Présents aux Fêtes maritimes, les marins du Shtandart sortent du silence : "notre job, c'est de naviguer, pas de faire de la géopolitique"

Tandis que leur navire, visé par une interdiction d'accoster dans les ports du Finistère, est au mouillage à Bénodet, quelques matelots du Shtandart ont fait la route jusqu'aux Fêtes maritimes de Brest, ce 13 juillet 2024. Ils témoignent de leur détresse.

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Les émotions sont à fleur de peau. Et les visages fatigués. Hugues, Claire et Nolwenn arpentent les allées des Fêtes maritimes de Brest, ce 13 juillet 2024, mais le cœur n'y est pas. Ils auraient dû être sur l'eau, comme les équipages des grands voiliers qui sont amarrés dans les différents bassins. Au lieu de cela, les trois matelots du Shtandart observent l'effervescence depuis la terre ferme.

"On va bientôt manquer d'eau douce"

Le navire, dont le pavillon russe fait polémique même s'il porte désormais les couleurs des Îles Cook, n'est pas autorisé à accoster dans les ports du Finistère. Ainsi en a décidé la préfecture le 7 juillet au soir. Elle a publié un arrêté conforme aux sanctions européennes visant la Russie après l'invasion de l'Ukraine. "On a appris ça en mer. Cela nous dépasse complètement, dit Hugues. Nous sommes dépités et inquiets".

Participer à des rassemblements maritimes est la principale source de revenus de ce bateau-école. Sans argent, il va couler et nous avec

Nolwenn

Marin du Shtandart

Le Shtandart mouille actuellement au large de Bénodet. Le trois-mâts, réplique exacte d'une frégate du tsar Pierre-Le-Grand, et son équipage de 17 marins (français, espagnols, finlandais et russes) tournent en rond. "La question de notre approvisionnement en eau douce va bientôt se poser, déplore Nolwenn. Car au mouillage, pas moyen de produire de l'eau douce". Sans parler de l'avitaillement "devenu compliqué voire impossible". Les quelques allers-retours en zodiac à Bénodet pour acheter des provisions ne suffisent pas. "On vit au jour le jour, là".

La jeune femme a du mal à contenir ses larmes. Ce navire, c'est sa maison. Elle vit à bord depuis un an. "Et je ne suis pas la seule dans ce cas, confie-t-elle. C'est notre seul toit. Participer à des rassemblements maritimes est la principale source de revenus de ce bateau école qui est une structure associative. Sans argent, il va couler et nous avec".

Solidarité

Jusque-là silencieux, les matelots veulent désormais donner leur version de l'histoire. Ils rappellent que le navire a quitté la Russie en 2009 et n'y est jamais revenu. "À bord, on ne parle ni politique ni religion, c'est la règle" explique Hugues qui souligne qu'une "bonne partie de la famille" du capitaine du Shtandart, Vladimir Martus, "est ukrainienne". Selon eux, l'homme est persona non grata en Russie.

Le changement de pavillon au printemps dernier aura été un coup d'épée dans l'eau. Hugues craint que l'arrêté de la préfecture du Finistère ne fasse "tache d'huile". Après les Fêtes maritimes, le navire devait mettre le cap sur l'Espagne. "Mais ce qui nous arrive ne va-t-il pas faire jurisprudence ?, se demande le matelot. Les autres ports européens ne vont-ils pas eux aussi nous interdire d'entrer ?". "Et cela fera quoi de nous ? renchérit Claire. Des apatrides".

Les marins du Shtandart mesurent la solidarité des gens de mer. À l’instar du Notre-Dame-de-Rumengol, lequel affiche clairement son soutien au moyen d'une banderole accrochée sur le bateau quand il est à quai. Certains matelots ont même embarqué sur des voiliers présents à Brest. "Être là, avec les autres, ça nous galvanise et nous redonne de l'espoir, indique Nolwenn. C'est mieux que d'attendre que les journées passent, dans l'ennui, sans n'avoir rien à faire. Notre job, notre vie, c'est de naviguer pas de faire de la géopolitique".

L'équipage et son capitaine veulent que les Fêtes maritimes servent de caisse de résonance à leur "détresse". Ils seront donc présents, au grand complet, ce mardi 16 juillet, pour une rencontre publique à partir de 15h, au port de Brest.

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