Sur l'île de Sein au large du Finistère, il y a ceux qui craignent le réchauffement climatique et ses conséquences sur cet îlot de 58 ha. Et il y a les optimistes...
Ils ont beau être habitués aux coups de tabac, certains habitants de l'île de Sein s'inquiètent des conséquences du changement climatique sur leur îlot posé à fleur d'eau.
"L'île de Sein c'est comme un château fort et la mer c'est l'assaillant", illustre Serge Coatmeur. Et il sait de quoi il parle ! Il a été gardien pendant 19 ans du phare de la petite île. 58 ha situés à une heure de mer du continent et habités par une centaine de personnes au creux de l'hiver.
"La mer attaque l'île par ses points faibles", poursuit-il, en montrant le brise-lame, construit à proximité du fanal, quasiment enseveli sous de gros galets. Traînés par la houle, ils servent désormais de tremplin à la mer pour envahir la lande polie par les vents.
Il y a des choses à faire sur l'île et il faut les faire maintenant, avant la catastrophe.
Serge CoatmeurAncien gardien de phare sur l'île de Sein
Une partie du mur d'enceinte du phare de 53 mètres de haut, érigé à la pointe nord-ouest de l'île a ainsi cédé en 2014 lorsque une forte houle s'est conjuguée à un gros coefficient de marée. L'eau a envahi le rez-de-chaussée de l'ouvrage, inondant la salle des machines du groupe électrogène qui alimente l'île en électricité.
"On ne prend pas le problème au sérieux. Il y a des choses à faire sur l'île et il faut les faire maintenant, avant la catastrophe", tempête l'homme aux cheveux et à la barbe grisonnants.
"A quelques semaines de la présidentielle, entre l'Ukraine et le Covid, le changement climatique passe à la trappe", regrette-t-il.
Avec une altitude moyenne de 1,5 mètre et des endroits situés sous le niveau de la mer, cet îlot hors du temps que ses habitants nomment le caillou, s'avère particulièrement vulnérable aux assauts de la mer. Les trois kilomètres de digues qui l'encerclent sont régulièrement endommagées.
Tempêtes de plus en plus violentes
"Les tempêtes sont de plus en plus violentes et les ouvrages de plus en plus sollicités", note Didier Fouquet, maire de ce petit bout de terre qui s'étend sur deux kilomètres.
"La cale est régulièrement submergée par la mer, poursuit-il. Ça ne se produisait pas avant."
Houle et de vent violents provoquent de gros dégâts
Arrivé sur l'île depuis ses Alpes natales il y a dix ans pour ouvrir un restaurant, Matthieu Masson, 35 ans, s'inquiète : "On a l'habitude des coups de vents. Mais le problème ici ce n'est pas tant la montée des eaux que le dérèglement climatique avec des épisodes violents de houle et de vent qui provoquent de gros dégâts."
Il évoque le réseau électrique enterré, les panneaux publicitaires inexistants ou encore l'absence de pots de géraniums sur le rebord des fenêtres.
On dramatise un peu trop les choses.
Yves FouquetGéologue originaire de l'île
"L'île de Sein est fragile mais parfois on dramatise un peu trop les choses,
tempère Yves Fouquet, géologue originaire de l'île. Quand il y a des tempêtes,
les vagues peuvent monter sur les digues mais à marée basse l'eau redescend."
Sur le quai des Paimpolais, Christine Poilvet, 55 ans, se dit elle aussi sereine. "Ça ne m'inquiète pas. Je ne constate rien. Il y a des tempêtes comme il y en a toujours eues", souligne cette commerçante.
500 000 personnes concernées par une hausse du niveau de la mer en France
Il n'en reste pas moins que selon les experts climat de l'ONU (GIEC), le risque d'exposition à des submersions marines exceptionnelles en France pourrait concerner au moins 500 000 personnes avec une hausse anticipée du niveau de la mer d'un mètre d'ici la fin du siècle.
Pas sûr cependant que les Sénans quittent un jour leur éperon rocheux. "C'est très inquiétant, mais je ne quitterai pas ici, non non, j'ai toujours vécu ici, je suis attachée à mon île", assure Charlyne Le Golvan, 22 ans, avant d'embarquer sur le ferry qui brave deux fois par jour les puissants courants de la mer d'Iroise pour relier l'îlot au continent.