Interdite au dépôt sauvage depuis 1995, la cavité rocheuse située à la pointe de Bougeo Ar Pebr sur l'île d'Ouessant servait de décharge depuis les années 40. 8 000 mètres cubes de déchets et gravats y ont été entassés, régulièrement emportés vers le large par les marées. Début décembre, la restauration du site a débuté, un chantier voué à servir d'exemple.
Apparu avec la sédentarisation des populations, le problème des déchets n'est pas nouveau. Athéniens et Romains ont inauguré les premières fosses à ordures en dehors des villes dans l'Antiquité. Et le principe de se débarrasser de ses résidus encombrants dans un coin à l'écart, loin des yeux, s'est perpétué.
Rien ne disparaît
A partir du XVIII ème siècle la révolution industrielle qui permet de produire plus et moins cher engendre une augmentation considérable du volume de déchets. Et l'apparition de molécules de synthèse, matériaux plastiques et composites qui modifient les propriétés de la matière, engendre un nouveau type de déchet, indigeste pour la nature.
Et le principe édicté par Antoine Lavoisier dans son traité élémentaire de chimie en 1789 reste valable : "Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme". Rien ne disparaît ...
1 000 tonnes de déchets à évacuer
A la pointe de Bougeo Ar Pebr sur l'île Ouessant, une cavité rocheuse a servi de décharge sauvage depuis les années 40. Un dépotoir en bordure de falaise, vue sur mer imprenable, interdit depuis 1995 et aujourd'hui en cours de nettoyage.
1 000 tonnes de déchets et gravats ont été accumulés ici au fil du temps, florilège de nos modes de vie et de consommation. Les cheminées du pétrolier Olympic Bravery qui a fait naufrage en 1976 y seraient même enfouies. "On trouve un peu de tout. On a sorti des ballons d'eau chaude, des déchets issus du BTP, du plastique, des engins de pêche usagés ... Tout le fond est jonché d'engins motorisés : voitures, tracteurs, bateaux, mobylettes, tout ce que vous pouvez imaginer qui circule sur une île." constate Marie-Amélie Néollier, chargée de mission au Parc naturel marin d'Iroise.
Un chantier titanesque
Terrain instable, contraintes liées à l'insularité, le chantier de restauration de "Bouge Pep", comme l'appelle les Ouessantins, est un défi technique et logistique.
Extraire, trier, évacuer, recycler tout ce qui a été entreposé, restaurer ce site exceptionnel, l'ensemble des opérations financé par l'Etat dans le cadre du plan de relance a été confié à l'entreprise finistérienne Le Floch Dépollution."La difficulté c'est d'arriver à trier tout ça. On est équipés de gros matériel de criblage pour pouvoir réutiliser les matériaux, la terre, les cailloux... et évacuer en filière adaptée les déchets métalliques et plastiques." détaille Jean-Pierre Vanbaelinghen, PDG de Le Floch Dépollution
Un chantier exemplaire
Au pied de la falaise la cavité-dépotoir communique avec la mer. A chaque marée depuis 80 ans la mer emporte les déchets, gros et petits vers le large, par le fond. Un phénomène accentué par les effets du réchauffement climatique. "Aujourd'hui on a des éléments pluviométriques, de fortes houles et la montée des eaux, tout ça additionné vient grignoter et éroder de plus en plus les côtes" explique Marie-Amélie Néollier.
Sur l'ensemble du littoral cette érosion vient rappeler à notre souvenir des décharges opportunément oubliées. La restauration de Bouge Pep devrait servir de modèle pour les dépolluer. "Le problème qu'on a ici, il est national et international, précise Marie-Amélie Néollier. Si on y arrive ici, on peut y arriver ailleurs".
Le principe de collecte sélective, récupération et valorisation des déchets n'étant apparu qu'au début des années 90 en France, il est difficile d'imaginer combien de sites ont pu servir de décharge sauvage. Et à l'échelle de la planète, ça semble vertigineux ...