Quatre mois de prison avec sursis ont été requis ce jeudi à l'encontre de la spectatrice qui avait provoqué une chute massive de coureurs du Tour de France en brandissant une pancarte à l'intention de ses grands-parents le 26 juin à Sizun sur la 1ère étape de la Grande Boucle.
"J'ai causé du souci. J'ai blessé des sportifs, j'ai fait peur aux spectateurs..." Ce jeudi matin, la femme que l'on surnomme depuis fin juin "la spectatrice à la pancarte" n'a cessé de se confondre en excuses.
Le 26 juin dernier, l'image de cette femme profitant du passage des coureurs du Tour de France dans le Finistère pour saluer ses grands-parents (Opi et Omi en allemand), a fait le tour des télévisions du monde entier. A 45 kilomètres de l'arrivée de la première étape, sa pancarte avait involontairement provoqué la chute de nombreux cyclistes.
Aujourd'hui visiblement apeurée, la tête rentrée dans les épaules, ses mains tremblent lorsqu’elle s’exprime face au président.
"C'est elle !"
Loin d'elle l'idée de semer une telle pagaille. Elle voulait juste ce jour-là, apparaître à la télé avec une pancarte destinée à ses grands-parents vivant à Paris, et grands fan du Tour de France.
"Les règles de sécurité sur le Tour de France, je les connais" s'explique la jeune femme. Ce n’était pas la première fois qu'elle assistait à une épreuve de la Grande Boucle. Ce samedi 26 juin, des véhicules de l’organisation étaient passés avant le peloton pour faire de la prévention, et écarter le public de la chaussée.Tout de suite après la chute, elle était d'ailleurs restée sur le bas côté, le temps que les cyclistes se relèvent. Ce n'est qu'ensuite qu’elle a pris peur et a fui, "lorsqu’une personne l’a regardé de façon insistante en disant : "C’est elle !"...
Ce n'est que quatre jours après les faits, et alors qu'un appel à témoin avait été lancé, qu'elle s'était rendue à la gendarmerie de Landerneau, ne supportant plus la pression médiatique. C'est que les images de cette femme, vêtue d'un ciré jaune et portant une casquette verte, déchaînaient un fort intérêt médiatique. "Elle avait peur des médias et des réseaux sociaux" justifie son avocat insistant sur la "couverture médiatique hors norme" de cette affaire.
Un euro symbolique pour une "attitude responsable et respectueuse"
Lancés à vive allure, plusieurs coureurs n'avaient pas pu éviter la pancarte qui chevauchait la chaussée. L'Allemand Tony Martin, le premier à tomber, avait entraîné dans sa chute de nombreux autres cyclistes. L'image était impressionnante.
"En montrant son panneau aux caméras, 'elle' a fait tomber une cinquantaine de coureurs, dont certains ont été contraints à l'abandon en raison de blessures corporelles graves", a regretté mercredi dans un communiqué l'organisation internationale Cyclistes professionnels associés (CPA), partie civile au procès qui a duré moins de deux heures.
Parmi les coureurs contraints à l'abandon figurent l'Allemand Jasha Sütterlin (DSM) et l'Espagnol Marc Soler (Movistar). Ce dernier, vainqueur de Paris-Nice 2018, avait eu trois fractures aux bras. "Le préjudice subi par les coureurs est physique, moral et économique."
Un athlète s'entraîne des mois pour un grand tour et il n'est pas acceptable que tout son travail acharné, celui de sa famille, de son staff et de son équipe soit anéanti en un instant par la quête de popularité de ceux qui devraient assister à l'événement sans en devenir les protagonistes"
La seule association de coureurs reconnue par l'Union cycliste internationale (UCI) a néanmoins fait savoir qu'elle ne demandait qu'une indemnité symbolique d'un euro, disant vouloir uniquement attirer l'attention du public sur la nécessité d'adopter "une attitude responsable et respectueuse envers les coureurs".
Un procès pour servir de leçon
L’avocat de la jeune femme ne demande pas la relaxe mais il souhaite que sa cliente "très fragile" ne soit pas sanctionnée.
L’avocat de la partie civile demande, lui, une réparation du préjudice symbolique d’un euro, pour que ce "procès serve de leçon, de pédagogie auprès du public".
La substitute au procureur Solenn Briand a souligné devant le tribunal correctionnel de Brest que la prévenue, âgée de 31 ans, avait reconnu "la dangerosité de son comportement" et "présenté des regrets".
Le jugement a été mis en délibéré au 9 décembre.