Avec la crise des "gilets jaunes", les mareyeurs bretons subissent de plein fouet les effets des blocages. Ils sont confrontés à des clients inquiets qui, à quelques jours des fêtes de fin d'année, annulent leurs commandes. L'important pour eux est de limiter les risques de perte.
"Depuis le début du mouvement des gilets jaunes, les vendredis on fait 70% de chiffre d'affaires en moins, au moins 30% en novembre": Gwendall Olivier, mareyeur de 46 ans, patron avec son frère Tual des "Pêcheries Les Brisants", une PME installée dans le port de Loctudy (Finistère), ne cache pas son inquiétude. Il est contraint depuis maintenant quatre semaines d'adapter l'activité de ses 25 salariés. Des camions à quai, des bateaux obligés de décaler les horaires de pêche, des commandes annulées: la crise des "gilets jaunes" impacte directement l'économie de la pêche bretonne. La Bretagne compte 108 entreprises de mareyage, 400 de poissonnerie et 80 de transformation, selon les chiffres du comité régional des pêches maritimes.
Des journées plus courtes que d'habitude
"Les clients ont peur de ne pas être livrés", glisse ce PDG tandis qu'autour de lui une vingtaine d'employés en tabliers cirés s'affairent dans les deux ateliers à transformer des produits de la mer, écaillant et préparant des centaines de poissons en filets, placés ensuite dans des caisses avec de la glace. "Les journées sont courtes en ce moment", souligne-t-il. Ce jeudi les ateliers ferment vers midi, une heure plus tôt que d'habitude. Ensuite, les colis (lottes, daurades grises, tacauds ou encore coquilles Saint-Jacques de l'archipel des Glénan, un des produits phares de l'entreprise) seront récupérés par les transporteurs pour être livrés aussi bien dans la région, vers Rungis, qu'aux quatre coins du pays et vers l'étranger.
"Du frais, pas de stockage"
"Dans ce business, on est sur du frais, il n'y a pas de stockage", souligne le patron qui a repris avec son frère cette pêcherie fondée en 1989 par leur père. Dans la région, l'entreprise est loin d'être la seule impactée par la crise des "gilets jaunes", selon l'Association bretonne des acheteurs des produits de la pêche (Abapp). "Quand le pêcheur, en aval, a les circuits de distribution qui fonctionnent bien, tout va bien. Mais quand il y a un grain de sable, il va subir des impacts: les entraves à la circulation ne pardonnent pas, ce sont des denrées périssables", souligne l'Abapp.
Limiter les risques de pertes
Pour les mareyeurs bretons, une chose compte: limiter les risques de pertes "pour ne pas se retrouver avec de la marchandise sur les bras", mais c'est loin d'être évident quand au bout de la chaîne les accès des grandes et moyennes surfaces sont bloqués ou freinés, souligne cette association. "Tous les mareyeurs ont reçu le même courrier des transporteurs pour se déresponsabiliser de la livraison, ou de retards, ou s'ils ne peuvent pas livrer", regrette Gwendall Olivier. "On est touchés comme beaucoup d'entreprises, il n'y a pas que nous, mais il ne faut pas que cela dure", explique le mareyeur en parcourant le hall de la criée où les marchandises arrivent par bateau.
Pas de chômage technique envisagé dans l'immédiat
Dehors, un groupe de mouettes guette les bateaux qui arrivent au port. L'entreprise réalise sur une année normale 7 millions de chiffre d'affaires et compte parmi ses clients 65% de grossistes, mais aussi des poissonneries, des restaurants, et des collectivités. Mais dans le contexte actuel, certains clients préfèrent fermer plutôt que de subir les contraintes de blocages. Dans l'immédiat, les "Pêcheries Les Brisants" n'envisagent pas de chômage technique ni de solliciter l'aide de la Dirrecte (Direction régionale des entreprises de la concurrence et de la consommation, du travail et de l'emploi) qui propose aux entreprises en difficultés des solutions temporaires comme le report d'échéances fiscales.
"On fera le bilan en janvier"
"On ne rattrapera pas ce qui été manqué... On verra bien, en janvier on fera le bilan", explique M. Olivier. Dehors un transporteur prend en charge des caisses qui doivent partir vers l'Espagne. Interrogé sur les difficultés dans le secteur des transports, il préfère renoncer à parler, craignant des représailles des "gilets jaunes".