Brexit, fragilité de la filière, les pêcheurs bretons affichent leurs angoisses. Dans le Finistère, la plupart d'entre eux s'estiment "oubliés" de la campagne présidentielle. Ils témoignent de leurs difficultés.
Alors que le Brexit doit se mettre en place, les pêcheurs bretons apparaissent bien désabusés. "La campagne ? Quelle campagne ? La campagne de pêche...?", demande hésitant Antoine, un marin-pêcheur interrogé dans un bar du Guilvinec à propos de la campagne présidentielle, un sujet qui "ne (l)'intéresse pas" et à propos duquel il n'a "rien à dire"."Je ne suis pas du tout la campagne. Je m'en fiche. Je ne suis pas sûr que ça change quelque chose d'avoir un président plutôt qu'un autre", estime un peu plus loin sur le port Théo Felici, un matelot de 23 ans affairé à débarquer du poisson de L'Ockeanos, un chalutier de 15 mètres.
A l'autre bout du Finistère, au port de Roscoff, Gaël Abjean, 51 ans, ne dit pas autre chose: "Tous ces politiques sont complètement en dehors de la réalité et du terrain". D'ailleurs, dans cette campagne "on parle d'agriculture mais pas de pêche", se désole-t-il.
La Bretagne, première région de pêche : des professionnels inquiets
Avec près de 460.000 tonnes de poisson pêchées chaque année pour plus d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires, la filière française pèse pourtant un poids non négligeable dans l'économie côtière. En Bretagne, première région de pêche, c'est surtout le Brexit qui inquiète. Selon le comité national des pêches, la France est dépendante à environ 30% des eaux britanniques, un taux qui monte à 50% en Bretagne.
"Le Brexit ? C'est une catastrophe !" assure Gaël Abjean, propriétaire de l'An Tuaz Coz, un fileyeur de 15,60 m. "Les bateaux qui vont au large vont soit faire faillite, soit pêcher dans les eaux françaises et sur la bande côtière, qui est déjà saturée de petits bateaux", soutient-il.
La remise en cause de l'accès aux zones de pêche britanniques pourrait avoir des "conséquences désastreuses", estime le conseil économique et social de Bretagne dans une étude parue en décembre, mettant en avant un risque majeur pour l'emploi breton.
"Si le politique n'a pas de vision, ça ne le fera pas. Le Brexit va être un électrochoc pour la pêche, or je ne vois pas de programme maritime chez les trois principaux candidats", prévient Jean-Loup Velut, secrétaire général de la Coopération maritime, qui regroupe l'essentiel des structures coopératives de la pêche artisanale.
Une filière prise dans les mailles d'un filet, coincée entre rigueur administrative et manque d'attractivité
Face à cela, la filière réclame une stratégie. "Il est temps que l'État français se rende compte de sa maritimité, d'autant que demain, l'économie française ne se fera plus à terre mais en mer", assure Olivier Le Nézet, président du comité des pêches de Bretagne.
Le secteur souffre aussi d'un manque d'attractivité qui le pénalise, les départs à la retraite des baby-boomers n'étant plus automatiquement suivis d'une relève. "Il faut en finir avec une vision misérabiliste à la Zola, alors qu'un pêcheur peut très bien gagner sa vie", assure Jean-Louis Velut.
La profession fustige en outre le poids de la réglementation, avec plusieurs milliers de règlements qui découragent souvent les meilleures volontés. "C'est un véritable parcours du combattant pour s'installer", assure Victor Bouvard, de la Fedopa, qui représente plusieurs organisations de producteurs. "L'espèce en voie de disparition aujourd'hui c'est le marin-pêcheur", renchérit Olivier Le Nézet.
A cela s'ajoute une flotte vieillissante. "Nos bateaux ont trente ans de moyenne d'âge, vous vous rendez-compte ? C'est un peu le même principe qu'à Cuba, où ils tournent toujours avec des voitures des années 50", déplore Gaël Abjean, qui a acheté son bateau il y a 33 ans. Et pour acheter un bateau neuf de 24 mètres avec des quotas, "c'est 3,8 millions d'euros, assure le marin. Aujourd'hui, si vous n'êtes pas aidé, vous ne pouvez pas acheter un bateau".
Le pêcheur ira tout de même voter à la présidentielle, après avoir voté Hollande en 2012, mais n'attend "plus rien des politiques" qui ont "lâché le morceau depuis des années".