer à proximité, l'aventure est permanente. Même ici, à Perroz" s'enthousiasme-t-il. Ou sur les côtes bretonnes, celles du nord de préférence, où il barre volontiers son voilier, "un dériveur intégral, souligne Maurice Uguen, ce qui fait que je peux entrer dans les petits abers". Et d'ajouter, les yeux rieurs : "Naviguer un jour, c'est naviguer toujours".
Maurice Uguen sera évidemment à Brest pour accueillir Guirec Soudée dont l'arrivée est prévue dans les prochains jours. "Une histoire est en train de s'écrire, note le routeur. Guirec, il n'a que 29 ans ! Quand il va passer de la rame au 60 pieds, il va réaliser de grandes choses, j'en suis certain. Avant de partir il m'a dit : 'Maurice, t'es mal pour les quatre ans qui viennent'. Moi ça me va car travailler avec un gars comme lui, c'est une chance de la vie".