Fermeture du site Hop de Morlaix: la fin de 50 ans d'aventure aéronautique

La direction de Hop! devrait confirmer, au cours d'un Comité social économique qui se tient ce vendredi 3 juillet à Nantes, la suppression de 40% des effectifs de la filiale régionale d'Air France et la fermeture du site de Morlaix, pour qui une page d'histoire de l'aéronautique se tourne.

Brit Air, c’est l’histoire d’une petite entreprise d’avions taxis qui s’est hissée au rang de compagnie aérienne de renommée internationale. Une aventure digne d’un roman.


Une histoire de pionniers


Elle commence au tout début des années 70 : Xavier Leclercq, l’un des responsables de la Chambre de commerce et d’industrie de Morlaix, se rend compte qu’il existe un besoin de transport aérien à la demande: "j’avais appris à piloter, et il m’arrivait de dépanner des amis entrepreneurs qui avaient besoin de se rendre à Nantes ou à Paris. A l’époque, il n’y avait qu’un départ de Brest le matin et un autre le soir. On s’est regroupés, avec quelques patrons locaux, pour acheter deux bi-moteurs d’occasion de 6 places, pilote compris… "
 


Cette mini société d’avions taxis s’appelle Brittany Air International, car Xavier Leclercq veut lui donner les mêmes initiales que la compagnie maritime Bretagne Angleterre Irlande, créée un an plus tôt, plus connue sous son nom commercial : Brittany Ferries. Et de fait, les deux initiatives relèvent de la même ambition : prendre en main le destin économique de la Bretagne, sans rien attendre de Paris.
Les actionnaires de Brittany Air International (très vite abrégé en Brit Air) : la coopérative agricole Sica de Saint-Pol-de-Léon, la compagnie bretonne de l’artichaut (CBA) et une poignée d’autres PME. Capital de départ : 40 000 francs (6000 euros)


Un acteur majeur du désenclavement breton


Les minuscules avions taxis servent essentiellement aux entrepreneurs locaux qui font des affaires à Londres. Le succès ne se fait guère attendre. En 1978, Brit Air achète trois nouveaux appareils, dont le plus gros a une capacité de dix-huit places : le Bandeirante, un avion brésilien qui lui va bien, puisque Bandeirante signifie "pionnier" en portugais. Grâce à lui, Brit Air assure des liaisons avec Londres depuis Rennes, Morlaix, Quimper, Le Havre et Caen.

 


Le rêve d’Icare accompli


En 1983, nouvelle montée en puissance : Brit Air signe un accord avec la compagnie de vols intérieurs Air Inter qui lui octroie les liaisons Rennes-Paris et Quimper-Paris. Elle opèrera ensuite des liaisons pour le compte d’Air France. Dès lors, la flotte s’accroît à un rythme régulier, la compagnie investit dans des avions de plus en plus gros, ATR de 50 places d’abord, puis viendront les Bombardier CRJ, de 70 places en moyenne.

Brit Air, c’est une anomalie de la nature : réussir à s’implanter dans le trafic interrégional en partant de si peu, c’était impensable. D’ailleurs, on m’a souvent prédit que j’allais me planter. Pourtant, en 30 ans, je n’ai pas connu une seule année déficitaire

Xavier Leclercq, fondateur de Brit Air


Les années 90 : la consécration


De fait, la compagnie morlaisienne a connu des pépins, notamment en 1991, lorsque le prix du carburant a été multiplié par quatre. Air Inter revoit alors les contrats à la baisse. "On a tenu le choc, on est même reparti de plus belle. On était très adaptable, très réactif : même lorsqu’on a atteint les 1200 salariés, on est toujours resté une PME dans l’esprit" confie Xavier Leclercq.
En 1995, Brit Air est couronnée "Compagnie européenne de l'année" par l'Association Européenne des Compagnies Régionales puis "Compagnie régionale mondiale de l'année" par la revue américaine Air Transport World. En 1998 elle fait son entrée à la bourse de Paris, sur le second marché. En 2000, Air France devient actionnaire majoritaire : certains diront que c’est le début des ennuis…


Le tournant des années 2000


Son fondateur affirme avoir été contraint de vendre sa compagnie à Air France : "Quand Christian Blanc (alors PDG d’Air France, NDLR) est venu me voir pour me dire qu’il souhaitait acheter une compagnie régionale et qu’il pensait à Brit Air, j’ai bien compris que si je disais non, il en aurait acheté une autre et lui aurait donné tous nos contrats. A l’époque, 60% de notre activité était faite pour le compte d’Air France". 

Xavier Leclercq pense alors que l’avenir du site de Morlaix est sécurisé: celui-ci assure en effet l’essentiel de la maintenance des appareils, activité peu délocalisable. Depuis 1991, la compagnie possède en outre son propre centre de formation aéronautique avec simulateurs de vol, ICARE. Près de 4000 pilotes de tous les continents viennent s’y former chaque année. Et Air France s’engage à maintenir l’emploi à Morlaix pendant dix ans. "Ce qu’elle a fait" précise le fondateur de Brit Air.
 


En 2002, Xavier Leclercq lâche les rênes: la compagnie sera dès lors dirigée par des PDG issus d’Air France. Brit Air est alors un acteur majeur du ciel français : avec 1200 salariés et 38 avions, elle opère 33 lignes régulières.
Le 22 juin 2003, Brit Air connaît son unique accident aérien:  le vol Nantes-Brest atterrit à 2,3 miles de l'aéroport de Brest Bretagne, heurte des arbres et s'embrase, faisant un mort, le commandant de bord.

Les années qui suivent sont cependant encore des années de croissance et Brit Air peut même se permettre de sponsoriser le skipper Armel Le Cléach entre 2006 et 2011.
Mais à partir de 2010, elle connaît pour la première fois une baisse d’activité et les plans de départs volontaires s’installent dans le paysage: Morlaix perd 32 postes en 2014, 22 en 2015, 50 en 2016, 23 en 2019…
En 2016, Brit Air est regroupée avec deux autres compagnies régionales au sein de Hop ! Le triskell et l’hermine disparaissent définitivement des empennages.
 
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