Ce soir-là, sur Concarneau, la nuit est noire. On devine à peine la ville close. Mais en face, les lumières de la criée éclairent les bassins. Entre minuit et 5 h du matin, une centaine de bateaux vont débarquer leur pêche. Ils auront besoin d’y voir clair, puis leurs poissons auront besoin de glace... Les criées voient leurs factures d’énergie s’envoler et s’inquiètent.
"Un port de pêche, ça vit d’abord la nuit, raconte Philippe Le Carre, directeur des ports CCI Bretagne, quand les gens se réveillent le matin, le poisson est vendu, il est déjà dans les magasins de marée, parfois même déjà parti. "
La criée a donc besoin d’énergie, pour éclairer d’abord les quais, les bâtiments. Il faut de la lumière pour pouvoir travailler et pour des raisons de sécurité. "Le bord à quai, c’est l’interface entre la terre et la mer. La zone est périlleuse." Le long des quais, des lampes LED diffusent donc leur lumière.
"Il est pas frais mon poisson ? "
A l’intérieur des bâtiments, il faut évidemment aussi de la lumière et surtout de la fraîcheur. "Pour maintenir la qualité du poisson, il faut respecter la chaîne du froid du bateau à la vente. Dans les halles à marée, la température est réglée entre 2 et 4 degrés. Dans les frigidaires, on descend à 0 ", commente Philippe Le Carre.
Tout au long de la chaîne, les maquereaux, daurades et bars sont allongés sur des lits de glace pailletée. La criée peut en fabriquer 40 tonnes par jour. Et pour faire de la glace, il faut de l’eau, un peu de sel et beaucoup d’électricité. 2.400 kilowattheures à 88 centimes par jour… la note grimpe vite !
Pour couvrir tous leurs besoins, les criées de Cornouaille consomment 11.000 gigawattheures par an. Cette année, la facture risque de doubler pour passer de 1 à 2 millions d'euros, et l'an prochain, elle pourrait atteindre 4 millions d’euros.
Des travaux comme un tonneau des Danaïdes
Dans la criée de Concarneau, comme dans celle du Guilvinec, des travaux ont été entrepris pour baisser la facture. "Tous les néons intérieurs ont été remplacés par des LED qui consomment cinq fois moins d’énergie" explique Philippe Giraud, conseiller technique pour les criées.
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Dans la future salle des ventes, tout a été isolé, les murs, le plafond. "La salle de la criée était grande, ouverte et avait beaucoup de portes, détaille Philippe Le Carre. Là, on a fermé les portes et isolé pour maintenir les températures souhaitées." Mais les économies espérées sont balayées par la flambée des coûts.
Appel à l'aide
Les criées demandent des mesures d’accompagnement des pouvoirs publics et tirent la sonnette d’alarme. Ces hausses auxquelles elles doivent faire face, toute la filière est concernée, des pêcheurs aux poissonniers en passant par les mareyeurs. Un secteur qui emploie 100.000 personnes et qui était déjà en crise.